La recherche dans le domaine des marionnettes revêt des formes multiples : le point de vue des historiens et des spécialistes du théâtre n’est pas celui des anthropologues ou des ethnologues. Initialement, l’information était donnée par des amateurs, mémorialistes ou voyageurs, spectateurs occasionnels de spectacles de marionnettes. Une autre source d’information sur l’art de la marionnette pratiquée à différentes époques est offerte par des textes de moralistes et de poètes du passé qui se servaient des thèmes de la marionnette ou des ombres comme métaphore de la soumission de l’homme au destin ou aux dieux manipulateurs des mortels. Dès le IIe siècle av. J.-C., le Natyasastra, un traité indien sur le théâtre, fit une place à la marionnette et l’on peut noter à cet égard que les savants indiens se sont souvent intéressés à cet art. Au cours du Moyen Âge et la Renaissance, il existe quelques témoignages, comme l’Hortus deliciarum de la prieure Herrade de Landsberg (XIIe siècle) ou d’autres, provenant notamment d’auters dramatiques et satiriques, signalés plus tard par  l’historien Francesco Saverio Quadrio (Della storia e della ragione d’ogni poesia Histoire et raison de toute poésie 1744). Au début du XVIIIe siècle, avec la naissance du journalisme, la critique des spectacles de marionnettes débuta, notamment dans le Spectator britannique. Au XIXe siècle, des folkloristes et des ethnographes commencèrent à recueillir des documents, à décrire les spectacles et à publier des dialogues, s’intéressant plus particulièrement aux figures de Don Juan, de Faust (en Allemagne) de Punch et Judy (en Grande-Bretagne) ou au thème de la Nativité exprimé par exemple dans la szopka en Pologne et dans le vertep en Ukraine.

L’Europe

La première histoire des marionnettes, publiée en 1852, est l’œuvre de Charles Magnin (Histoire des marionnettes en Europe depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, nouvelle édition en 1862, réimprimée en 1982) qui proposa une nouvelle approche savante du sujet. Après avoir rassemblé un vaste corpus de faits, Magnin en donna une interprétation cohérente. Il établit certains parallèles entre l’histoire des marionnettes et celle du théâtre, distinguant trois phases : hiératique (religieuse), aristocratique et populaire, et il divisa l’ensemble en chapitres consacrés chacun à un ou plusieurs pays. En 1856, fut publié Zur Geschichte des Puppenspiels und der Automaten (Pour une histoire des marionnettes et des automates) de Grässe, partie d’un ouvrage plus général, Die Wissenschaften im neunzehnten Jahrhundert, ihr Standpunkt und die Resultate ihrer Forschungen (Les Connaissances au XIXe siècle, leur état présent et les résultats des recherches les concernant). Comme chez Magnin, la place qu’y occupait l’histoire de la marionnette jetait les bases de la recherche européenne. L’œuvre de Grässe attestait la valeur culturelle de la marionnette et son intérêt comme sujet de recherche.

La situation, toutefois, était paradoxale : n’ayant pas été l’objet de travaux préparatoires, les premières histoires étaient dépourvues de base scientifique. S’il est vrai que Magnin fut particulièrement attentif aux sources littéraires, on ne peut en dire autant de ses successeurs, que la publication de son ouvrage pionnier encouragea pourtant à se pencher sur ce phénomène récemment reconnu. Ce fut le cas, dès la fin du XIXe siècle, de nombreux praticiens ou de leurs amis cultivés, qui par des manifestes, des traités ou des plaidoyers, prirent fait et cause pour la marionnette, comme le fit George Sand avec son fils Maurice Sand. En France, les témoignages de première main devinrent plus nombreux, grâce à des critiques professionnels, comme Anatole France ou Jules Lemaître, qui assistaient à la plupart des spectacles de « marionnettes artistiques ». À la faveur du modernisme, l’avènement de la marionnette en tant qu’« acteur idéal » n’échappa pas à plusieurs auteurs, parmi lesquels Edward Gordon Craig, qui fit entrer le spectacle de marionnettes dans sa revue The Mask.

