Poupées-marionnettes mécaniques du Japon. Le mot karakuri peut se traduire par automate ou par mécanisme caché, « truc » (de magie par exemple) entraînant un effet de surprise. Ningyô signifie poupée. L’expression recouvre ainsi toute une palette de poupées plus ou moins automatisées – dont l’origine remonte au développement de l’horlogerie et des automates à partir des XVIe-XVIIe siècles au Japon et qui connurent un véritable engouement au cours du XVIIIe siècle. Inspirées du théâtre pour la fabrication des têtes, confectionnées avec le plus grand soin, ces poupées très élaborées devaient susciter l’émotion autant que la surprise par leurs mouvements subtils et gracieux. On en distingue trois catégories.

Les poupées techniquement les plus élaborées sont les petites zashiki karakuri à usage privé, ancêtres des robots domestiques actuels et conçus à partir des mécanismes d’horlogerie. Les plus célèbres sont un petit serveur de thé (Chahakobi-ningyô) datant du XVIIIe siècle et surtout l’étonnant petit archer (Yumi-iri Doji) mis au point dans la première moitié du XIXe siècle par l’ingénieur et inventeur Hisashige Tanaka (1799-1881).

L’expression dashi karakuri désigne des poupées mécaniques disposées sur des chars ambulants somptueusement décorés, souvent en forme de bateau, que l’on sortait lors de cérémonies à caractère rituel et de festivals qui fleurirent au début du XVIIIe siècle et auxquels on peut encore assister aujourd’hui, en particulier dans la région de Aichi, de Nagoya et de Gifu. Les marionnettes sont actionnées au moyen de fils qui déclenchent les divers engrenages, par plusieurs manipulateurs dissimulés dans le chariot.

Le butai karakuri (ou karakuri de scène) est directement lié au théâtre de marionnettes. Il fut introduit en 1662 dans une salle créée à cet effet par Takeda Ômi qui était à l’origine, semble-t-il, horloger. Certaines marionnettes contenaient en effet un mécanisme d’horlogerie avec des roues dentées en bois et des pignons, d’autres étaient mues par la force physique du sable ou de l’eau ou encore par un système de leviers et de poulies. Takeda Ômi transmit à son jeune frère cette tradition qui connut son plus grand succès au XVIIIe siècle (d’autres théâtres similaires voyant même le jour) avant de disparaître vers 1772. À cet égard, il faut également mentionner un autre genre de marionnettes mécaniques, sur rails, qui faillit se perdre définitivement mais que l’on peut encore voir à Yame dans la région de Fukushima et que Jacques Pimpanneau décrit dans Fantômes manipulés. Le théâtre de poupées au Japon (1978). « Une marionnette circule sur la partie antérieure de la scène. Les manipulateurs sont sur le sol en dessous de la scène et tirent sur des ficelles tout en faisant avancer la poupée sur des rails au-dessus de leur tête. Les deux autres poupées sont dans le fond de la scène sur un plan surélevé et avancent également sur des rails. Les manipulateurs sont dans les coulisses à droite et à gauche, et manipulent à distance grâce à de longues barres de bois qu’ils poussent ou tirent et qui, alignées entre les rails, sont reliées aux ficelles de la poupée. Chaque poupée comprend tout un mécanisme avec des ressorts qui ramènent chaque partie dans la position première une fois que l’on ne tire plus sur la ficelle. » Cette combinaison entre mouvements latéraux et verticaux donne à l’ensemble l’aspect d’une danse gracieuse qui est accompagnée par un conteur et un orchestre. Cette technique de manipulation aurait été également inventée au XIXe siècle par Hisashige Tanaka qui présentait ses propres poupées sur le même type de scène.

(Voir Automates, androïdes et robots, Japon.)

Bibliographie

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