La République du Kenya (en swahili : Jamhuri ya Kenya) chevauche l’équateur en Afrique orientale ; elle jouxte la Tanzanie, l’Ouganda, le Soudan du Sud, l’Éthiopie et la Somalie. La capitale et principale ville du pays est Nairobi.

Au Kenya, la tradition de la poupée théâtrale est insuffisamment étudiée. Cet article traite différentes formes de pratiques traditionnelles qui peuvent s’insérer dans la rubrique « art de la marionnette » : des figures traditionnelles liées à la fertilité et aux rites funéraires ainsi que les marionnettes modernes utilisées au théâtre, dans une optique de développement, de satire politique et de divertissement.

Traditions

Chez les Turkana, les Massaï et les Kamba, on trouve des poupées en argile ou en bois, habillées de cuir, ornées de perles de verre et de bijoux en toc. Ces poupées sont utilisées par les jeunes filles comme jouets ou peuvent être vendues aux touristes. Autrefois, les femmes les portaient pour assurer leur fécondité. Chez les Turkana, la poupée de fécondité (dénommée ikideet enfant ou gnide chant) est toujours en usage. Devenue nubile, la jeune fille la reçoit de sa mère. Pour la conserver, elle la suspend au plafond, mais, tous les soirs, avant de s’endormir, elle la prend avec elle, lui chante une berceuse, l’appelle par son nom et s’endort en la tenant serrée contre elle. De cette manière, elle est censée obtenir, plus tard, une nombreuse descendance. Une poupée efficace peut-être transmise à une plus jeune soeur. Des femmes plus âgées et sans enfant peuvent réaliser leurs propres poupées. La forme arrondie de la poupée ikideet sert souvent à représenter une femme enceinte.

Lors des rites funéraires chez les Giriama de la côte est, de gigantesques figures de bois apparaissent durant les rites funéraires. Elles représentent des animaux tels que l’éléphant, la girafe, le python. La tête de chaque animal est installée au sommet d’une immense carcasse pouvant contenir une cinquantaine de danseurs-animateurs. Dans les mêmes occasions sont également montrées des personnages volants ayant la forme d’oiseaux et de poissons : poule, autruche, requin. Ces animaux totems sont reliés, chacun, à un mort particulier. Après la cérémonie, on les détruit.

Marionnette moderne

Le théâtre traditionnel pratiqué au Kenya se distingue par ses masques, ses tambours, ses chants, sa narration sonore. Tous ces éléments se retrouvent dans le théâtre de marionnettes contemporain où l’on remarque également des influences extra-africaines. Le marionnettiste contemporain Massimo Wanssi, installé actuellement au Togo, qui, par ailleurs, a aussi travaillée au Ghana, est kényan. De même, on se souvient des activités de Liliput Theatre de Nairobi. Ces faits témoignent de l’existence de la tradition de la marionnette dans ce pays.

Marionnette éducative

L’art de la marionnette au Kenya est surtout connu par ses actions éducatives à grande échelle. Une quarantaine de troupes théâtrales, regroupant environ quatre-cents marionnettistes, donnent régulièrement leurs spectacles dans presque toutes les régions du pays, notamment à Nairobi, Nakuru, Machakos, Kisumu, Eldoret, Mombassa, Nyeri.

La méthode de l’éducation par la poupée a été implantée en 1994 grâce aux ateliers animés par Gary Friedman, marionnettiste sud-africain, initiateur du programme  Marionnettes contre le Sida, invité au Kenya par Eric Krystall (directeur du projet FPPS – Family Planning Private Sector – en 1984-1996). Les marionnettistes-éducateurs sont fédérés dans l’organisation CHAPS (Community Health Awarness Puppeteers), dépendant du FPPS(K) – Family Programmes Promotions and Services Kenya, qui a succédé au FPPS en 1997. Ces marionnettistes (400, répartis en 40 troupes), en majorité bénévoles, sont originaires de quarante-quatre peuples du Kenya. Après une formation, ils proposent des spectacles en langues locales, ainsi qu’en anglais et en swahili, langues officielles du pays. Au début, leurs thèmes concernaient exclusivement le sida, les maladies sexuellement transmissibles et le planning familial. Actuellement, ils mettent en scène les problèmes de l’égalité des sexes, l’exploitation des enfants et des femmes, l’excision, le mariage forcé, les obstacles faits aux filles pour accéder à la scolarité, la prostitution, la drogue, les conséquences d’une natalité galopante, les enfants de rue, la protection de l’environnement, la malaria, la lutte contre le chômage et la corruption, la défense des droits de l’homme.

