Le personnage de Punch fut introduit en Angleterre par un marionnettiste italien de Bologne, Pietro Gimonde, en 1662. Sa filiation avec Pulcinella (voir commedia dell’arte) est claire et l’anglicisation de son nom en Punch ne tarda pas. Marionnette à tiges, il apparut dans d’innombrables spectacles tout au long du XVIIIe siècle (voir Grande-Bretagne). La vieille tradition de la marionnette à gaine anglaise n’en fut pas, pour autant, effacée et c’est sous cette forme que Punch servait à attirer le public vers les représentations de marionnettes sur les terrains de foire. C’est aussi sous la forme de marionnette à gaine que Punch fit son apparition dans les rues de Londres (première trace écrite en 1785).

Le spectacle de rues

On ne sait pas avec certitude si Punch résultait d’une évolution de spectacles existants ou d’une nouveauté importée d’Italie, mais il est probable qu’il est un produit des deux. Le spectacle de marionnettes à gaine conservait de nombreux traits des pièces anglaises : Punch était accompagné de sa femme Joan, une mégère qu’il battait régulièrement, et il était finalement emporté par le Diable – quoique, à la fin du XVIIIe siècle, il commençât à l’emporter même sur le Malin. Par ailleurs, le nouveau spectacle de marionnettes à gaine comportait un chien nommé Toby qui appartenait déjà au Pulcinella italien. C’est aussi sur le modèle du Pulcinella que Punch, condamné à la pendaison, persuadait au bourreau de lui montrer comment il faisait en se mettant lui-même la corde au cou – et le pendait. Pour une raison obscure, Joan changea son nom en Judy à partir de 1818 et eut un enfant, que Punch jetait par la fenêtre.

Un nouveau personnage, Clown, créé par l’acteur d’arlequinades Grimaldi, fut introduit et, à sa suite, un docteur, un bedeau ou un policier, le maitre du chien, un nègre (tombé en désuétude) et tous ceux que le montreur de marionnettes trouvait bon d’ajouter. Les pièces étaient essentiellement des dialogues entre Punch et les autres personnages qui, tous (à l’exception de Clown), étaient bientôt congédiés par le bâton de Punch. La voix de celui-ci était celle du marionnettiste déformée par un petit appareil, squeaker ou swazzle, appelé pratique en français, employé depuis le XVIIe siècle au moins (voir aussi Voix).

En 1828 fut publié le texte d’une représentation, illustré par George Cruikshank et s’inspirant largement du spectacle donné par un Italien, Giovanni Piccini (1745-1835) venu à Londres en 1779. Cet évènement favorisa l’établissement d’une forme de base de la pièce qui devint un élément populaire de la rue. À la différence de ce qui prévalait dans les autres pays européens, il n’y avait qu’une seule pièce pour la marionnette à gaine de Punch, mais susceptible de subir d’infinies variations. Le pardner (baron) était un élément essentiel du spectacle, car il faisait la quête dans le public et, parfois, donnait la réplique à Punch.

Du chemin de fer à la voiture

L’essor des chemins de fer dans les années 1840 provoqua la multiplication des théâtres de Punch, particulièrement au bord de la mer, mais on le jouait aussi dans les pantomimes ou des les music-halls, comme dans toute grande réunion populaire. La plus importante, peut-être, eut lieu le 22 juin 1887 à Hyde Park, à Londres, où le jubilé de la reine Victoria fut célébré par vingt-cinq représentations.

C’est à cette période que des familles et leurs noms furent associés à Punch. Les Smith, particulièrement, qui avaient des représentants dans plusieurs branches ; les Bailey à Buxton et à Harrogate ; les Jesson, les Magg, les Green et les Codman à Liverpool et à Llandudno. Samuel Bridges et d’autres parcouraient toujours le pays dans le style de Codlin et Short (personnages de marionnettistes du Magasin d’antiquités de Charles Dickens), tandis que des hommes de spectacle comme Alfred Le Mare et Douglas Alexander combinaient les représentations à la fabrication d’accessoires et à la vente en magasin.

L’apparition de la voiture automobile au XXe siècle rendit toujours plus difficiles les spectacles de rue. Si quelques marionnettistes, tels que George Pegram et Joe Beeby, tentèrent d’en maintenir la tradition, Punch ne retrouvait son public qu’au bord de la mer. En 1939, un compte rendu de Gerald Morice pour The World’s Fair (La Foire mondiale) recensait quarante-quatre montreurs de Punch avec des concentrations dans les stations balnéaires. À la fin du XXe siècle, il n’en restait plus qu’une dizaine.

Cependant, le spectacle lui-même n’avait rien perdu de sa popularité. Après la première publication d’un scénario en 1828, toutes sortes de livres et d’almanach parurent et l’essor des médias multiplia les occasions. Punch et Judy passèrent des lanternes magiques au film, bien qu’on ne sache pas quand avec exactitude. Leur première radio date de 1923, grâce au professeur Alexander, et Fred Tickner donna la première retransmission télévisée le 9 octobre 1937 (voir Télévision).

