La Croatie (République de Croatie, en croate : Hrvatska et Republika Hrvatska) et sa capitale Zagreb, sont situées au carrefour de l’Europe centrale, du Sud-est de l’Europe, et de la Méditerrannée.

Le premier spectacle de marionnettes en langue croate eut lieu à Zagreb en 1916. Le Teatar marioneta (Théâtre de Marionnettes) fut fondé en 1920 par un écrivain, Velemir Deželić, par un compositeur, Božidar Širola, un décorateur, peintre et scénographe, Ljubo Babić, et un poète, Dragutin Domjanić, avec la création de la première véritable pièce croate pour marionnettes : Petrica Kerempuh i spametni osel (Petrica Kerempuh et l’âne malin).

Entre les deux guerres mondiales, le mouvement Sokol (Faucon), né en Bohême, fit la part belle à la marionnette et stimula sa pratique. La Croatie compta jusqu’à quinze Théâtres Sokol, qui employaient exclusivement la marionnette à fils. Tel fut aussi le cas à Split, où le Sokolsko kazalište lutaka (Théâtre Sokol de marionnettes) fut fondé en 1933, ainsi qu’à Osijek (Sokolsko lutkarsko kazalište ou Théâtre Sokol de Marionnettes) dont le niveau et la qualité se développèrent sous l’influence du théâtre de marionnettes tchèque. (Kazalište lutaka).

Après la Seconde Guerre mondiale se constitua un réseau de théâtres, dont le premier fut fondé à Split en 1945. À Zagreb, Vlado Habunek, metteur en scène, et Radovan Ivšić, poète qui, le premier, avait introduit les marionnettes à gaine dans la compagnie de la Jeunesse, Družina mladih (1939-1945), fondèrent tous deux le Kazalište lutaka (Théâtre de Marionnettes) en 1947 (on ajouta « de Zagreb » à son nom l’année suivante, soit Zagrebačko kazalište lutaka) avec la participation d’une actrice allemande, Tilla Durieux. Un théâtre de marionnettes fut fondé à Zadar en 1952, ainsi que le Dječje kazalište (Théâtre des Enfants) à Osijek et, en 1960, le Gradsko kazalište lutaka, le Théâtre de marionnettes de la ville de Rijeka, dont les marionnettistes furent les premiers à tirer parti des effets de lumière (voir Théâtre Noir).

Le Dječje kazalište u Osijeku (Théâtre des Enfants d’Osijek) inaugura, grâce à une collaboration avec des marionnettistes tchèques et slovaques, des spectacles mixtes comédiens-marionnettes. Cependant, les valeurs authentiques de la marionnette croate résidaient dans le style personnel d’auteurs et dans la forme technique. Dans les années soixante, le peintre et décorateur Berislav Deželić introduisit au Zagrebačko kazalište lutaka (Théâtre de marionnettes de Zagreb) un style singulier, où la marionnette était réduite à un symbole, et presque exempte de tout caractère anthropomorphique.
Une autre évolution, encore plus radicale, se produisit dans les années soixante-dix au Kazalište lutaka Zadar (Théâtre de marionnettes de Zadar). Partant de l’idée que la marionnette est fonction du décor, et réciproquement, Branko Stojaković, créateur de marionnettes et décorateur, et Luko Paljetak, metteur en scène, produisirent de saisissants effets au moyen de changements à vue et de cadrage. Pour eux, la marionnette était d’abord poésie visuelle et musique ; Postojani kositreni vojnik (L’Intrépide Soldat de plomb, 1978) peut être considéré comme le manifeste de leur art. Dans les années quatre-vingt, Zlatko Bourek, de son côté, inventa des techniques spéciales destinées à ses marionnettes grotesques.

À la fin des années quatre-vingt, les spectacles sont devenus de plus en plus imposants et se sont étoffés : Osman à Zagreb, Judita à Zadar, Djevojčica sa žigicama (La Petite Marchande d’allumettes) à Osijek. Rene Medvešek, remarqué depuis les années quatre-vingt-dix, réunit dans ses spectacles comédiens, mimes et animation, notamment Mrvek i Crvek (Mrvek et Crvek), Nadpodstolar Martin (Martin l’inspecteur savetier).

Les marionnettistes ont toujours été très attentifs à la littérature dramatique nationale, spécialement aux œuvres d’ Ivana Brlić-Mažuranić, créateur du personnage Malik Tintilinić, considéré comme l’Andersen croate. Les textes pour marionnettes reposent sur les pièces de Vladimir Nazor, de Radovan Ivšić, de Vojmil Rabadan, Milan Čečuk, Borislav Mrkšić, Luko Paljetak, Ivan Bakmaz et Zlatko Krilić notamment : elles sont largement inspirées par les contes et la langue populaires. De nombreuses pièces sont par ailleurs créées autour du personnage de Petrica Kerempuh. Issu de la tradition orale populaire, ce personnage incarne le farceur mais aussi le rebelle, porte-parole du petit peuple dont les remarques ironiques n’épargnent personne. En tant que marionnette, il appartient à la famille des Hanswurst, Punch et Judy, Karagöz, ou Kasperle. La marionnette croate a reçu des apports considérables venus du milieu alternatif et amateur (avec Jedan dan u životu Ignaca Goloba (Un jour dans la vie d’Ignac Golob), de la compagnie Coccolemocco (Kazališna družina « Coccolemocco ») et du mouvement né à l’initiative d’une enseignante, Vlasta Pokrivka, créatrice de marionnettes en matériaux naturels (citrouilles, bois brut).