La création d’un scénario est toujours précédée d’une interview et d’observation du terrain. Chaque spectacle doit entrainer le dialogue entre les marionnettistes et le public, et encourager les spectateurs à une attitude active.

On commence par mobiliser la foule : les marionnettes géantes (marionnettes habitables) – très grosse tête, corps petit et jambes courtes – se promènent, dansent, s’amusent avec les enfants. Elles sont accompagnées de musique et de slogans clamés par un narrateur. Puis, de derrière le paravent, surgissent les marionnettes (le plus souvent à gaine avec la bouche articulée, appelées par les Kényans « edupuppets »). Leur nombre ne dépasse, en général, pas cinq personnages. L’animation est dynamique, les poupées discutent entre elles avec verve. Le narrateur, toujours présent, sert d’intermédiaire entre le public et la scène ; de même, il commente et explique certaines séquences du spectacle. On met également la danse, les masques, les tambours, le chant en valeur. De nombreux éléments comiques, ainsi qu’un message moral à caractère éducatif accessible à tous, se dégagent toujours de ces représentations.

La structure CHAPS mène une large activité internationale. Les marionnettistes kényans ont présenté leurs spectacles en Afrique du Sud, aux Pays-Bas, en Belgique, en Finlande, en Allemagne, en Pologne, en Autriche. Ils jouent et animent des ateliers en Somalie, en Érythrée, en Éthiopie et en Tanzanie.

Kenya International Puppet Festival

En plus de ses activités, le projet FPPS (Kenya) organise le Kenya International Puppet Festival (Festival international de marionnettes du Kenya), qui est unique en Afrique de l’Est. La première édition, appelée Edupuppets, a eu lieu à Nairobi en 2002. Orienté vers la pédagogie, ce festival a rassemblé des compagnies de théâtre de Finlande, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Grande-Bretagne, Japon, Indonésie, Israël, États-Unis, Ouganda et Afrique du Sud. En plus des spectacles, plusieurs stages ont été offerts. Les marionnettes du CHAPS étaient également présentes et on a profité du festival pour introduire de nouvelles techniques liées à la marionnette, particulièrement en ce qui concerne la marionnette à fils et le théâtre d’ombres.

La seconde édition a eu lieu en 2004 et les marionnettistes kenyans, dirigés par Phylemon Odhiambo Okoth du CHAPS ont joint l’UNIMA cette même année. En 2006, le groupe pris le nom de Kenya Institute for Puppet Theatre (KIPT). Les projets ont inclus la thérapie par la marionnette, les marionnettes à l’école, des ateliers de marionnettes, la promotion du théâtre de rue et le développement de spectacles dans des théâtres intérieurs. Le festival dirigé par Okoth, a changé son nom pour celui de Kenya International Puppetry and Folk Media Festival (KIPf) ; en 2013, fut organisée la 5e  édition du festival ayant pour thème principal la paix et l’unité. Cet évènement offre une possibilité de rencontres aux compagnies de marionnettes de toute l’Afrique qui peuvent ainsi renforcer leurs compétences.

Marionnettes et télévision

L’émission comico-satirique The XYZ Show, dépeingnant la politique au Kenya, s’inspire de l’émission française Les Guignols de l’info. C’est une émission de télévision très populaire présentée en anglais et en swahili, utilisant des marionnettes de latex afin de caricaturer des politiciens connus. Gado (Godfrey Mwampembwa), un réalisateur de film et cartooniste tanzanien, initia ce projet en 2003. Un autre membre de l’équipe de l’émission The XYZ Show, Fedelis Kyalo Kithome, membre de l’UNIMA, marionnettiste, scénariste, constructeur de marionnettes et percussioniste, aida la télévision Mbuni/Buni à développer le concept. Le projet fut finalement lancé en 2009 et reçu un accueil très positif. La presse internationale a noté la latitude accordée à ces présentateurs dans un pays où la censure a sévi, dans le passé, avec des conséquences sérieuses sérieuses pour les artistes. L’émission a inspiré des variantes en Tanzanie.

Bibliographie

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