La République togolaise (nom officiel), est un pays d’Afrique occidentale. Le Togo jouxte le Ghana, le Bénin et le Burkina Faso. Sa capitale est Lomé. A la fin du XIXe siècle, l’Allemagne institua un protectorat dans la région. Après la Première Guerre mondiale, le pouvoir sur le pays fut transféré à la France. Le Togo acquit son indépendance en 1960. La langue officielle du pays est le français mais de nombreuses langues vernaculaires sont parlées au Togo et, en particulier, des langues de la famille du gbe. Tandis que la majorité de la population est fidèle aux croyances indigènes il y a des minorités significatives chrétiennes et musulmanes.  

La marionnette, au Togo, est abondante et diverse ; elle offre un éventail exemplaire de formes et de techniques. Tandis que les figures sont utilisées dans des rituels de vie et d’initiation, la marionnette moderne est en développement depuis le XXe siècle dans une optique impliquant des aspects de la tradition mais aussi les intérêts artistiques et sociaux contemporains des artistes.

Les marionnettes de cérémonie 

L’utilisation de certaines statuettes sacrées au cours des manifestations religieuses ne diffère en rien d’un spectacle de marionnettes, et ce, quel que soit le milieu social des Togolais.

Le cas le plus représentatif est observé à Vogan, une ville du sud du Togo. On y trouve tous les éléments essentiels qui entrent dans la représentation d’un spectacle de marionnettes : une figurine habillée qui incarne un personnage, un thème, un castelet, un espace de jeu, un manipulateur, des chanteurs, des percussionnistes, des danseurs, un public. Dans cette localité, le dieu du tonnerre, Hèbiesso, est représenté par une marionnette sacrée faite d’une tige de bois habillée d’une petite robe en raphia. Cette marionnette fétiche sort exceptionnellement pendant les cérémonies d’invocation de la pluie.

Dans cette manifestation, on distingue trois niveaux de l’espace de jeu. Le manipulateur évolue au milieu d’un cercle. Son accoutrement, au-dessous duquel il cache sa marionnette, forme un castelet. Suivant l’intensité de la danse, soutenue par le rythme des tambours et des chants, le manipulateur exhibe rapidement la marionnette qu’il fait tournoyer en l’air pendant une quinzaine de secondes, car il ne faut pas trop l’exposer pour éviter la colère du tonnerre. Des ovations montent de la foule en l’honneur de Hèbiesso qu’on implore pour que la pluie tombe. La figurine est exposée par intermittence selon l’intensité de l’action. Ensuite le montreur la cache rapidement sous son costume et se joint aux danseurs évoluant, comme lui, au milieu du cercle. De même, les musiciens et les chanteurs viennent renforcer le cercle, suivis du public qui se range derrière eux. Cette manifestation dure toute la nuit.

Le « marionnettiste », les danseurs et les musiciens participant à cette cérémonie sont appelés Tchonhouin. Après leur prestation, les adeptes initiés au Hèbiesso, procèdent à une cérémonie de purification des lieux qu’ils estiment souillés par les Tchonhouin. Alors, seulement vient la pluie.

La marionnette considérée comme une divinité est toujours fabriquée avec du bois. À Dapaong dans le nord du Togo, lors de l’initiation, chaque novice fabrique une marionnette qu’il est appelé à manipuler lui-même. La marionnette est le symbole du passage de la puberté à l’âge adulte, celui de l’homme nouveau, mûr, capable de prendre des décisions et de faire face à toutes les situations. Un non-initié qui touche à la marionnette initiatique prend le risque de mourir sur-le-champ, tué par la force de cette dernière qui n’est pas une figurine ordinaire, mais l’habitacle d’un esprit en communication permanente avec les seuls initiés.

Toujours à Dapaong, sont représentées par des figurines des entités comme Konjen (esprit d’un initié décédé qui revient faire ses adieux aux parents et amis), Finfandu (esprit de la mort), Tchilènu (mauvais génie dont l’apparition se fait après les récoltes).

