Louis Lemercier de Neuville créa pour la première fois des pupazzi pour amuser son fils malade, en découpant dans le journal Le Boulevard, des caricatures de Carjat : « Je m’amusai à coller ces images sur des débris de boîtes à cigares, dont le bois poreux et tendre est facile à tailler avec un canif. Je découpai à part les bras dans le mouvement du personnage et les fis mouvoir à l’aide de fils qui étaient dissimulés derrière la planchette, puis avec des couleurs à l’eau, je les enluminai comme je pus » (Souvenir d’un montreur de marionnettes, 1911).

Lemercier de Neuville avait déjà activement participé au théâtre de la rue de la Santé, l’Erôtikon Théâtron, créé par un groupe d’intellectuels et d’artistes (dont Bizet, Théodore de Banville, Paul Féval, Louis Edmond Duranty) qui se réunissaient pour parler théâtre chez l’un d’eux (Rolland). Pour ce répertoire de théâtre intime (vingt et un spectateurs et un piano) et fort leste, composé de six pièces présentées pendant l’été de 1862 et l’hiver 1863, il écrivit un vaudeville en un acte, Un caprice. C’est Étienne Carjat et Gustave Doré qui l’encouragèrent à présenter ses pupazzi plats au public et l’aidèrent même à les fabriquer. Il présenta ainsi le 28 novembre 1863, Profils et Silhouettes, dont le succès fut immédiat auprès du Tout-Paris (155 représentations). Il renonça, devant la difficulté technique, à sculpter les têtes dans du bois de tilleul et modela alors en terre les têtes de ses marionnettes, les moula et effectua des tirages en carton-pâte puis en « papier Joseph superposé » (probablement du papier de soie en papiétage voir [lier]Enduction[/lier]) et les habilla. Joueur solitaire, il trouva diverses astuces. Ainsi son castelet était équipé de planchettes qui lui permettaient de laisser en scène plusieurs marionnettes et les têtes étaient montées sur des baguettes à ressort afin de toujours leur donner un léger mouvement, tandis que des tiges enfilées dans les bras étaient reliées par des fils attachés, en bas, à une baguette transversale qu’il lui suffisait d’appuyer d’un côté ou de l’autre pour lever l’un des bras. Au-dessous se trouvaient deux « servantes », l’une pour les marionnettes qui devaient faire leur entrée, l’autre pour accueillir celles qui sortaient. « Et quand, les bras en l’air, debout, dans mon petit théâtre, profond de 0,60 mètre et large de 1,5 mètre, je parle, je chante, j’imite les instruments, je danse même au besoin, le spectateur que j’essaie d’amuser ne se doute pas que pour lui j’ai dû me faire auteur, acteur, chanteur, danseur, imitateur, peintre, décorateur, cartonnier, perruquier, chapelier, tailleur, machiniste, sculpteur, mécanicien, etc. » (Ernest Maindron « Marionnettes et guignols », Revue encyclopédique, 12 juin 1897).

Le 31 janvier 1869, il joua devant Napoléon III : l’impératrice, dont la curiosité avait été aiguisée par ce qu’on lui racontait du spectacle de Lemercier de Neuville, très en vogue dans les salons, le fit venir afin de divertir l’empereur et sa suite à l’issue d’un repas de famille aux Tuileries. Dans le castelet, installé dans le Salon blanc, Lemercier de Neuville tout en animant un pupazzo à son effigie commença son spectacle par un prologue qui se concluait par : « Mais si Napoléon s’amuse, que l’Empereur n’en sache rien ! »

En trente ans, Louis Lemercier de Neuville présenta 106 pièces écrites et jouées par lui. Il fabriqua 274 pupazzi plats, « machinées à l’aide de ficelles dissimulées derrière les personnages ». Ses pupazzi furent à partir de 1865, des marionnettes à gaine. Il s’intéressa également au théâtre d’ombres avec les pupazzi noirs.

Bibliographie

  • Jurkowski, Henryk. History of European Puppet Theatre. Vol. I. New York: Edwin Mellen Press, 1996.