Le Ghana, officiellement dénommé République de Ghana, est un pays d’Afrique occidentale situé le long du golfe de Guinée et de l’océan Atlantique ; il jouxte la Côte d’Ivoire, à l’ouest,  le Burkina Faso au nord et le Togo à l’est. Le Ghana est une nation multiethnique pratiquant une grande variété de religions parmi lesquelles le christianisme, l’islam et les croyances indigènes traditionnelles ; le groupe ethnique majoritaire est constitué par les Ashanti (Asante), un sous-groupe des Akan. Colonisé par la Grande-Bretagne au début du XXe siècle, le Ghana déclara son indépendance en 1957.

L’année même de l’accession du Ghana à l’indépendance, en 1957, un projet éducatif commun fut inauguré à l’initiative de la Chambre des Mines et du ministère de la Santé. Bénéficiant d’un grand lancement médiatique, il incluait l’usage des marionnettes. Celles-ci continuèrent à jouer un rôle important dans les projets de développement communautaire ; elles restent, sur le terrain, l’un des outils efficaces pour l’alphabétisation, par exemple, mais elles peuvent aussi servir la propagande politique.

À Accra et dans d’autres villes du pays, on rencontre des musiciens marionnettistes ambulants qui font évoluer leurs marionnettes à fils dans la rue ou bien au marché. Ces poupées dansantes sont finement élaborées, notamment au niveau des articulations. Les plus sophistiquées ont les yeux, la langue, les poignets et les chevilles mobiles.

Il existe en outre des marionnettes à gaine et marionnettes à tige combinées, habillées de tissu ou de fibres de raphia (cachant la gaine) avec la tête mobile et la mâchoire articulée qui claque. Deux exemples de celles-ci appartiennent aux anciennes collections du Musée de l’Homme à Paris.

On trouve aussi de grandes marionnettes de taille humaine, manipulées à vue, un peu à la façon du théâtre bunraku du Japon.

Marionnettes traditionnelles

Les marionnettes et les objets animés jouaient autrefois (et continuent parfois de jouer) un rôle essentiel dans les cérémonies traditionnelles du pays. On connait les « marionnettes curatives » dont les formes varient en fonction de leur utilisation, certains objets rituels (comme les bâtons linguistiques et les tabourets des Akan), et les cercueils figuratifs des Ga. Parmi les marionnettes curatives, les poupées de fécondité ashantis et fantis, connues sous le nom de akuaba sont les plus célèbres. Finement sculptées dans du bois, avec la tête plate (en forme de disque chez les Ashanti ou carrée chez les Fanti), parées de perles de verre colorées, elles restent une grande source d’inspiration. Ces figurines sont fabriquées avec l’autorisation des okomfo, prêtres féticheurs, pour l’usage de femmes enceintes qui doivent les garder près d’elles afin que leur grossesse ait plus de chance d’arriver à terme. Le marionnettiste ghanéen E. A. Hanson en apporte un témoignage intéressant lorsqu’il se rappelle, dans son enfance (et ce jusque dans les années cinquante), les interdits concernant le modelage de poupées (celles-ci pouvant rendre stérile celui qui les fabriquait). Pour lui, la poupée akuaba peut être considérée comme l’aïeule de la marionnette africaine.

D’autres figurines sont utilisées par certains guérisseurs pour « soigner à distance » les victimes d’empoisonnement.

Quelques rituels se pratiquent aussi à la demande du village ; les sorciers peuvent organiser un « spectacle » pour exorciser ou mettre à mort un esprit nuisible. Ces représentations se déroulent avec des figurines fétiches, savamment mises en scène, dans la « maison » du mage exorciste.

Les bâtons linguistiques des Akan, tout comme leurs tabourets, sont des objets sculptés servant de support à des images symboliques dont les significations remontent loin dans la tradition orale. Surmontés de fleurons représentant, chacun, au moins une parole proverbiale, les bâtons linguistiques, ou cannes sculptées de commandement, sont animés comme des marottes. Les tabourets sont, quant à eux, portés lors de processions et manipulés comme des marionnettes.

