Personnage du théâtre de marionnettes populaire des Pays-Bas, apparenté au Pulcinella italien. Le nom de Jan Klaassen serait dérivé de celui d’un trompettiste, Jan Klaaszoon, qui servait dans la garde du stadhouder des Provinces-Unies, Guillaume II de Nassau. Deux ans après la mort de ce dernier, en 1652, le pouvoir fut repris par le « grand pensionnaire » Jean De Witt, représentant de l’oligarchie bourgeoise. Tous les orangistes furent révoqués, y compris le trompettiste, qui, parti s’installer à Amsterdam, gagna sa vie en présentant dans les rues un spectacle de marionnettes persiflant le nouveau gouvernement. Son succès fut tel que le personnage principal, jusque-là nommé Hanswurst ou Polichinel, prit le nom, légèrement altéré, de son auteur : Jan Klaassen. Plus tard, ses déboires conjugaux fournirent la matière de ses spectacles.

Le vieux Jan Klaassen est un bossu au nez rouge et crochu surplombant une large bouche souriante. Son costume est d’aspect militaire : veste rouge à parements dorés, culottes jaunes et galoches (contrairement aux autres marionnettes, Jan Klaassen, a des jambes), coiffe conique courbée vers l’avant mais ornée d’une clochette ou d’un grelot. Amstellodamois type, plein de bonhomie et d’humour, pauvre mais joyeux et souvent pris de boisson, il ne redoute qu’une seule personne : sa femme Katrijn. Celle-ci est aussi laide que lui et leurs disputes se terminent toujours par une réconciliation à la fin de la pièce. Le décor du castelet représente un canal qu’enjambe un pont, encadré parfois de la taverne du Petit Cygne (Het Zwaantje) à gauche et de la demeure de Jan Klaassen à droite.

Les marionnettes sont habituellement à gaine et les pièces brodent sur le répertoire international : Jan père de famille, Jan soldat, Jan et le gendarme, Jan et le logeur, le médecin, le boulanger, le crocodile, le bourreau, le diable. Un personnage propre à la tradition néerlandaise est la Mort de Pierlala. La Mort est une marionnette à tige, un crâne et un drap fixés sur une longue hampe ; elle est liée à Pierlala, une version de Pierrot remontant au XVIIe siècle.

Jan Klaassen fait face à tous les dangers, ridiculise ses adversaires et, si cela ne suffit pas, il s’en débarrasse à coups de bâton. D’ailleurs le nom ancien du castelet était ronzebons, terme évoquant le bruit de la bastonnade. D’après les auteurs du XIXe siècle, les marionnettistes de l’époque se servaient d’une pratique pour faire la voix de Jan.
Les spectacles de Jan Klaassen étaient du divertissement de pauvre pour les pauvres. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les marionnettistes possédaient, outre leur castelet de rue, un petit théâtre adapté aux demeures des nantis. Ils y jouaient des pièces de Jan Klaassen, mais aussi des numéros de variétés ou des tours d’adresse. Pour bénéficier d’un langage plus relevé, les clients devaient payer plus cher.

Le personnage de Jan Klaassen a suscité plusieurs dynasties de marionnettistes, comme la famille Hofman d’Utrecht, la famille Remmert à Rotterdam et, à Amsterdam, les Cabalzi, marionnettistes de foire italiens, arrivés aux Pays-Bas en 1830. Le membre le plus célèbre de cette famille fut Janus Cabalt (1869-1935) qui en 1883 obtint, pour donner ses représentations, un emplacement fixe sur la place du Dam.

