Située en Afrique centrale, la République démocratique du Congo (ex-Zaïre ; également connue sous les noms RD Congo, RDC, Congo-Kinshasa, ou Congo) est le deuxième plus grand pays d’Afrique. De 1908 à 1960, le pays était une colonie de la Belgique, le Congo belge. Aujourd’hui, quelques 250 groupes ethniques composent la population du pays ; parmi eux, les Bantou sont majoritaires. Les Mongo, Luba, Kongo (Bantou), Mangbetu et Zandé constituent environ 45% de la population. Bien que plusieurs centaines de de langues locales et dialectes sont parlés, la grande variété linguistique est dominée par l’usage très répandu du français, langue officielle et de quatre langues nationales : le kikongo, le tshiluba, le swahili et le lingala.

La tradition de la marionnette existe depuis longtemps en République démocratique du Congo, mais personne jusqu’à la décolonisation ne l’a considérée comme telle. Il faut sans doute rechercher les raisons de cette « non reconnaissance » dans le fait que les manifestations théâtrales traditionnelles furent étouffées par les formes européennes des arts du spectacle, considérées à l’époque coloniale comme majeures.

On distingue deux courants principaux dans le théâtre de marionnettes congolais : le traditionnel et le moderne. Le premier semble apparemment moins connu des Congolais, peut-être parce que ses représentations ne se donnent que dans des circonstances bien précises, par exemple, lorsque l’équilibre d’un individu ou celui de la société est rompu, ou à l’occasion d’un rituel d’initiation. Cependant, dans certaines provinces, de plus en plus souvent, des manifestations comme le festival de Gungu, dans la province de Bandundu, ne cessent de le remettre en valeur, insistant sur la dimension de la performance.

Le théâtre dit moderne est donc actuellement celui que le public congolais connait le mieux. On y distingue deux orientations : le théâtre d’inspiration européenne, introduit avec le concours de la Coopération française, et les spectacles de marionnettes locales profanes, joués dans les rues de Kinshasa et d’autres villes du pays et dont on ne sait pas encore déterminer l’origine exacte.

Théâtre de marionnettes traditionnel

Le théâtre de marionnettes traditionnel comprend à la fois de la danse, du mime, des bribes de paroles insérées, parfois, dans la musique jouée par un orchestre de percussions, et des chants. Ses origines sont extrêmement anciennes. L’activité de ces marionnettes se développe à travers plusieurs régions de la République démocratique du Congo. Chez les Pendé du Bandundu, par exemple, elles sont déjà présentes dans les mythes et souvent utilisées pour éduquer les enfants et les adolescents. Lors des rites d’initiation, elles sont montrées dans un lieu secret et enseignent aux jeunes gens le respect de la nature et le savoir-vivre. Ces créatures, en bambou, à manipulation équiplane, fabriquées et animées par les initiés, sont appelées masenda, mayogo ou nansa. Après l’initiation proprement dite, ces marionnettes « secrètes » deviennent publiques pour rentrer au village où elles se produisent, en fin de semaine ou les jours fériés, devant un auditoire composé de tous les villageois et de leurs voisins.

On peut observer que, depuis la création du festival de marionnettes à Gungu (créé à l’époque coloniale et relancé après l’indépendance est appelé, depuis 2008 Festival national de Gungu) – un évènement qui inclut les spectacles de masques et de marionnettes, des danses et des chants du Congo et de toute l’Afrique – le caractère mystique de cet art s’estompe au profit de l’esthétique pure, même si la force du double agissant dans la marionnette demeure.

Parallèlement aux masenda, mayogo et nansa se développent les grands masques-marionnettes habitables, les  mbuya, dont les fonctions sont multiples, à la fois éducatives, bouffonnes, redresseuses de conscience …En forme d’éléphant à grande tête et aux petits yeux, le masque-marionnette Ngiamba, entouré de nombreux interdits d’origine ancestrale, est très attendu du public. Le Tundu, chef de tous les autres masques-marionnettes, est chargé d’introduire chaque danse. Enfin, le Gilelesa, à face noire et orné de tatouages, tenant des feuilles dans les mains, est une sorte de guignol, amuseur des femmes, et qui dérange tout le monde.

