Artiste de théâtre, chercheuse et écrivaine d’origine camerounaise, travaillant en Côte-d’Ivoire. D’ethnie bassa, Werewere Liking Gnepo (née Eddy Njock) poursuivit des études en Côte-d’Ivoire ; elle continua l’étude des traditions en travaillant avec les Bambaras au Mali , en 1977 ; elle s’établit en Côte d’Ivoire au début de 1978.

Chercheuse à l’Institut de Littérature et d’Esthétique négro-africaine à l’Université d’Abidjan de 1979 à 1985. Elle fonda ensuite (1985) le Ki-Yi Mbock Théâtre, troupe professionnelle d’artistes pluridisciplinaires, installée dans la villa Ki-Yi à Abidjan. La fondation supporte et entraine à la pratique artistique des jeunes défavorisés ; nombre d’entre eux sont partis pour une carrière artistique internationale.  Actuellement, Ki Yi est un village coopératif accueillant des artistes de diverses traditions et origines dont des marionnettistes, danseurs, acteurs, musiciens, sculpteurs, peintres, créateurs de costumes, techniciens « son et lumière »…

Chanteuse, danseuse, actrice, peintre, romancière, essayiste, poétesse, elle écrivit aussi des pièces de théâtre qu’elle mit en scène avec la Française Marie-Josée Hourantier dont elle influença beaucoup le travail. Parmi ses œuvres publiées, on trouve : La Queue du Diable (1979), La Puissance de Um (1979), Un Touareg s’est marié à une Pygmée (1992) et La Veuve dilemme (1994). Elle est aussi romancière et poétesse et reçut le prix « Prince Claus » pour les services rendus à la culture et à la société ainsi que l’award « Noma 2015 » pour son livre La mémorie amputée.

Son travail débuta par des recherches sur les bases rituelles du théâtre africain, en tentant de voir comment elles peuvent influer sur les questions politiques contemporaines et promouvoir le panafricanisme et d’autres valeurs positives plutôt que le nationalisme.

Dans le domaine théâtral, son travail, qui s’inspire largement des marionnettes du Mali, est une recherche basée sur le rituel. Très influencée par le ki-yi, initiation sécrète issue de l’ethnie bassa, elle en prend les techniques et la philosophie pour en moduler un théâtre où les textes, avant-gardistes, dénoncent souvent les abus et les déchéances de l’Afrique actuelle. Ce théâtre rituel s’appuie sur la tradition mais l’épure pour n’en garder que son sens premier, la prise en charge de l’homme par lui-même face à l’univers et au divin. Cette prise de conscience de l’humain à travers le rite est une des idées fortes du théâtre de Werewere Liking et c’est dans cette optique que, pour elle, dans la conception des pouvoirs, l’approche des rapports entre Dieu et l’homme ne semble pas différente de celle des rapports entre l’homme et la marionnette.

Son théâtre est militant et engagé. Il utilise tous les arts de la scène et même du cirque, et peut faire appel, par exemple, à un contorsionniste. Ses marionnettes, géantes, habitables (voir Marionnette habitable), parfois sur des échasses, améliorent les techniques ancestrales de manipulation, les adaptant surtout pour les marionnettistes femmes alors que, traditionnellement, les femmes n’étaient généralement pas autorisées à se produire en spectacle dans des groupes ethniques. Elle participe à de nombreuses tournées internationales avec sa compagnie et anime de nombreux stages dans différents pays. Au fil de temps, ses œuvres sont devenues plus politiques et orientées par des buts didactiques.

Comme chercheuse, Werewere Liking a surtout étudié les poupées maliennes et les statuettes peintes de style « colon », qui représentent des Européens (chapeau colonial, costume blanc, canne ou badine, peau blanche … ) et restent présentes dans certains spectacles. Aujourd’hui, elle est unanimement reconnue tant pour ses recherches, explicitant le rôle des figurines et le déroulement des spectacles, que pour son travail de directrice d’acteur et de metteuse en scène.

(Voir Côte-d’Ivoire.)

Bibliographie

  • Conteh-Morgan, John, and Irène Assiba d’Almeida, eds. “The Original Explosion That Created Worlds”. Essays on Werewere Liking’s Art and Writings. (Francopolyphonies 8). Rodopi: Amsterdam/New York (NY): Rodopi, 2010.
  • Delacroix, Jean-Marie. Gestalt-thérapie, Culture africaine, Changement. Paris: L’Harmattan, 1994.
  • Hourantier, Marie-José. Du Rituel au Théâtre rituel. Contribution à une Esthétique théâtrale négro-africaine. Paris: L’Harmattan, 1984.
  • Hawkins, Peter. Werewere Liking at the Villa Ki-Yi. In African Affairs. Vol. 90, No. 359 (Apr. 1991), pp. 207-222. http://links.jstor.org/sici?sici=0001-9909(199104)90%3A359%3C207%3AWLATVK%3E2.0.CO%3B2-R. Accessed 12 juin 2013.
  • La Veuve dilemme. Plays by Women: An International Anthology. Book Two. Ed. Judith Miller. New York: Uburepertory Theater Publications, 1994.
  • Liking, Werewere. “Dieu Chose. L’Expérience du Ki-Yi Mbock Théâtre d’Abidjan ou l’Ouverture sur la Marionnette humaine”. UNIMA-Informations. 1988, pp. 25-29.
  • Liking, Werewere. La Puissance de Um. Abidjan: CEDA, 1979, 64 pp.
  • Liking, Werewere. “La Queue du Diable”. Du Rituel à la Scène. Paris: Nizet, 1979.
  • Liking, Werewere. L’Amour-cent-vies. Paris: Publisud, 1988.
  • Liking, Werewere. Les Mains veulent dire et La Rougeole Arc-en-Ciel. Spectacles rituels. Dakar: Les nouvelles Éditions africaines, 1987.
  • Liking, Werewere. Statuettes peintes d’Afrique de l’Ouest. Marionnettes du Mali. “Traditions africaines” series. Paris : Les nouvelles Éditions africaines /Arhis, 1987.
  • Liking, Werewere. Une nouvelle Terre. Théâtre rituel. Abidjan: Les nouvelles Éditions africaines, 1980.
  • Liking, Werewere. Un Touareg s’est marié à une Pygmée. Carnières: Lansman, 1992, 39 pp.
  • Mielly, Michelle. “Werewere Liking and the Aesthetics of Necessity: Re-Considering Culture and Development in Post-Colonial Africa”.  http://www.southwestern.edu/academics/bwp/pdf/2003bwp-mielly.pdf, 2003? Accessed 11 juin 2013.