La République centrafricaine (ou Centrafrique ; en sango : Ködörösêse tî Bêafrîka) est un pays enclave en Afrique centrale. Ce pays, peuplé d’Oubanguien, de Bantou et de populations d’origine soudanaise constitua une colonie française de la fin du XIXe siècle à 1960 quand il obtint l’indépendance complète. L’instabilité politique handicapa le développement malgré les ressources minérales et agricoles. La majorité des citoyens adhère au christianisme ou à des religions traditionnelles mais une minorité est convertie à l’islam.

Le théâtre de marionnettes en Centrafrique date de l’époque précoloniale. Son origine sacrée reste présente, surtout à l’occasion des cérémonies religieuses, familiales ou sociales : culte, mariage, fête agricole, etc. Actuellement encore, des offrandes et des sacrifices sont faits aux dieux et aux génies protecteurs pour qu’ils bénissent les produits des champs, de la chasse et de la pêche. Ces célébrations, autrefois à caractère orgiaque, s’accompagnent de grandes réjouissances populaires où la danse, la musique et le théâtre occupent une large place.

Marionnettes traditionnelles

Les Gbaya Boro-Zango, par exemple, croient en plusieurs divinités qu’ils situent à l’origine de la vie. Gbako-Son (qui représente la coalition de tous les êtres surnaturels exerçant une influence commune) est le dieu de la créativité, de l’invention et de la méchanceté. Il est représenté sous les traits d’une figurine dont la tête est symbolisée par un anneau et quelques plumes et qui porte deux amulettes autour du cou. Celle-ci est actionnée lors de grandes cérémonies de Mon-Enou, culte voué aux esprits des ancêtres.

Gba-Zimi, dieu de l’agriculture, de la pluie et de la pharmacopée, est représenté par deux objets : l’un est une sorte d’épouvantail placé sur une claie (yawa), qui est installé à chaque coin du champ et devant lequel les adeptes déposent les primeurs de leurs récoltes ; le second est une figurine sculptée dans du bois sacré, pourvue d’un long pénis articulé. Lors des deux cérémonies pratiquées en l’honneur de Gba-Zimi, réglées par différents pas de danse, le prêtre en transe anime les figurines.

Ngafo, dieu de la fécondité et des arts musicaux, est représenté sous les traits d’une marotte (gbafio). Cette statuette en bois mesure environ 50 centimètres. Elle est habillée en fibres soigneusement tissées. Tenue dans la main droite du prêtre des initiés (olongafo), mise en vibration significative, elle participe aux pratiques sacrificielles, afin d’intercéder en faveur de ses fidèles.

Gbafio-Gbowire, dieu créateur de l’homme, à qui les Gbaya attribuent la responsabilité du bien et du mal, est reproduit par une figurine en bois sacré. Destinée au seul usage du prêtre, cette dernière est conservée, soit dans une grotte, soit dans la cavité d’un arbre, soit dans une carcasse d’animal. Sa manipulation provoque une sorte d’état second et l’extase finale du prêtre-animateur.

Dane, dieu des jumeaux et de la fécondité, est habituellement symbolisé par deux statuettes de bois sacré, enduites d’argile blanche, portant des colliers en perles de verre, appelées sore ou kpokpo (ce dernier nom étant réservé aux initiés). Actionnées par le prêtre, les deux figurines sont rapprochées, ce qui signifie que le sacrifice est approuvé par le dieu.

Ainsi, entre les vivants et les immortels sont  intercalées des figurines dont la tâche est de porter le message sacré. Ces statuettes ne sont pas des fétiches mystérieux, mais les supports tangibles d’un mode d’expression artistique qui met en évidence l’élément plastique animé, la scénographie et la communication.

Marionnettes modernes

Cette richesse traditionnelle a été balayée à l’époque coloniale, faisant reculer les manifestations autochtones au profit d’une nouvelle forme de théâtre. Dans les écoles, des auteurs français ont été étudiés et leurs pièces jouées. C’est ainsi qu’est né, dans les années cinquante, le théâtre centrafricain moderne, représenté par l’Association théâtrale africaine (1952).