Sans la présence du Tundu, aucun masque-marionnette ne peut danser ; les batteurs de tamtam l’appellent donc en premier lieu. Puis ils exécutent le rythme spécifique de la danse du Ngiamba, l’éléphant majestueux qui arrive, tout revêtu de raphia tissé. En revanche, le Gilelesa entre en scène de son propre gré et lorsqu’il aperçoit le Tundu, se précipite sur lui en riant avec insistance, gagnant de cette manière la sympathie des spectateurs. Ce numéro se termine par la danse Mushebele, exécutée uniquement par le Tundu qui danse muni de deux machettes. Le public forme un cercle autour de lui et, tandis que les uns entonnent le chant ancien : « Oh ! oh ! le sexe est rouge ! », les autres leur répondent en choeur : « Le sexe est rouge. » Les chants se terminent par « Vous partez ! Ah, mes soeurs, vous partez ! Eh Mukonzo a pleuré, maya eh ! »

Selon la coutume, après la danse, les hommes arrosent la cour servant de scène. L’endroit précis où évoluent les masques-marionnettes mbuya (animées exclusivement par les hommes) ne peut être franchi par les femmes, sans quoi elles seraient obligées de payer aux hommes circoncis une amende, sous la forme d’un bouc.

Théâtre de marionnettes moderne

La première tentative de création d’une troupe de marionnettes moderne remonte à 1980, à l’occasion d’un stage organisé par l’Institut national des Arts à Kinshasa, en collaboration avec le Centre culturel français. Plusieurs stages ont ensuite été organisés, notamment avec la collaboration des marionnettistes français Geneviève Vedrenne, Gisèle et Raymond Poirson, des marionnettistes allemands Pieter Klaassen et Bernard Kleybolt, et du marionnettiste togolais Danaye Kanlanféï.

Ces activités ont permis d’installer une compagnie à vocation professionnelle, le Théâtre de Marionnettes du Congo ou Themaco (ancien Themaz) et de réaliser, à l’aide de marionnettes en mousse, un spectacle intitulé La Tortue punie pour Cause de Trahison. De nombreux marionnettistes congolais, tels Mavese Mbizi, Malvine Velo Kapita, Tshingombe Kalombo et Tshamala Mufubela, ont débuté au Themaz.

En 1992, une deuxième compagnie théâtrale, nommée La Rosée, a vu le jour sous la houlette de Mavese Mbizi. Tout en menant une recherche sur le matériel de fabrication pour un théâtre de marionnettes typiquement congolais, elle monte des pièces pour enfants, jouées par les enfants. Dans un de ses spectacles sur la délinquance juvénile, les jeunes gens démontrent la culpabilité des parents qui les abandonnent.

Il faut aussi mentionner les troupes et les solistes itinérants. On rencontre des théâtres de rue dans les villes comme Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, et Bukavu. À Kinshasa, par exemple, le marionnettiste Kanga Lokaka animait un petit théâtre d’automates sur carriole, se produisant dans les communes de Kalamu, Bandal et au Grand Marché de Kinshasa. Ses marionnettes, placées sur des plateaux superposés, s’actionnaient par un jeu de poulies et de cordes, manuel au début, électrifié par la suite. Chaque nouvelle carriole était fabriquée à partir d’éléments récupérés ; il en réalisa quatre en dix ans. Ses personnages racontaient des histoires sur l’actualité politique ou sociale, y compris le sida.

D’autres théâtres itinérants manipulent des marionnettes qui dansent et chantent. Leurs répertoires sont pratiquement les mêmes : la santé et la maladie (sida), la famille, la liberté et la démocratie. Les principaux thèmes abordés concernent la vie courante, avec les problèmes épineux de la dot, du mariage, de la délinquance juvénile, du respect dû à l’âge, de la malnutrition, de l’alphabétisation, etc. Patience Bonheur Fayulu du Centre Espace Masolo fondé en 2003 travaillait avec des enfants-soldats, des enfants de rues et d’autres de foyers désunis ; il utilisait les marionnettes comme un outil thérapeutique avant de chercher asile au Canada. Des troupes de ce Centre tournent dans le pays et internationalement. Par exemple, la pièce « Les extraordinaires Aventures d’Oulala » avec Serge Amisi Mugo et Yaounde Mulamba, anciens enfants-soldats, a été présentée à Berlin, en 2010 dans le cadre de la manifestation « Théâtre de la Paix ».

Matériaux de fabrication et techniques d’animation

Pour la marionnette traditionnelle, les matériaux utilisés sont le plus souvent le bois et les fibres végétales. Pour la marionnette moderne, il existe plus de possibilités : non seulement on emploie le bois, mais aussi la mousse, le papier journal, le carton, du treillage métallique, de vieux tissus. Sans oublier les matériaux provenant de l’environnement immédiat : le bambou, le raphia, la calebasse, les coques de fruit, et les produits de récupération (fil de fer, ficelle, ustensiles de cuisine usagés, boites de conserve, plastique, caoutchouc). Quant aux techniques d’animations, toutes semblent être connues des Congolais, notamment le fil, la gaine, la tige et même les ombres chinoises. Un couple canadien a, en 2009, multiplié des efforts pour produire des spectacles de télévision tels que « Bobo et Kipî au Congo », une série télévisée pour les enfants, avec marionnettes, animation et prise directe.

Bibliographie