Province portugaise d’outre-mer durant cinq-cents ans, l’Angola (en forme longue la République d’Angola, en portugais : República de Angola ; en kikongo, kimbundu et umbundu : Repubilika ya Ngola), dont les citoyens sont majoritairement des Bantous incluant des Kimboundous, des Ovimbundus et des Bacongos est devenue indépendante en 1975. Le pays a été dirigé par un régime socialiste durant la longue guerre civile ; il a connu une paix relative durant la première décennie du XXIe siècle.

Cet État d’Afrique qui est peuplé de chrétiens et d’animistes possède des traditions théâtrales très variées dont l’existence ancienne est attestée par de nombreuses sources ; fouilles archéologiques, littérature orale et écrite, images et objets. Théâtre traditionnel et rituel, jouets, poupées, parades festives et marionnettes contemporaines constituent différentes formes d’expression de cet art.

Le théâtre coutumier

Si le théâtre coutumier existe encore de nos jours, c’est parce qu’il est ancré dans les habitudes et même plus : c’est un rite auquel on ne peut déroger. L’accomplissement de la cérémonie exige l’usage de masques, de statuettes et de marionnettes. Ces dernières, investies de l’esprit de l’au-delà, font office d’intermédiaires entre les vivants et les morts. Le caractère sacré des spectacles traditionnels se manifeste par la présence d’objets sculptés, anthropomorphes ou zoomorphes, sur lesquels sont gravés des codes tribaux qui constituent des canaux de communication entre les vivants et les morts considérés comme guides et protecteurs. Les fêtes célébrant le culte des ancêtres sont organisées pour affirmer les liens entre ces deux mondes. À ces occasions, chez les Cokwe, les Ngangela ou les Kongo, les marionnettes occupent une place de choix. Leurs spectacles ont un caractère sacré, voire hermétique, et se déroulent devant un public d’initiés soumis à plusieurs interdits et obligés à garder le secret. Les marionnettes se différencient ainsi des masques, qu’on utilise parfois dans le théâtre profane pour amuser les spectateurs.

Le théâtre de marionnettes sur l’eau

Dans l’ile de Luanda, les habitants (les Axiluanda) organisent chaque année la kianda, fête des pêcheurs, au cours de laquelle les anciens font des offrandes aux esprits de l’eau. Cette fête dure toute une semaine. Les marionnettes portées sur la tête (connues aussi sous le nom de marionnettes coiffures) y sont à l’honneur. Parmi elles, la reine des eaux et autres personnages aquatiques. Les marionnettistes donnent souvent leur spectacle depuis une pirogue qui navigue près du bord. Sur la berge, des tambours assourdissants et des danses accompagnent cette représentation qui se termine solennellement en présence des dignitaires.

Le carnaval de Luanda

Les fêtes de carnaval se déroulent à travers tout le pays mais la fête finale qui couronne ces festivités régionales a lieu, chaque année, à Luanda, en février. Les chefs coutumiers, le corps diplomatique, les responsables de grandes sociétés et le président de la république font, à tour de rôle, leur entrée dans la tribune centrale. On assiste alors d’une part à l’exhibition de marionnettes et de masques articulés, d’autre part à celle de marionnettes et de masques non articulés.

Jouets marionnettes des enfants

Les marionnettes jouets sont en général des représentations de la vie quotidienne : un homme à vélo, un unijambiste, un barbu, un drogué, un char de combat, un hélicoptère, un soldat armé, etc. Les enfants qui manipulent leurs marionnettes à Luena (Mandebue) et à Luanda (Sabizanga) réunissent parfois un auditoire autour d’eux.

Chez les Quiocos, les adolescents connaissent aussi les marionnettes par couples manipulées avec les orteils (marionnettes aux pieds, voir aussi Rites). Il n’est pas rare d’assister à une représentation, donnée par un jeune montreur, au détour d’une ruelle.
La boneca (poupée) est réservée aux jeunes filles. Il existe chez les Mumuila une coutume qui oblige la grande sœur mariée et mère à transmettre à sa sœur cadette la poupée de la fécondité qu’elle-même avait reçue de sa sœur ainée. Les fillettes reçoivent cette poupée entre neuf et quatorze ans, et la gardent jusqu’à leur maternité. Elles jouent avec la figurine et se préparent ainsi à leur fonction de mère et de femme. Faite de fibres végétales, la boneca mumuila est parée d’une coiffure et des ornements corporels d’une jeune fille pubère de cette ethnie.