À Atakpamé, ville située au nord de Lomé, on danse le tchébé, une chorégraphie traditionnelle exécutée sur de grandes échasses dont la hauteur varie entre 3 et 5 mètres. Par leur costume, leur masque et leurs mouvements stylisés, les danseurs de tchébé ressemblent à des marionnettes géantes.

Egun, Guèlèdè et Zangbèto, trois personnages des manifestations rituelles, portent des accoutrements et des masques qui ne laissent entrevoir aucune partie de leur corps. Zangbèto (littéralement : « homme de nuit »), populaire au sud du Togo, est un génie protecteur et gardien de la cité. Son accoutrement est fait de paille très souple. Il n’est permis à personne de voir son visage. Dans la même région, Egun est un personnage à caractère sacré dont on organise la sortie pour rendre hommage à un dignitaire ou à un adepte décédé. Il est vêtu de tissus riches aux couleurs chatoyantes. Nul n’est autorisé à le toucher sous peine de recevoir un mauvais sort. À Kambolé, au centre du Togo, Guèlèdè est un génie protecteur des mères. Les Guèlèdè sortent en groupe et leur prestation est une parade. Chaque personnage porte un masque géant peint de couleurs vives représentant différentes sortes d’animaux : serpent, lion, panthère, hibou …Dans l’exécution des gestes et des pas de danse minutieusement réglés, Zangbèto, Egun et Guèlèdè donnent l’impression de marionnettes à taille d’homme, ce qui fait dire à certains spectateurs que ce sont des marionnettes habitées par des hommes et des esprits.
En dehors des marionnettes rituelles, il faut évoquer les sceptres des rois qui portent à leur extrémité des motifs divers (panthère, lion, poisson, tabouret royal, cauris (le coquillage en porcelaine qui est traditionnellement utilisé comme monnaie), etc.), et dont les mouvements sont stylisés, obéissant à un code. Habilement manipulés, ces objets évoquent l’art de la marotte.

Chez les Éwé et les Mina (populations du sud du Togo), la poupée dite « achanti » est un symbole de fécondité. Vénavi Atikpakpa, figurine(s) en bois représentant un ou des jumeaux défunts, portées par la mère, symbolisent, eux, la continuité de la vie après la mort.

Au nord  du Togo, les Bassar ont inventé la poupée unil. Cette figurine de sexe féminin, qui ne dépasse pas 10 centimètres, est faite de coton tressé. Elle remplace le cadavre d’une femme dont les funérailles ont déjà eu lieu et intervient au cours d’une cérémonie particulière.

Les marionnettes de spectacles profanes

L’utilisation de statuettes, de masques, de personnages déguisés et de marionnettes date d’une époque extrêmement lointaine, mais elle a évolué avec le temps. C’est ainsi que l’on retrouve à Vogan, des marionnettes faites avec des noix de coco séchées, vendues sur le marché. À Lomé et dans les grandes villes, on assiste, depuis longtemps, à des spectacles de marionnettes de rue donnés avec des marionnettes à fils appelées tsitsavi. La marionnette est entrée dans le cadre des spectacles profanes où tout le monde peut la toucher, la manipuler sans aucun danger. Le propriétaire de tsitsavi est un marionnettiste ambulant. Il chante pour accompagner le petit personnage qu’il fait danser. Il se fait quelquefois seconder par un percussionniste. Mais ce type de spectacle devient de plus en plus rare. Il est similaire au tchitchavi du Bénin.

Toutefois, ce n’est qu’en 1975 que le public togolais a pu assister au tout premier spectacle de marionnettes « moderne », avec entrée payante, au Centre culturel français de Lomé.

