La République du Bénin (ancien Dahomey) est un pays subsaharien d’Afrique dont la population, essentiellement agricole, pratique l’animisme, le christianisme ou l’islam. Colonie française depuis 1892, le pays obtint son indépendance en 1960 ; de 1972 à 1990, ce fut un État marxiste-léniniste avant d’avoir un gouvernement démocratique, en 1991.

Le théâtre de marionnettes se manifeste en République du Bénin (ancien Dahomey) sous deux formes majeures : marionnettes de rue ou tchitchavi et masques et marionnettes de l’association Guelede (ou Gèlèdè).

Le tchittchavi

« Tchitchavi ma plé tapioca non wa » (Tchitchavi, je vais t’acheter du tapioca) : par cette mélodie se reconnaissait l’attroupement autour d’un spectacle ambulant de tchitchavi à Cotonou dans les années cinquante. Un homme avec une marionnette à fils sillonnait la ville, entonnant sa chanson et animant sa poupée en cherchant un client pour son spectacle ; une foule de passants s’y ajoutait ; ainsi se constituait spontanément un public. Dès que l’artiste ambulant avait épuisé son scénario, son commanditaire lui offrait un ou deux « jetons » (pièces de monnaie). La marionnette tchitchavi est un personnage articulé, taillé dans du bois, avec des lattes assemblées. Il est peint et habillé. L’intérêt du spectacle est fonction du génie créateur de son inventeur. Le même type de spectacle se retrouve au Togo (tsitsavi). À cause de son nom (tchitcha, maître, venant du mot anglais teacher, et vi, petit), le tchitchavi semble inspiré par une tradition d’un autre pays.

Le guelede

L’art profond de la marionnette doit être cherché dans les réalités beaucoup plus béninoises du drame et de la scène. Dans la culture ancestrale, le spectacle public a un but initiatique, religieux, pédagogique. La marionnette habitable de tradition béninoise comporte masque et parfois une scène de marionnettes. De petite taille, ces dernières sont en général placées sur un plateau installé au sommet du masque et animées par le danseur-porteur qui tire leurs ficelles. Elles représentent des personnages d’une variété infinie : musiciens, danseurs, devins, forgerons, couples, infirmes, colons, hommes de pouvoir, militaires, sportifs, oiseaux qui bougent la tête, etc. Mais la marionnette habitable du Bénin est en même temps un vrai masque capable de porter son texte par la parole et surtout par la danse.

Propriété de l’association masculine Guelede, la marionnette-masque habitable, conformément à la cosmogonie, présente une forme humaine très amplifiée aux hanches et aux fesses, les seins exagérément volumineux et pointus, en bois sculpté, avec un cou massif sous le tissu de pagne. Le masque en bois peint polychrome est porté sur la tête, surmontant le visage habillé du porteur. Tout cela donne l’illusion d’une poupée géante, autonome dans ses mouvements, dotée de volonté.

Du point de vue dramaturgique, un spectacle guelede offre une chorégraphie rythmée par les clochettes de pied, les éventails à la main et tout le poids des corps dansant, sautant, gesticulant, mimant. La danse guelede est considérée comme l’expression de la mauvaise conscience de l’homme vis-à-vis de la femme. Mauvaise conscience qui daterait du passage de la société du matriarcat à la société du patriarcat. Les femmes-mères, les mères doyennes d’âge du corps social ou du clan, détenaient de grands pouvoirs. Lorsqu’elles en perdirent une partie, il parut nécessaire de les apaiser. Les danseurs de la société guelede sont tous des hommes ; ils dansent pour calmer leurs mères.

Il existe également un personnage comique sur échasses, habillé d’une jupe en raphia, dont la tête ressemble à une tête de loup. Appelé Ayoko chez les Nago (Yorouba) de Kétou, cette figure masquée joue des intermèdes, donnant aux autres masques guelede la possibilité de reprendre leur souffle.

La société guelede est ancrée dans les populations Nago de Kétou, de Sakété, de Cové et des environs. Les chants sont en langue nago. Dans les communautés villageoises qui ont une tradition de la sculpture sur bois, les sculpteurs se spécialisent dans la taille des masques, mais aussi dans celle des marionnettes qui interviennent dans les cérémonies d’initiation (notamment sexuelles). Ces statuettes articulées font l’objet de concours dotés de récompenses honorifiques.

De nos jours, il existe une grande variété de masques et de marionnettes guelede, surtout dans les régions de Daagbé, de Cové, de Savé, de Sakété et de Kétou. Sans réel essor en direction du grand public, la marionnette reste dans le cercle restreint des initiés parce que les villes et les villages s’accommodent de la culture dite moderne.

L’art de la marionnette, bien implanté dans la tradition au Bénin, attend un peu d’initiative de la part des hommes de théâtre pour connaître un renouveau avec une esthétique contemporaine plus audacieuse que celle que propose la télévision nationale à l’intention des enfants avec l’option classique des contes.