Entre l’[Asie] et l’[Afrique], l’océan Indien, lieu de forte hybridation culturelle, n’a pourtant pas de grande tradition de marionnettes. C’est depuis peu qu’on peut parler de la marionnette malgache de façon significative (voir [Madagascar]). Il n’est pas exclu que de nouveaux témoignages viennent enrichir nos connaissances.
Les Comores
Aux iles Comores, on peut considérer la poupée de mariage comme une sorte de marionnette. Celle-ci, qui représente la femme promise, n’est pas un jouet au sens ordinaire et se rapporte uniquement à des préoccupations d’adultes. Elle accompagne partout le futur marié pour remplacer sa fiancée, temporairement recluse selon la coutume nuptiale
Ainsi, à la Grande Comore, comme le veut la tradition, elle tient le rôle de l’épouse lors d’un premier mariage fictif. Appelée mri (morceau de bois), elle rappelle, en outre, que dans les contes comoriens le thème d’un bout d’arbre se transformant magiquement en femme est fréquent.
Dans l’ile d’Anjouan, cette poupée, de grande taille, confectionnée et richement parée par la mère et les sœurs de l’épouse, est installée sur une chaise et promenée en grande pompe à travers la ville au cours des fêtes du mariage.
La Réunion
L’art de la marionnette qu’on trouve à la Réunion (département français d’outre-mer, [France]) remonte apparemment au XIXe siècle. On raconte qu’un certain Pa Benjamin, ancien esclave arrivé dans l’ile avec les premiers émigrants de Madagascar, remportait un vif succès en faisant danser, au son de son bobre (arc musical d’origine malgache), un couple de marionnettes, grotesquement attifées : « M’sié Bernard et M’amzelle Zabeth ». Les marionnettes étaient actionnées à l’aide d’un fil tendu en boucle entre la jambe du montreur et un bâton planté dans la terre, selon un type de [manipulation] similaire à la technique dite « [marionnette à la planchette] ». D’après l’Album de l’île de la Réunion, les scènes confiées à ce couple de poupées, mimaient parfois l’acte sexuel.
Une carte postale ancienne intitulée « Guignol indigène : Bernard et Zabeth » montre le même spectacle. On suppose qu’il y eut plusieurs de ces marionnettistes-musiciens itinérants, mais on s’interroge sur le fait que ce spectacle parait d’origine malgache alors qu’on n’en possède aucune trace à Madagascar.
À la Réunion, le brassage ethnique et culturel est une réalité essentielle. La compagnie Koméla, créée en 1984 par le Réunionnais Baguette (né Patrick Huguet, décédé en 2000), oriente sa recherche esthétique vers le [théâtre d’objets] et le théâtre de la matière, utilisant différentes techniques : [marionnettes à gaine], du type [Muppet], [ombres], théâtre de rue. Dans son expression artistique, la compagnie s’approche sans complexe de la leçon de choses. Du sel, du riz, des sacs en plastique, un moulin, autant d’objets du quotidien qui sont utilisés et chargés d’une autre vie, d’un autre rôle. Baguette n’hésite pas à faire jouer ses marionnettes en créole et sa compagnie propose aussi une version populaire du théâtre créole. Quelques titres de spectacles : Koler i lé – Domounité (1994), Selavi ou comment la Mer devint salée (1996), So Riz La (1998).
On peut également citer Jean-Luc Vasina, arrivé à la Réunion en 1983, grâce à Baguette qu’il a rencontré à Paris. Surnommé le « Magicien de l’enfance », Vasina confectionne, anime et enseigne la marionnette aux enfants des écoles.
La compagnie Dadzibao, créée par Pascale Chaffanel (Française née en métropole), dès son arrivée à la Réunion en 1991, est un espace d’expression où s’interpellent marionnettes, jeu du comédien, chants, langage imaginaire, [danse], objets. Du théâtre masqué au théâtre miniature, Pascale Chaffanel mêle les cultures malgache, africaine, asiatique, latine. Son travail autour du masque et des couleurs est prépondérant et donne une richesse visuelle et émotionnelle originale. Son travail de recherche se poursuit avec des installations ou des happenings et à travers les stages de formation proposés par la compagnie. Quelques titres de spectacles : Tristam (1994), Stratagème (1995), Ti-Bonheur (1996).
Le Théâtre des Alberts, fut fondé en 1994 et dirigé par Vincent Legrand qui entrainait à Komela avant de continuer à travailler avec des marionnettes plus traditionnelles et des marionnettes de style bouffon. La 18e production du groupe était Théodore, le Passager du Rêve basée sur l’oeuvre de Joëlle Ecormier, une auteure réunionnaise. En 2010, avec l’aide du gouvernement, le groupe organisa un festival national TAM TAM pour marionnettes et théâtre visuel.
Bibliographie
- Boulinier, Georges. “Fonction de la Poupée dans les Fêtes de Mariage aux îles Comores”.Les États généraux de la Poupée. Ed. Michel Manson. “Jouets et Poupées” series. No. 2. Courbevoie: Centre d’Études et de Recherches sur la Poupée, 1985.
- Darkowska-Nidzgorski, Olenka, et Denis Nidzgorski. Marionnettes et Masques au Coeur du Théâtre africain. Saint-Maur: Sépia, Charleville-Mézières, Institut international de la Marionnette, 1998.
- La Selve, Jean-Pierre. Musiques traditionnelles de la Réunion. “Documents et recherches” series. No. 12. Saint-Denis: Fondation pour la Recherche et le Développement dans l’océan Indien, 1984.
- Roussin, Antoine. Album de l’île de la Réunion. 4 vols. Saint-André: Éditions Océan, 1991 (facsimile 2nd ed. 1879-1883).
- “Theatre des Alberts, la Compagnie”. Koler i lé – http://www.theatredesalberts.com/la_compagnie. Accessed 17 juin 2013.