L’art de la marionnette est enseigné à l’Académie d’art dramatique de Zagreb et fait l’objet, depuis 1995, d’un cycle d’études de deux années à Split. Les festivals sont au nombre de trois : le PIF (Pupteatra Internacia Festivalo, en esperanto), fondé en 1967 à Zagreb par un groupe d’étudiants pratiquant l’esperanto, seule manifestation internationale ; le SLUK (Rassemblement national des théâtres de marionnettes et des marionnettistes croates) qui, après sa première édition en 1967 à Opatija, s’est établi en biennale à Osijek ; enfin, le Festival international de l’Enfant, fondé à Ššibenik en 1958, qui donne une large place au spectacle de marionnettes.

Festival de théâtres de marionnettes

Le plus ancien et le plus important des festivals en Croatie – et durant de longues années, le seul à dimension international – est le PIF (Festival international des Théâtres de marionettes, Pupteatra Internacia Festivalo en esperanto). Il a été fondé à Zagreb par des étudiants en esperanto et s’est tenu de façon régulière chaque année depuis 1968.

Le SLUK est un rassemblement de marionnettistes et de compagnies de théâtres de marionettes croates, qui s’est tenu tous les deux ans, depuis son lancement à Opatjia en 1969, en règle générale, à Osijek.

Les productions de marionettes forment par ailleurs un volet important du programme du Festival International du Jeune Public (Međunarodni dječji Festival), fondé à Šibenik en 1958.

Les créations de théâtres de marionnettes tiennent également une place importante au sein de la Revue des Théâtres de marionnettes (Revija lutkarskih kazališta) qui s’est tenue à Rijeka depuis 1996, tandis que le Printemps de la Marionnette de Vukovar  (Vukovarsko lutkarsko proljeće) se déroule dans le Comté de Vukovar-Srijem.

Enseignement et formation

Il existe un Département des Arts du Théâtre à l’Umjetnička akademija u Osijeku (Académie des Arts d’Osijek) depuis 2004. L’Académie fait partie de la Sveučilište Josipa Jurja Strossmayera u Osijeku (Université Jossip Juraj Strossmayer d’Osijek) et dépend du Département des Arts du Théâtre qui délivre des cours de jeu dramatique et de marionnettes. L’Académie est la première institution d’enseignement supérieur en Croatie, où l’art de la marionette peut être étudié. Des cours magistraux concernant le theatre de marionettes ont par ailleurs été donné et continuent de l’être par de nombreux enseignants de renom de Croatie et d’ailleurs.

L’Académie des arts de l’université Josip-Juraj-Strossmayer à Osijek propose un cycle d’études de cinq ans en deux cycles. Parmi les professeurs recrutés dans différents pays, le Slovène Edi Majaron enseigne les techniques d’animation.

La Faculté de pédagogie (Učiteljski fakultet) de l’université de Zagreb propose depuis 1968 des cours de marionnettes (théorie, histoire, dramaturgie et techniques d’animation) et de culture théâtrale dans son département d’Éducation préscolaire.

L’Académie des arts dramatiques de Zagreb est un des lieux où des acteurs professionnels peuvent s’initier à l’animation des marionnettes. Le théâtre de masques fait l’objet de cours depuis 1950 ; les marionnettes sont enseignées depuis 1982 : Zlatko Bourek assurait les cours de deuxième année.

Le Međunarodni centar za usluge u kulturi (Centre international de la culture) fondé en 1972 à Zagreb, est issu du groupe organisateur depuis 1968 du PIF, maintenu jusqu’à aujourd’hui : les conflits dus à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie (1991-1995) n’ont pas interrompu les activités. Outre une bibliothèque, le Centre possède une vaste collection d’enregistrements vidéo, de photographies, de documents et de marionnettes. Il organise des séminaires, des conférences et des débats sur la marionnette. En tant qu’éditeur (Lutkanjia), il publie des ouvrages historiques et pratiques, ainsi que des scénarii (inédits et traductions). La compagnie de marionnettes Lutkobus – Lutkarska družina « Lutkobus » –dépend aussi du Centre. Celui-ci est également le siège de l’UNIMA-Croatie.

L’Institut de littérature, du théâtre et de musique croate (Zavod za povijest hrvatske književnosti, kazališta i glazbe) fondé en 1965 au sein de l’Académie croate des sciences et des arts, (Hrvatska akademija znanosti i umjetnosti ou HAZU), à Zagreb, détient d’importantes archives de théatre (textes dramatiques, dessins de costumes, articles de presse) abritées par le département d’Histoire du théâtre.

Une revue, LuKa, a été fondée en 1995 à l’initiative d’une équipe de critiques et de spécialistes croates réunis autour du Théâtre de marionnettes de Zagreb (Zagrebačko kazalište lutaka).

Bibliographie

  • Hrvatsko lutkarstvo/Croatian Puppetry. Ed. Livija Kroflin. Zagreb: Croatian Centre of UNIMA & International Cultural Centre, 1997. (In Croatian and English)
  • Hrvatsko lutkarstvo/Croatian Puppetry. Second edition, revised and expanded. Zagreb: UNIMA-Croatia, 2000. (In Croatian and English)
  • Kroflin, Livija. Estetika PIF-a [The Aesthetics of the PIF]. Zagreb: Međunarodni centar za usluge u kulturi, 2012.
  • Kroflin, Livija. Zagrebačka zemlja Lutkanija [Zagreb Country Lutkanija]. Zagreb: Međunarodni centar za usluge u kulturi, 1992.