Quelques universitaires adoptèrent un point de vue scientifique sur la marionnette. Richard Pischel intitula Die Heimat von Puppenspiel (La Patrie de la marionnette) sa leçon inaugurale à l’université de Halle, en 1900. Il y établissait, au terme d’une analyse linguistique, que l’Inde était le berceau des figures animées. Cette thèse poussa les spécialistes d’Europe et d’ailleurs à approfondir les recherches sur le lieu d’origine des marionnettes, comme en témoigna encore, en 1952, l’étude de Sun Kaidi, Des origines du théâtre des marionnettes (voir Origine des marionnettes). D’autres concentrèrent leur attention sur des sujets plus précis, comme Tancrède de Visan sur le Guignol lyonnais, Johannes Rabe sur le Kasperl hambourgeois ou Carl Niessen sur le théâtre de marionnettes de la région de Cologne (Das rheinische Puppenspiel. Ein theatergeschichtlicher Beitrag zur Volkskunde La Marionnette rhénane. Contribution dramatique et historique à la culture populaire, 1928). La tendance à étudier un pays spécifique ou une région particulière s’était déjà manifestée, notamment dans l’œuvre de Wladimir Perets sur la marionnette russe (Kukolniy teatr na Rusi Le Théâtre de marionnettes russe et ruthène, 1896). Tout comme Niessen, Perets était un auteur d’une grande exigence scientifique, mais c’est à Philipp Leibrecht qu’on doit, en 1919, un renouveau des études historiques avec Zeugnisse und Nachweise zur Geschichte des Puppenspiels in Deutschland (Documents et témoignages pour une histoire de la marionnette en Allemagne). En effet, Leibrecht réunit toutes sortes de faits, recueillis non seulement dans la littérature ou la presse, mais aussi dans les minutes des tribunaux, dans les procès-verbaux de conseils municipaux et dans les rapports de police. Ce travail novateur sur les archives fut poursuivi par Hans Richard Purschke et par de nombreux auteurs jusqu’à nos jours. Le plus récent travail (1994) dans cette voie est dû, en Russie, à Boris Goldovski (Letopis teatra koukol v Rossii XV-XVIII vekov Chronique du théâtre de marionnettes en Russie aux XVe-XVIIIe siècles) et à Anatoli Koulich (Letopis teatra kukol v Rossii XIX veka (1800-1874) Chronique du théâtre de marionnettes en Russie au XIXe siècle), travail rendu possible grâce à l’ouverture des archives après la fin du régime communiste (voir Russie).

Depuis le XIXe siècle, d’autres savants ont étudié des domaines spécialisés, comme les différents genres du théâtre de marionnettes, les personnages récurrents ou même une compagnie précise. Ainsi ont été étudiés de manière approfondie les pupi siciliens (par Antonio Pasqualino), la szopka polonaise et le vertep ukrainien.

Quant au deuxième groupe de recherches, consacrées aux personnages populaires tels que Polichinelle, Petrouchka, Punch et Judy, Guignol de nombreux spécialistes ont proposé de réunir en un seul ouvrage l’étude de ces représentants nationaux, y compris dans leur parenté avec les personnages extra-européens,  mais ce projet est resté dans les limbes. Une autre approche est l’étude de figures archétypales, comme Faust et Don Juan en Europe ou de certains personnages des mythologies asiatiques, qu’illustrent les travaux de Jiwan Pani sur le Hanuman indien ou de Jo Humphrey sur le Roi des singes chinois.

Le troisième groupe (monographies sur les théâtres, les compagnies et les artistes) constitue une abondante documentation pour l’historien. S’y sont distingués plusieurs institutions parmi lesquelles le musée de Munich, Puppentheatermuseum im Münchner Stadtmuseum – avec sa section consacrée aux marionnettes et la publication de catalogues contenant une information précieuse sur les grands marionnettistes – ou l’Institut du théâtre de marionnettes à Bochum, qui publie la série Meister des Puppenspiels (Maîtres de la marionnette). Par ailleurs, les théâtres Obraztsov à Moscou, Ţăndărică à Bucarest et Toone à Bruxelles ont également publié des monographies spécialisées.

Toute cette documentation, en rapport avec des travaux plus généraux, a beaucoup aidé les historiens à interpréter le matériel collecté. Certains d’entre eux ont entièrement repris la recherche à la base, comme George Speaight avec son History of the English Puppet Theatre (Histoire du théâtre de marionnettes anglais, 1955) ou comme John Earl Varey avec son Historia de los Títeres en España (Histoire des marionnettes en Espagne, 1957). De nombreux travaux analogues ont été publiés en Bulgarie, en ex-Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Suisse et en Russie. Il faut remarquer que certains pays, comme l’Allemagne et l’Italie, où existe pourtant une abondante littérature (monographies sur les théâtres, les compagnies, les pratiques régionales), ne se sont pas donné d’histoire nationale des marionnettes – à l’exception du Puppen und Puppenspiele (Poupées et marionnettes, 1929) de Max von Boehn, ouvrage important dans la mesure où il considère tous les simulacres inanimés en les distinguant de la marionnette et de sa fonction théâtrale.

