Marionnettiste allemande vivant en France. Alors qu’elle s’initiait à Hambourg à la gestuelle eurythmique – non fondée sur une technique mais sur l’alliance entre l’esprit et le corps – dans une des écoles du spiritualiste Rudolf Steiner, Ilka Schönbein rencontra Albrecht Roser et apprit en parallèle avec lui, pendant deux ans, la manipulation et la construction de marionnettes à fils. Après avoir travaillé avec diverses petites compagnies allemandes, elle choisit de sillonner les routes en minibus et de se confronter au public dans la rue. L’art d’Ilka Schönbein est alors profondément marqué par le souvenir de l’holocauste. Sans être juive, elle donna à sa compagnie un nom yiddish, Théâtre Meschugge, qui veut dire fou (1992). Son visage, peint d’un blanc crayeux, enduit de maquillage rouge sang, et ses grands yeux, expriment une douleur profonde, une laideur et une solitude issues de la vieillesse et de la mort. Le jeu de ses mains contribue à créer un univers grotesque, morbide et fascinant pour des publics de tous âges.

Ilka Schönbein est une soliste ; elle utilise et transforme son corps pour donner vie à ses personnages, utilisant des masques ou des marionnettes à travers lesquels elle raconte ses histoires. Elle manipule ses marionnettes avec ses mains, ses pieds, sa tête et ses fesses. Elle est accompagnée de musiques vivantes et de chants : par exemple, lorsqu’elle joue une femme enceinte dans le Winterreise (Voyage d’Hiver) de Franz Schubert sur le livret de Wilhem Müller. Les vingt-quatre étapes de ce Voyage peignent le trouble amoureux dans toute son intensité, de l’extase au désespoir, à travers les compositions prodigieuses d’une marionnettiste qui fait corps avec ses personnages ;  lorsqu’elle interprète une adolescente dans le ghetto dans Metamorphosen (Métamorphoses) créé en 2003 ; quand elle joue le rôle de la mère et de la fille, dans un cirque,  une rencontre féérique entre un âne et la mort : Die Alte und das Biest (La Vieille Femme et la Bête). Ses scénographies sont minimalistes, conçues pour la rue. Cette danseuse, très mince, est une véritable virtuose du corps.

En 1994, le jury du festival Mimos, de Périgueux, rejoignant l’enthousiasme des spectateurs, lui décerne le grand prix de la critique alors qu’elle ne faisait pas partie de la sélection et jouait dans le off. Depuis, Ilka Schönbein a beaucoup travaillé en France. Métamorphoses continue d’être parfois montré en salle. L’artiste est inclassable par sa technique  – elle manipule avec ses mains, ses pieds, sa tête ou ses fesses – et par ses fonctions – elle est actrice, mime, danseuse, marionnettiste, auteur, créatrice de masques et de costumes. En 1998, elle a monté pour les enfants Le Roi grenouille, d’après La Princesse et le Crapaud des frères Grimm. Malgré son succès, Ilka Schönbein ne considère jamais un spectacle comme achevé. Elle a présenté, en 2005, la troisième version du Roi grenouille et refaçonné Le Voyage d’hiver, créé en 2003. Au-delà de toute pudeur, chaque création d’Ilka Schönbein est un rendez-vous avec la violence de l’existence humaine, dévoilée par des masques.

(Voir Allemagne, France.)