La République de Sierra Leone, est un pays d’Afrique occidentale jouxtant la Guinée, le Liberia et l’océan Atlantique. Il est la patrie d’environ seize groupes ayant chacun son propre langage et ses propres coutumes ; parmi ceux-ci, les Temné et les Mendé sont les plus importants et ont la plus grande influence. Le pays obtint son indépendance de la Grande-Bretagne en 1961 mais il subit un régime militaire, des guerres civiles et des combats qui ont parfois limité les activités culturelles. Avec la paix relative qui règne depuis 2002, les arts émergent progressivement de leur léthargie.
On trouve en Sierra Leone des masques, des objets animés et des marionnettes. À Noël, de petites marionnettes fabriquées par des jeunes gens sont quelquefois promenées dans les rues. Le Vendredi saint, c’est une marionnette de Judas qui est malmenée, généralement projetée contre les murs ou suspendue, puis secrètement battue.
La fête des Lanternes de Freetown est une parade qui célèbre la fin du ramadan (Eid ul-Fitr) mais elle peut avoir lieu occasionnellement lors d’événements importants. Ses chars, de structure élaborée, sont illuminés à l’intérieur par des lanternes décorées d’éléments iconographiques variés dont certains sont d’authentiques marionnettes articulées aux origines obscures. Autos, avions, bateaux, animaux (crocodiles, lions, chèvres, éléphants et oiseaux) et motifs architecturaux divers y sont traditionnellement représentés. Les images islamiques montrent le sacrifice d’Abraham, Fatima, la fille de Muhammad (Mahomet) et ses chevaux ailés, des chevaliers musulmans désarçonnant des chevaliers chrétiens, la tombe du martyr Husein et des mosquées. De simples objets illuminés tenus à la main, ces lanternes de Freetown ont évolué vers de grandes structures en bambou ou en métal couvertes de tissus fins et de papiers découpés, transportées sur de grandes plates-formes roulantes tirées aujourd’hui par des équipes de huit hommes ou des véhicules motorisés.
Pour endiguer la violence engendrée par les rivalités de toutes sortes, l’Association des jeunes hommes musulmans (YMMA) assure le contrôle des lanternes, organisant leurs entrées par type iconographique : bateaux, animaux et humains, sujets divers. La première catégorie, les « bateaux », comprend les chars aux structures faites à la main où l’on repère des éléments architecturaux locaux : la tour de l’horloge de Freetown, une mosquée, etc. La deuxième catégorie, celle des « animaux et humains », présente des armoiries géantes nationales qui figurent des animaux, tel saint George terrassant le dragon. Lion, girafe et cheval constituent, de manière assez inattendue, les animaux de la ferme. La troisième catégorie, les « divers », promène des créatures surhumaines : une sélection de « diables danseurs », le couronnement d’un chef temne (Bai-Bureh), la visite de la reine Élisabeth II en Sierra Leone en 1961, mais aussi des représentations de parcs d’amusement.
Dans ces trois catégories, certaines effigies possèdent des parties articulées (membres, mâchoire, queue), montées sur des perches ou sur des tiges en métal et manipulées au moyen de ficelles. Accompagnées par les musiciens, elles peuvent bouger et tourner simultanément autour des chars. Certaines miment les thèmes avec une certaine spontanéité, d’autres se limitent à de rudimentaires formes de mouvements mécaniques.
Parmi les créateurs de lanternes, dans les années soixante et quatre-vingt, se distinguaient Eustace Yaskey-Yaskey et Amara Kamara-Kambara. Le premier sculptait également des masques pour les sociétés locales. Ses figures bougeaient comme des masques vivants. Cinq hommes, dissimulés sous la plate-forme, les actionnaient en tirant sur des ficelles. L’artiste utilisait des élastiques et des cannes pour suspendre les costumes et assembler les figures. Sa méthode de construction permettait des mouvements complexes. D’origine yorouba, Yaskey-Yaskey avait joint à sa lanterne le masque dansant Egungun, rappelant que les musulmans qui ont été les premiers à adapter les lanternes descendent des esclaves yorouba rapatriés en Sierra Leone.
L’interférence entre la tradition des masques et des lanternes est également sensible dans l’art d’Amara Kamara-Kambara, un Temne né à Port Loko. Son « oiseau-sorcier » était une lanterne habitable, à la fois masque et marionnette. Construit en bambou et couvert de tissus à rayures et de plumes dessinées, il mesurait à peu près 2 mètres de long sur 2,5 mètres de haut. Un homme pouvait s’y loger et actionner la tête et les ailes. Cet « oiseau-sorcier » évoque irrésistiblement certains oiseaux-marionnettes du Mali et de la République de Guinée.
L’art des lanternes sort véritablement du moule de la culture africaine. Son caractère hybride combine à la fois des éléments traditionnels africains, des éléments sacrés islamiques, mais aussi des éléments laïques.
Dans les années soixante-dic, fastes pour l’économie, les lanternes bénéficiaient du soutien des associations de quartiers et des partis politiques ; elles affichaient les styles les plus élaborés et des savoir-faire recherchés. À la fin des années quatre-vingt, les spectacles de Freetown devinrent moins spectaculaires. Puis, dans la décennie suivante, la crise économique, la célébration du ramadan pendant la saison des pluies ainsi que la concurrence avec d’autres médias ont terni la manifestation la plus respectée de Sierra Leone.
Bibliographie
- Nunley, John W. « The Lantern Festival in Sierra Leone ». African Arts. Vol. 18, No. 2, 1985, pp. 45-49.
- Oram, Jenny. « Float Traditions in Sierra Leone and the Gambia ». African Arts. Vol. 31, No. 3, 1998.
- « Parade of Lanterns, Freetown, Sierra Leone, April 2011 ». http://www.youtube.com/watch?v=r0HlYhE337c.
- Rubin, Donald, ed. « Sierra Leone ». World Encyclopedia of Contemporary Theatre: Africa. Vol. III. London and New York: Routledge, 1997, pp. 256-267.
- Sierra Leone Heritage. Digital Heritage Resources. http://www.sierraleoneheritage.org/CI/.