La République du Salvador (en espagnol, República de El Salvador), en Amérique centrale est bordée par le Guatemala, Honduras et l’océan Pacifique. Avant l’exploration européenne et la colonisation espagnole des Amériques, au début du 16e siècle, le Salvador était habité par plusieurs nations mésoaméricaines raffinées, essentiellement les Cuzcatlecs, les Lencas et les Mayas. Le Salvador proclama son indépendance de l’Espagne en 1821 (voir Amérique Latine).

Comme en témoignent certains passages du Popol Vuh ou Livre du conseil, la « bible maya » exhumée au Guatemala au XVIIIe siècle, il est vraisemblable que des premiers pantins animés ont été utilisés au cours de cérémonies magiques et religieuses par les peuples amérindiens. En outre, le Museo Nacional de Antropología Dr. David J. Guzmán (MUNA, Musée national d’Antropologie David Joaquín Guzmán), dans la capitale, San Salvador, abrite dans sa salle dédiée à l’art préclassique une collection de marionnettes articulées découvertes au cours de fouilles faites dans la région de la Finca Bolinas dans les environs de Chalchuapa, dans la province de Santa Ana.

Au Salvador, pays de forte imprégnation catholique, le syncrétisme entre les coutumes locales et les traditions culturelles d’origine espagnole s’exprime notamment dans la figure de l’« Enfant perdu » (Jésus, qui se tient à l’arrière du temple à Jérusalem, recherché par Joseph et Marie, croyant qu’il est perdu Luc 2, 41-50). Cette histoire était jouée avec des « bultos », une expression populaire évoquant des images tridimensionnelles taillées dans le bois; dans les spectacles, elles représentaient Marie, Joseph et l’Enfant Jésus; elles alternaient avec des acteurs humains récitaient des perras, sortes de contes ou présages.

On exhibait ces figurines  à l’occasion de pastourelles ou au cours des fêtes traditionnelles du Levant (les célèbres moros y cristianos). À Noël, les représentations de la Nativité avec des marionnettes sont également fréquentes.

Le journal Vereda rapporte que, parmi la population locale, se trouvait un homme nommé Don Chico Rugama originaire de Berlin et installé dans le sud du Salvador; il était connu pour avoir présenté une Nativité à l’aide de marionnettes durant la période chrétienne, voici approximativement quarante ans. Dans ce journal, un autre article sur les marionnettes évoque un Don César qui était marionnettiste à Sensuntepque dans le département de Cabañas, au Salvador, durant les années cinquante. Parmi ses personnages on trouvait le diable et « oncle Zope ».

Le marionnettiste José Oscar Miguel Escobar était associé à un théâtre de marionnettes appelé Alma Salvadoreña (L’Âme du Salvador) qui présentait des histoires incluant le diable, l’ivrogne, le prêtre, le policier…Les manipulateurs, cachés derrière un drap noir, utilisaient un pratique qu’ils avaient confectionné avec une feuille d’arbre; cet instrument rudimentaire ajoutait de l’humour dans le timbre de la voix de la marionnette. Cette compagnie parcourait tout le pays, allant de foire en foire.

Entrainement, marionnettistes et compagnies

Le rôle de l’école dans la transmission de la tradition des marionnettes fut important, notamment grâce aux cours et ateliers de l’Escuela Normal de El Salvador (École normale du Salvador) et par la publication d’études spécialisées : Teatro Mejicano de Muñecos (Théâtre mexicain de Marionnettes) et El Teatro de Títeres en la Escuela (Le Théâtre de Marionnettes à l’École). Des troupes se mirent à adapter des fables tirées de Los animales hablan (Les Animaux parlent) du poète et écrivain argentin Alvaro Yunque. Dans les années soixante, on constata un intérêt croissant pour l’art de la marionnette avec la création de petits théâtres et avec la multiplication des représentations dans les quartiers et les écoles du pays. En 1964, le Teatro Nacional de San Salvador (Théâtre national de San Salvador) accueillit ainsi la compagnie sicilienne des Pupi lors de leur première tournée dans le pays.

Dans les années soixante-dix, d’autres expériences virent le jour, dont celle du Teatro de la Ranita de Roberto Franco, diplômé du Centre national des Arts, qui, après avoir découvert le Piccolo Teatro de Paco Campos, fonda le Teatro Guiñol Universitario (Théâtre Guignol universitaire). Présents au Salvador à la même époque, le marionnettiste argentin Sergio Kristiensen et son Pequeño Molino (Petit Moulin) contribuèrent également à la diffusion et à l’enseignement de l’art de la marionnette dans le pays.

En outre, ce travail de diffusion fut accompli au début des années quatre-vingt auprès des communautés marginalisées par la Secretaría de Extensión Universitaria. Parmi les œuvres représentées dans ces années par le Pequeño Molino, on peut mentionner El pícaro burlado (Le Coquin trompé) de Javier Villafañe et Mariluna y el Pirata (Mariluna et le Pirate). De même la compagnie Bululú organisa des cours et des ateliers avec la collaboration de l’Universidad Centroamericana José Simeón Cañas (Université centraméricaine José Simeón Cañas).

En 1980, fut fondé l’Ocelot Teatro sous la direction de Jorge Amaya et dont le travail le plus remarquable fut l’adaptation, pour le théâtre d’ombres, du Popol Vuh. Dans le même esprit de redécouverte des racines indigènes, la troupe présenta Somos maiz (Nous sommes du Maïs).

En 1983, l’Asociación Salvadoreña de Trabajadores del Arte y la Cultura (ASTAC) (Association salvadorienne des Travailleurs de l’Art et de la Culture) était fondée par quatorze collectifs (théâtres, compagnies), parmi lesquels cinq travaillaient exclusivement (Cipitín, Pequebú et Los Ruiseñores) ou partiellement (Bululú, Calabaza) avec des marionnettes.

À la mort de son ami Roberto Franco, le marionnettiste Narciso de la Cruz, dit « Chicho », poursuivit l’œuvre du maitre, parcourant les villages avec ses marionnettes, contes et perras.

Le théâtre de marionnettes au Salvador peut paraitre humble, mais il surprend également par sa créativité. Des marionnettistes autodidactes surgissent et survivent en rassemblant, autour de leurs contes, les enfants des communautés et en montrant leurs œuvres de manière sporadique, preuve qu’ils gardent la foi en leur art. Parmi eux, mentionnons Eduardo Saravia, Óscar Flores, Francisco Ramos, Juan Paredes, Alejandro Jovel, Rolando González, Jorge Gámez, Mariano Espinoza. Enfin, José Amaya, élève de Roberto Franco et compagnon de « Chicho » est revenu au pays après avoir parcouru l’Amérique et l’Europe.

En 1994 fut inauguré à San Salvador le Centro de Documentación Teatral (Centre de Documentation théâtrale) qui rassemble une importante collection de masques originaux de cette région.

Bibliographie

  • “Apuntes sobre el teatro de muñecos. Su desarrollo histórico y orientaciones alternativas en El Salvador”. Revista oficial de la Asociación Salvadoreña de Trabajadores del Arte y la Cultura (ASTAC). San Salvador, 1991.
  • Haberland, Wolfgang. “Notas adicionales sobre figurillas articuladas”. Vereda. San Salvador: ASTAC, 1991.
  • Teatro de muñecos en Hispanoamérica. Bilbao: Centro de documentación de títeres de Bilbao/Centro de documentación teatral, 1990 (rpt. 1995, 2001).