Dans les décennies soixante et soixante-dix, la tradition de Jan Klaassen déclina au profit, probablement, du cinéma et de la télévision. Le dernier marionnettiste de la famille Cabalzi, Daan Kersbergen cessa ses représentations au Dam en 1981. Wim Kerkhove (né en 1953), venu du théâtre Poppentheater Pantijn, lui succéda et redonna vie à la tradition en s’inspirant, comme le trompettiste du XVIIe siècle, de l’actualité : Jan Klaassen contre un général détenteur de la bombe à neutrons, le fils de Jan (un punk) contre le propriétaire dont il squatte la maison inoccupée. Pour rendre compte de la société multiculturelle des Pays-Bas, Kerkhove créa des personnages représentant les nouveaux venus, non pour les ridiculiser comme souvent par le passé, mais dans les rôles de voisins ou d’amis de Jan et de sa femme Katrijn. Celle-ci prit de l’importance dans les pièces.

Signe de l’intérêt du public, une salle fixe fonctionna un temps à Pieterspoortsteeg, à partir de 1997, pour accueillir les spectacles de Jan Klaassen en hiver, tandis que le castelet du Dam restait le lieu des représentations estivales. Mais, en 2011, elle a fermé et Misha Kluft a pris la succession de Wim Kerkhove, l’été, sur le Dam.

En 2009, Wim Kerkhove fonda la Jan Klaassen Academy (Académie Jan Klaassen) afin de poursuivre la tradition et pour perpétuer Jan Klaassen sur le Dam à Amsterdam. La même année, Wim Kerkhove présenta son plus récent spectacle Jan Klaassen – de man met de poppenkast (Jan Klaassen, l’Homme du Spectacle de Marionnettes) dans le cadre du festival international de Marionnettes populaires à Banská Bystrica (Slovaquie) et, à nouveau en 2011, au festival global de Clowns en Turquie.

En 2011, il y avait une dizaine de marionnettistes professionnels qui jouaient Jan Klaassen laissant entrevoir un nouveau futur pour le vieux bossu néerlandais.

(Voir Pays-Bas.)

Bibliographie

  • Guillemin, Alain. Polichinelle(s) d’Europe. Pour marionnettes à gaine et à tringle. Roubaix: Théâtre Louis Richard, 1991.
  • Meilink, Wim. Doopceel van Jan Claeszen. Kroniek van het traditionele poppenspel in Nederland [Divagations de Jan Claeszen. Chronique du Théâtre de marionnettes traditionnelles aux Pays-Bas], 1969. Amsterdam: Wereldbibliotheek, 1980.
  • Paërl, Hetty. Heerekrintjes: over Jan Klaassen en Katrijn en hun buitenlandse Soortgenoten [Heerekrintjes : Sur Jan Klaassen et Katrijn et leurs Homologues étrangers]. Veenendaal: Gaade, 1987.
  • Paërl, Hetty, et Otto van der Mieden. Poppentheater-abc: een alfabet over het (volks)poppenspel [Un abécédaire de la marionnette en néerlandais (avec environ cinq cents entrées ; ce fascicule comprend des explications de termes, d’expressions, de concepts, des présentations de techniques de marionnette, de figures typiques de la marionnette et de personnages importants)]. Vorchten: Poppenspe(e)lmuseum, 2003.
  • Paërl, Hetty, et Otto van der Mieden. Poppenspe(e)lkwartet: Heb jij voor mij de baby van Katrijn [Jeu des Familles de Marionnettes : as-tu le bébé de Katrijn pour moi] (Livre et jeu). Vorchten: Oostelijk Kunstbedrijf, 1991.
  • Paërl, Hetty, et Otto van der Mieden. Het gezicht van Jan Klaassen. Hij lacht zich een bult./Das Gesicht von Jan Klaassen. Er kriegt vor Lauter lachen einen Buckel [Le visage de Jan Klaassen. Il s’éclate de rire à en attraper une bosse]. Livre. Vorchten:Oostelijk Kunstbedrijf, 1986.
  • Paërl, Hetty, et Otto van der Mieden. ‘t Fluwelen eindje: De spiegel van het leven:monografieënreeks over het volkspoppenspel [Le Miroir de la Vie : série de monographies sur le théâtre de marionnettes populaires]. Monographs. Vorchten: Oostelijk Kunstbedrijf, 1990.