Théâtre de marionnettes à fils iranien. Le Shah Salim bazi est le genre par excellence du théâtre de marionnettes iranien. Il présente certaines similarités avec le kathputli indien à la fois quant à la forme (dispositif scénique, types de marionnettes à fils sans membres inférieurs) et quant au contenu (récit non religieux centré sur une cour princière). Son nom trouve peut-être son origine dans un épisode historique de la vie du sultan Salim Ier au XVIe siècle. Le principal personnage de ce spectacle est aujourd’hui Mobarak, ce qui n’était pas le cas aux siècles précédents.
La scène et l’organisation du spectacle
Les marionnettes mesurent entre 15 et 45 centimètres et sont manipulées par deux fils, plus rarement trois. Le marionnettiste (ostad) se tient derrière un castelet de 80 ou 90 centimètres de haut, lui-même surélevé par rapport à la scène ; celle-ci a environ un mètre de largeur et de profondeur. Mais c’est le morshed (littéralement, maître ou « directeur spirituel ») qui, à côté de la tente ou du rideau, conduit le spectacle, accompagne la représentation avec son tombak (tambour), chante parfois, traduit ou interprète si nécessaire les mots déformés à l’aide d’un accessoire vocal (pratique) appelé sootak ou safir. Inséré dans la bouche du marionnettiste, il sert à altérer le son issu de la marionnette et à donner à celle-ci une voix stridente, chantante. Le safir mesure un centimètre par deux centimètres de long et consiste, dans la tradition, en deux minces feuillets d’or ou de cuivre ou d’un autre métal. Une pièce de tissu fin est placée entre les deux feuillets et les trois pièces sont reliées par une ficelle.
Un dialogue s’instaure souvent ainsi entre le morshed et Mobarak qui peut se transformer en moqueries et disputes aux effets comiques. Des musiciens accompagnent les entrées et les sorties des personnages.
Les personnages
Un spectacle complet comprend quatorze marionnettes et personnages principaux, et une dizaine d’autres personnages secondaires, dont environ huit dignitaires vêtus de leurs uniformes. Autour du personnage central Mobarak, on trouve le roi Salim, Farrokh khan, le fils du roi, Pahlavan, le lutteur, Jarookesh, le balayeur, Tabal, le tambour, Sagha, le porteur d’eau, Raheb, le prêtre, Aqhed, l’officier de mariage, Aroos, la fiancée, Shisheh Baz et Choob Baz, les jongleurs, Div, le démon, et Looti Antari, le gardien et dresseur de singes.
Il existe deux sortes de marionnettes : celles fabriquées conformément à l’anatomie humaine avec des mains et des jambes, celles sans jambes (les danseuses, ce qui facilite les mouvements) ou sans jambes ni mains (le démon conformément à la croyance populaire selon laquelle le diable peut apparaître sous toutes les tailles par sa propre volonté). Les marionnettes ne présentent pas d’articulation pour se mouvoir et se déplacent donc d’un seul saut. Les corps sont faits de tissu et les têtes sont généralement en bois. Chaque marionnette fait son entrée et sa sortie avec une chanson et une musique particulière chantée et jouée par des musiciens. Les airs sont variés, pouvant être dramatiques, lyriques ou amoureux selon le type de public. Celui-ci est variable, souvent composite, formé d’enfants, de jeunes et d’adultes.
L’histoire
Le Shah Salim bazi raconte le mariage de Farookh khan, fils du roi Salim. Le morshed demande à Mobarak de préparer la salle de la cour pour l’arrivée du shah et d’en annoncer la nouvelle. Le rusé Mobarak va et vient pour le faire mais au lieu du roi, c’est toujours un chat ou un chien qui apparaît. Lorsque le roi Salim est sur le point de faire enfin son entrée, tous les personnages sont en scène vaquant à leurs occupations mais certains s’éternisent sur scène, indifférents aux ordres de Mobarak, comme l’arrogant Pahlavan qui reçoit alors un coup, s’écroule, et doit être soigné par un médecin et son infirmière. Puis apparaissent les danseurs tandis que sont apportés les cadeaux de mariage ainsi que des bougies allumées. Le roi arrive enfin, accompagné de sa cour, et s’assoit sur son trône. Les dignitaires et les ambassadeurs se présentent un à un, annoncés par le morshed, suivis des jongleurs, des lutteurs et des danseurs. La cérémonie se conclut par le mariage, célébré par le aqhed puis le spectacle se conclut par la naissance d’un enfant. Dans certaines versions, Mobarak peut tomber amoureux de l’une des danseuses, qu’il tente de rejoindre dans la salle de bal malgré l’opposition du morshed. Ce dernier lui envoie alors le démon pour le punir. Le Shah Salim bazi présente ainsi une structure très simple mais peut aussi contenir des variantes d’un épisode à l’autre.
(Voir Iran.)