Le tricentenaire de Punch et Judy

Le tricentenaire de Punch en Angleterre fut célébré le 26 mai 1962 par un office religieux et par un spectacle public à Covent Garden (Londres). L’évènement, organisé par la Society for Theatrical Research (Société de Recherche théâtrale) et par la British Puppet and Model Theatre Guild (Guilde britannique du théâtre miniature et de marionnettes), rassembla vraisemblablement le plus grand nombre de montreurs de Punch depuis le jubilé de la reine Victoria et ne fut dépassé que par les célébrations du 325e anniversaire en 1987, organisé par Glyn Edwards et Maggie Pinhorn.

En Grande-Bretagne, Percy Press I fut filmé plusieurs fois de même que George Prentice, qui jouait dans les spectacles de variétés, aux États-Unis. The Punch and Judy Man, comédie avec Tony Hancock, sortit en 1962 (voir Cinéma). Des documentaires tes que Success Story (Histoire d’un succès, BBC, 1975), Punch and Judy (Arts Council, 1982) et As Pleased as Punch (Aussi plaisant que Punch, Central TV, 1987) rendirent justice à l’attrait du spectacle. Depuis le XVIIIe siècle, il y a eu diverses productions scéniques avec Punch jouées par des acteurs, des danseurs et des chanteurs d’opéra. Punch est également apparu de nombreuses fois dans la littérature.

La première tentative pour rassembler les montreurs de Punch fut faite par Oscar Oswald en 1955. Son Association of Punch Workers (Assocation des Travailleurs de Punch) disparut avec lui en 1976. En 1980, Percy Press II fonda la Punch and Judy Fellowship (La Confrérie Punch et Judy) et, en 1985, Glyn Edwards et John Styles formèrent les Punch and Judy College of Professors (Collège des Professeurs Punch et Judy). Ces deux associations étaient actives en 2012.

En 1975, Covent Garden perdit son marché et l’année suivante, pour redonner vie au quartier londonien, l’organisation « Alternative Arts », dirigé par Maggie Pinhorn, en collaboration avec le révérend John Arrowsmith (vicaire de l’église Saint-Paul), lança les « May Fayre » de Covent Garden. Cette festivité (1976), sur les terrains de l’église Saint-Paul pour « célébrer l’art de la marionnette à proximité de l’endroit où Samuel Pepys a vu Punch en 1662 », est une date importante du calendrier de Punch. La Fellowship et le College ont chacun son festival à Covent Garden ou dans le pays.

Punch et Judy au présent

Les familles de montreurs de l’époque victorienne, les Green, Jesson, Smith, Carcass, Codman and Magg passèrent le cap du XXe siècle et, en 2012, les Codman et les Magg étaient actifs. Cependant, plusieurs montreurs de Punch parvinrent à la renommée de leur vivant, le plus connu étant Percy Press I ; les autres sont Bruce Macloud, Tom Kemp, Bryan Clarke, Samuel Bridges, Frank Bolden, William Jesson, John Stafford, Walter Manley, Claude North, Stanley Quigley et Franklin Spence. Parmi ceux qui ont fabriqué des figures pour d’autres, Fred Tickner, Wal Kent, Quisto (Edwin Simms) et Bryan Clarke sont les plus connus.

George Speaight, Gerald Morice, Robert Leach et Michael Byrom ont beaucoup contribué à faire connaitre Punch ; Sydney De Hempsey, Edwin Hooper et Glyn Edwards ont tous trois produit des scénarios (la « Supreme Magic Company » de Hooper a vendu des scénarios et des poupées dans le monde entier). Roselia (Thomas Rose) et George Blake ont influencé la construction du castelet lui-même. Des professeurs de Punch, notamment John Styles MBE, Glyn Edwards, Rod Burnett et Maeetin Bridle, sont régulièrement invités lors de festivals et d’évènements internationaux.

L’humble spectacle de rue, où tout ce qui ne retenait pas l’attention du spectateur devait être coupé, faute de quoi l’artiste mourait de faim, a évolué vers une formule forte et durable : un spectacle vivant où la participation du public est sollicitée. L’avènement d’une mentalité « politiquement correcte » a conduit certains artistes à amender les shows en réduisant la farce bouffonne et excluant la pendaison habituelle. D’autres ont résisté considérant cette évolution comme une trahison par rapport à la tradition.

Le spectacle de Punch et Judy reste associé aux fêtes de plein air et aux réunions d’enfants pour lesquelles il peut être commandé. Il y avait, en 2012, une centaine de femmes et d’hommes qui le faisaient vivre. L’avenir est, littéralement, entre leurs mains, tant qu’ils possèdent l’esprit, l’habileté et la ténacité qu’exige Punch.

(Voir Grande-Bretagne, Percy Press I, Percy Press II, Pratique, Punch and Judy College of Professors, Punch and Judy Fellowship.)

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