Chez les Kwamatwi (sous-groupe Ambo), la jeune mariée porte, pendant les premiers mois, une poupée d’environ 20 centimètres faite d’une petite fourche en bois avec une tête façonnée en cire. Fixé à sa ceinture et appuyée contre son ventre, ce jouet est considéré comme un « charme de fécondité ». D’après P. Charles Estermann, il s’agit là d’une « manifestation artistique avec quelque chose de sacré ».

Amulettes de naissance

Les amulettes de naissance, les jinga, sont très utilisées par les femmes cokwes. Elles se présentent sous la forme d’un couple de petites figurines symbolisant deux conjoints ou une mère et son fils. Ces figurines anthropomorphes, destinées à faciliter la maternité, se portent au cou ou à la hanche. Le rituel à accomplir varie en fonction des phases de la lune. Parfois, au petit matin, la propriétaire des figurines chante et danse devant sa maison en brandissant ses jinga.

Les marionnettes divinatoires

Les Cokwe et les Ovimbundu croient en l’existence d’un être suprême (Zambi) créateur de toutes les choses et d’esprits (Hamba ou Mahamba) qui servent d’intermédiaires entre lui et les humains. On attend, de ces derniers, la santé, le bonheur, la fertilité de la terre et la fécondité des femmes. En cas de malédiction, ces peuples consultent un devin, le kimbanda. Cette consultation donne lieu à une sorte de représentation théâtrale dans laquelle le kimbanda est secondé par trois ou quatre personnes qui jouent du tambour, chantent et dansent. Au cours de cette séance, le devin fait basculer à plusieurs reprises sa corbeille divinatoire  (ngombo) contenant cinquante petites pièces parmi lesquelles figurent des marionnettes, modèles miniaturisés de grandes statues. La figurine qui se pose au-dessus des autres trois fois consécutives est l’esprit hamba qui peut guérir la malédiction et délivrer le message. Il en résulte le plus souvent la prescription d’un sacrifice et d’un culte à l’esprit représenté par une statuette ou un symbole.

Les jumeaux et leurs marionnettes

Appelés mapassa chez les Bacongo, mahassa chez les Cokwe, jingongo chez les Ambundu, les jumeaux ont engendré un théâtre de marionnettes coutumier très original. Supposés venir de l’eau, de la forêt ou des esprits impurs, ces enfants « exceptionnels » doivent être intégrés dans le monde par un rituel très théâtralisé. Au terme de cette cérémonie, les jumeaux reçoivent deux petites statuettes à porter à la hanche ou à installer dans une hutte miniature dans un coin de la parcelle familiale.

Projet Kapa-kapa

Toutes les marionnettes angolaises ne sont pas traditionnelles. Après la décolonisation, apparurent des formes plus universelles. En 1988 se monta le Colectivo Solidariedade Teatral « Projecto Kapa-kapa » animé par cinq marionnettistes, trois hommes et deux femmes. Leurs marionnettes à fils, qui mesurent environ 65 centimètres, sont en mousse. Leur répertoire s’adresse à tous les publics.

Bibliographie

  • “Angola Carnival 2012 in Luanda”. http://www.youtube.com/watch?v=kl5YwHWVeZQ. Accessed 6 aout 2013.
  • Areia, M.L. Rodrigues de. Les Symboles divinatoires. Analyse socio-culturelle d’une technique de divination des Cokwe de l’Angola (Ngombo ya cisuka). Coimbra: Instituto de antropologia, Universidade de Coimbra, 1985.
  • Estermann, P. Charles. Ethnographie du Sud-Ouest de l’Angola. Tome 1: Les peuples non bantous et le groupe ethnique Ambo. Paris: Académie des sciences d’outre-mer
  • Fontinha, Mario. “Desenhos na areia dos Quiocos do Nordeste de Angola”. Estudos, ensaios e documentos. No. 143. Lisbonne: Instituto de investigaçao cientifica tropical,
  • Gomez, Samir. “Flash – Carnaval Angola (2/2)”. http://www.youtube.com/watch?v=f_UMADhABN8. Accessed 6 aout 2013.
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