Presque simultanément, les autorités culturelles togolaises, avec l’aide de la Coopération française, ont organisé un stage, à l’issue duquel la Troupe nationale togolaise a créé une section Marionnette, sous la direction de Danaye Kanlanfeï. Elle a pris, plus tard, le nom de Compagnie Danaye. Trois autres compagnies plus récentes, Calebasse et Cauris (dirigée par Akakpo Houndegla), Les Compagnons Wonude (dirigés par Agbo Sotonou) et le Groupe artistique de Marionnette Akitan (GAMA), « le défi », dit « Compagnie Coco Théâtre » (dirigé par Koulekpato Folly Ekué, aujourd’hui décédé) verront le jour. Le marionnettiste Kotoko Vissewo, évolue, lui, en solo ou parfois en duo.

Après 1987 naitront, à Lomé, deux compagnies de femmes marionnettistes, Bouam, Troupe féminine de Marionnettes et autres Arts théâtraux (dirigée par Adama Bacco Assinguime) et Evaglo, Compagnie féminine de Théâtre de Marionnettes (dirigée par Vicky Tsikplonou). Parmi d’autres compagnies actuellement actives, on trouve la Compagnie Cicilik-Solo (dirigée par Bnoa Kanlanféï Djanwali Danaye), la Compagnie Zenith (dirigée par Anani Gbefan), la Troupe N’Dambaka, Théâtre de Marionnettes et autres Arts (dirigée par Kiza Diallo N’Dambaka).

Toutes ces compagnies fabriquent elles-mêmes leurs marionnettes à fils (les plus nombreuses), marionnettes à gaine, marionnettes à tiges, marionnettes à tringle, utilisant la calebasse, le bois, le raphia, le tissu, le papier mâché, la mousse, les perles, ainsi que les matériaux de récupération. Aucune n’est subventionnée par l’État. Seule la Compagnie Danaye effectue régulièrement des tournées à travers l’Afrique, l’Europe et l’Amérique, mais les compagnies féminines commencent aussi à s’expatrier alors que les autres compagnies n’évoluent qu’occasionnellement sur le plan national et luttent pour une ouverture vers l’extérieur.

Bibliographie

  • Albaret, Lucette, et Olenka Darkowska-Nidzgorski. Tchitchili tsitsavi. Marionnettes d’Afrique. Cahier No. 13. Paris: ADEIAO, 1996.
  • Bednarz, Anita. “Masques et Marionnettes au Togo”. Marionnette et Thérapie. No. 1, janvier-février-mars 2005, pp. 9-26.
  • Bednarz, Anita. “Zrodzone w krainie snow/Born in the land of dreams”. Teatr lalek. No. 75-76, 2003-2004, pp. 45-48. (En polonais et en anglais)
  • Bednarz, Anita. La création chez les Maîtres de Marionnettes togolais. 2006 (unpublished). http://eprints.aidenligne-francais-universite.auf.org/338/. Accessed 29 juin 2013.
  • Danaye Kanlanfei [voir aussi Kanlanfei, Danaye]. “Toute ma Vie, rien que des Marionnettes!”. UNIMA informations. No. 61-62: L’Afrique noire en Marionnettes, 1988.
  • Darkowska-Nidzgorski, Olenka. “La Marionnette africaine dans son Identité traditionnelle et très moderne”. Cahiers de Littérature orale. No. 38: Marionnettes, 1995, pp. 29-55.
  • Darkowska-Nidzgorski, Olenka, et Denis Nidzgorski. Marionnettes et Masques au Cœur du Théâtre africain. Saint-Maur: Institut international de la Marionnette/Éditions Sépia, 1998.
  • Kanlanfei, Danaye. Les Aventures de Zando. Paris: Dapper, 2003.
  • Kanlanfei, Danaye et Catherine Akpo, avec illustrations d’Isabelle Malmezat. Les Aventures de Zando. Paris: Dapper Musee, Fondation, 2004.
  • “Togo le maître de Marionnettes et ses Enfants – Extrait 1”. http://vimeo.com/68993525. Accessed 28 juin 2013. [De Puppets from around the World – Episode 3: Togo: The Puppet Master and his Children [Film] 2012 – contact@belaine.com]