Les étonnants cercueils des Ga sont des sarcophages de bois sculpté, très colorés, figurant un animal, une plante, un objet, toute chose illustrant une activité ou la position sociale du défunt. On peut donc admirer des cercueils-animaux (antilope, vache, lion, poisson rayé, sardine, tilapia, poisson rouge, insecte, crabe, langouste), des cercueils-fruits-et-légumes (ognon, piment, papaye), des cercueils-outils (filet de pêche, abot, scie, truelle), des cercueils-véhicules (avion, pirogue, autobus, Mercedes-Benz), des cercueils-livres (la bible notamment), des cercueils-accessoires de sport (ballon de basket). On y ajoute souvent de petites scènes sculptées, avec des figurines, que l’artiste place au-dessus du cercueil renfermant le cadavre. Lors des funérailles, ces compositions s’animent et participent au spectacle que donne la foule, costumée, dansante et chantante.

D’autres rites funéraires nous montrent la préparation du mort comme pour en faire une « marionnette » où l’on assemble les os du squelette avec du fil d’or pour lui garder sa mobilité.

À la tradition ghanéenne appartiennent également les pantins en bois des Brong (Abron). De grande taille (environ 1 mètre), au corps aplati et à l’aspect naturaliste, ils sont portés en haut d’une perche et utilisés dans les cérémonies funéraires et les fêtes agraires. Ces figures articulées ressemblent fortement à celles signalées en Côte-d’Ivoire et au Sénégal.

Marionnettes contemporaines

Mais toutes ces formes diffèrent sensiblement du théâtre de marionnettes contemporain. Bien que E. A. Hanson juge son évolution plutôt lente, il note néanmoins l’immense travail accompli, en peu de temps par The Black Puppet Theatre, une troupe de marionnettistes fondée en 1962, et écrit « Nous avons forgé une bonne renommée à l’art de la marionnette au Ghana. La population entière peut voir nos spectacles. Nous avons créé une fondation. Les marionnettes sont présentes dans les villes, les petites villes et même dans les villages. »

Marionnettes à gaine et, plus modestement, marionnettes à fils, étaient utilisées, à cette époque, pour les spectacles. Beattie Casely-Hayford (1922-1989), premier directeur du Ghana Arts Council (Conseil ghanéen des Arts), cofondateur du Ghana National Dance Ensemble (Ensemble national ghanéen de Danse) et directeur de la, Ghana Broadcasting Corporation (Office ghanéen de Radiodiffusion) était intéressé par l’art de la marionnette et soutint des spectacles de marionnettes à l’Arts Centre (Centre d’Arts) et, ultérieurement à la Ghana Broadcasting Corporation-TV (Office ghanéen de Radiodiffusion et de Télévision).

En 1976, l’UNIMA octroya une bourse à deux marionnettistes ghanéens, Joseph Abey et Samuel Armath pour un séjour de formation au Théâtre central de la Marionnette à Prague. Suivant cet élan créatif, il existe maintenant à Accra une vraie formation artistique avec une école, l’International Puppetry School (École internationale de Marionnettes), qui prépare une nouvelle génération de marionnettistes.

Les marionnettes ont été introduites dans de nouveaux textes dramatiques. L’auteur Mohammed Ben-Abdallah (né en 1944) utilisait des marionnettes dans The Trial of Mallam Ilya (1982), dans lequel un acteur interprète un personnage colonial. David Livingston incarne dans une marionnette le personnage d’un missionnaire chrétien qui porte la tête sculptée d’un prêtre africain avec sa bible, retraçant ainsi les prédications coloniales. Le marionnette a également été utilisée dans de cadre de projets de développement, d’ateliers éducatifs et d’activités missionnaires.

Massimo Wanssi, un artiste né au Kenya a d’abord travaillé à Accra, depuis 1999 ; il est mieux connu comme sculpteur mais ses marionnettes humoristiques qui dansent sont constituées de sculptures mobiles dynamiques. Chaufra Educators for Behavioural and Attitudinal Change dirigé par le marionnettiste Edem Richmond Kpotosu aide les artistes à développer des spectacles pour clarifier les enjeux communautaires de certains problèmes tels que les élections et, en 2013, il entrainait un nouveau groupe de marionnettistes à produire des spectacles axés sur ces thèmes.  Enfin, la télévision nationale programme avec succès des spectacles de marionnettes, contribuant à la formation d’écrivains et de marionnettistes pour ses propres productions.

De facture très actuelle et éloignée des formes traditionnelles, la marionnette ghanéenne d’aujourd’hui reflète surtout la modernité du quotidien. D’une manière générale, sa technique à fils et son répertoire ont beaucoup influencé les pays limitrophes, comme le Togo ou le Bénin.

Bibliographie

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