Avec l’indépendance (1960), les activités théâtrales ont évolué et le théâtre de marionnettes moderne est apparu. Toutefois, aucune formation ne fut dispensée aux marionnettistes entre 1952 et 1970. Ce vide fut comblé par certains artistes qui montèrent leurs spectacles en autodidactes.

Dans les années soixante-dix, on pouvait voir des animations faites par des néophytes qui se déplaçaient de quartier en quartier avec des marionnettes articulées, dont les mouvements étaient, la plupart du temps, accompagnés par une chanson rythmée et le battement de mains des enfants spectateurs : « Saman we ye-ye, saman gba yang-thi-thi-gbayang-thi-than-thi gbayang » (« Voilà l’apparition d’un jeu nouveau, ce ne sont pas des jeux des dieux qui tuent, mais un jeu nouveauté »). En échange de leurs services, ces marionnettistes de rue recevaient d’infimes récompenses constituées, en général, de nourriture.

Par ailleurs, les élèves étaient invités à confectionner des figurines animées qu’ils présentaient à l’occasion des fêtes organisées dans leurs écoles.

Entre 1972 et 1974, le théâtre de marionnettes a émergé sous l’impulsion de Gabriel Couliboeuf, expert français en audiovisuel au Centre de Formation des Agents de Développement communautaire, dont le but était de faciliter le travail de ces derniers auprès des paysans. En 1974, le premier spectacle de marionnettes fut joué devant la population de Damara, suivi d’une introduction durable de l’art de la poupée dans les milieux ruraux.

En 1993, le Centre culturel français de Bangui organisa un stage dirigé par le marionnettiste Jeff-Mann. La Coopération allemande proposa, à son tour, un stage sous la direction de Gregor Schwank (du Figurentheater Gregor Schwank à Fribourg). Cette formation pour marionnettistes débutants, avait pour objectif de sensibiliser les jeunes aux maladies sexuellement transmissibles, notamment au sida. Entre 1993 et 1996, une troupe issue de cette expérience donna de nombreuses représentations, principalement dans les centres socio-éducatifs.

En mai 1993, la Compagnie artistique Sanza de Centrafrique (CASCA) a été créée à l’initiative du comédien Julien Yamakana. En 1995, la CASCA présenta à Bangui son premier spectacle, L’Arbre du Voyageur, mélange de contes, de danses traditionnelles, de jeux dramatiques, de chant choral, de musique (tamtam, balafon instrument de percussion en bois) et surtout de marionnettes. Soutenu par diverses institutions, ce spectacle a été présenté notamment à Yaoundé (Cameroun), lors des Rencontres internationales théâtrales de 1996, et au Festival international des Théâtres de Marionnettes (FITHEMA) de Lomé (Togo) en 1997.

Bibliographie

  • Devenir de la Littérature centrafricaine. Document élaboré dans le cadre de la semaine culturelle du 6 au 12 mai 1990. Bangui : Association des Poètes et Écrivain centrafricains, 1990.
  • Exposition, 30 novembre 1997 – 1er mars 1998. Roanne : Musée Joseph Dechelette, 1997.
  • Fanon, Frantz. Les Damnés de la Terre. Paris : Maspero, 1970.
  • Traditions et Magie d’Oubangui : donation photographique d’Antonin Marius Vergiat. Catalogue d’exposition (30 novembre 1997 – 1 mars 1998). Roanne : Musée Joseph Déchelette.
  • Vergiat, Antonin Marius. Les Rites secrets des Primitifs de l’Oubangui. Paris : Payot, 1951.
  • Wurtz, Jean Pierre, et Valérie Thfoin. Guide du Théâtre en Afrique et dans l’Océan Indien. Afrique en création, 1996.