Marionnettes du Tibet, à manipulation en élévation. Les spectacles de marionnettes en beurre faisaient partie des rites lamaïques du Tibet durant les fêtes saisonnières ; ils ont disparu après 1959 par la volonté des autorités chinoises. Outre des textes tibétains, deux témoignages de voyageurs, l’un du missionnaire lazariste français, Régis Évariste Huc, datant de 1846, décrivant une fête dans la lamaserie de Kounboum, l’autre de l’ethnographe allemand Ernst Schäfer, membre d’une expédition nazie en 1938, attestent cette pratique et l’enracinement de cette tradition très répandue.

Le répertoire de ces spectacles comprenait des pièces cultuelles (Schäfer mentionne une pièce appelée L’Oracle) avec des personnages représentant des prêtres et peut-être des dieux, sous forme de figurines miniatures sculptées dans du beurre gelé. En dépit de leur petite taille (environ 30 centimètres) et d’une technique rudimentaire, certaines marionnettes étaient articulées grâce à des ficelles et pouvaient faire des gestes, souvent symboliques. L’esthétique et le mode de fabrication n’étaient pas très éloignés de ceux, mieux connus, des bas-reliefs et des sculptures en beurre (les torma) que l’on peut encore voir aujourd’hui. La base de ces marionnettes était probablement faite de cuir ou de bois. Le beurre y était collé puis peint avec les cinq couleurs traditionnelles du lamaïsme tibétain. Les figurines, finement sculptées et habillées, étaient fixées, gelées, dans des postures vivantes. La scène représentait une maison chinoise ou une yourte de nomade fabriquée avec du cuir tendu et peint, recouvert de beurre. Les spectacles étaient éclairés par des bougies qui leur apportaient avec leur lumière ondoyante un certain mouvement. Des musiciens y participaient avec des instruments comme des cymbales ou des cloches. Les montreurs se tenaient sous la scène, cachés derrière un écran, et manipulaient par en dessous leurs petites [marionnettes à tiges]. Les marionnettistes, tout comme les artisans, étaient des moines.

Selon l’universitaire russe Inna Solomonik, les spectacles de marionnettes en beurre étaient de ceux qui étaient présentés une fois par an devant les temples dans un grand rite sacrificiel et religieux à l’issue duquel les marionnettes étaient détruites. Les figurines étaient alors fondues et le beurre restant pouvait être employé comme remède. Solomonik suggère aussi des analogies entre certains de ces spectacles et différentes formes de [Nativité] en Europe comme la [szopka] polonaise, le [vertep] ukrainien ou la betleïka biélorusse.

Bibliographie

  • Huc, Régis Évariste. Souvenir d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844, 1845 et 1846. Vol. II. Paris, 1850.
  • Norbu, Jamyang. “The Happy Light Bioscope Theatre & Other Stories (Part I)”. Phayul Online. http://www.phayul.com/News/Article.Aspx?Id=26605&T=1. 12 Feb. 2010.
  • Schäfer, Ernst. Fest der weissen Schleie. Munich, 1954.
  • Solomonik, Inna Naoumovna. “Tibetskii teatr maslyannyh kukol” [Le Théâtre de marionnettes en beurre tibétain]. Sovetskaya Etnografia. No. 4, 1991. Repris dans Inna Naoumovna Solomonik. Traditsionnyi teatr kukol Vostoka: Osnovnye vidy teatra ob’omnyh form [Le Théâtre de marionnettes traditionnel de l’Orient…]. Moscou: Nauka, 1992, pp. 208-220.