Certains auteurs ont englobé plusieurs continents dans leurs études historiques, comme Jacques Chesnais (Histoire générale des marionnettes, 1947), mais au prix de nombreuses omissions, puisque seule une partie limitée de la documentation existante (principalement les sources françaises et anglaises) était prise en considération. La petite Histoire des marionnettes (1959) de Gaston Baty et René Chavance s’attache quant à elle au domaine européen. Les deux auteurs exposaient l’origine des marionnettes, qu’ils voyaient dans les figurations rituelles de l’Égypte ancienne. Ils portaient une égale attention aussi bien aux formes comiques et populaires qu’aux expressions dites « artistiques ». Le travail de Henryk Jurkowski (trois volumes publiés en Pologne entre 1970 et 1984, suivis d’un traité en deux volumes, en anglais en 1996 et 1998), intitulé A History of European Puppetry, réunissant une grande quantité d’informations historiques et essayant de rattacher ces éléments à l’histoire culturelle des différents pays, a contribué à donner une nouvelle impulsion aux études sur la marionnette en Europe. Une partie du sujet a été renouvelée en 1998 par John McCormick et Bernie Pratasik avec leur Popular Puppet Theatre in Europe, 1800-1914 (Cambridge University Press). On assiste depuis une décennie à un regain d’intérêt pour la marionnette de la part de chercheurs universitaires. En Italie, depuis 2001, l’Instituto per i bieni marionettistici e il teatro popolare, fondé á Turin par Alfonso Cipolla et Giovanni Moretti, se consacre à la sauvegarde du patrimoine de la marionnette et du théâtre populaire à travers la recherche et l’édition. Parmi les publications de l’Institut : A. Cipolla et G. Moretti, Gianduja, una riscoperta in corso, 2001, Commedianti figurati, recueil de témoignages de voyageurs sur le théâtre de marionnettes italiennes, 2003 et Genoveffa di Brabante. Dalla tradizione popolare a Erik Satie, 2004. On signale aussi l’activité de recherche et d’édition de l’Associazione Peppino Sarina qui, depuis 1995, décerne un prix (Premio Dottor Burattino) à une thèse sur la marionnette.

Depuis 2004, l’Université d’Évora (Portugal) développe un projet de recherche sur les Bonecos de Santo Aleixo en collaboration avec le Centre Dramàtico de Évora.

L’Amérique

La recherche historique en Amérique a commencé par une large synthèse, embrassant les parties nord et sud du continent. On la doit à Paul McPharlin (The Puppet Theatre in America. A History. 1524-1948, 1949). Le travail de McPharlin, lui-même marionnettiste, est presque une exception aux États-Unis, où de nombreuses publications s’attachent aux aspects techniques de la marionnette (les méthodes de fabrication notamment). Parmi les rares études historiques, il faut mentionner celle de Marjorie Batchelder McPharlin (épouse du précédent) : Rod Puppets and the Human Theatre (Marionnettes à tiges et théâtre d’acteurs, 1947). L’ouvrage suit une chronologie spécifiquement américaine, de l’art précolombien de la marionnette à l’importation des genres européens et asiatiques pratiqués par les marionnettistes immigrés ou de passage au cours de leurs tournées. Y est abordé également le renouveau de cet art aux États-Unis sous l’influence des Européens (avec l’apport d’Edward Gordon Craig notamment) mais également, à partir des années vingt, à travers l’affirmation de formes propres et de traits culturels spécifiques.

Une contribution majeure à la recherche historique a été apportée par le Dr. John Bell avec ses ouvrages : Strings, Hands, Shadows : A Modern Puppet History (2000) qui documente la Collection de marionnettes Mc Pharlin au Detroit Institute of Arts et
American Puppet Modernism (2008), une étude historique et théorique d’enseignement général. John Bell est directeur du Ballard Institute and Museum of Puppetry de l’Université du Connecticut. Puppetry : A World History (2005) par Eileen Blumenthal offre une vue d’ensemble de la situation de la marionnette à l’échelle internationale au début du XXe siècle. Pinocchio’s Progeny (1995) par Harold B. Segel est un texte théorique important. American Puppetry : Collections, History, Performance (2004) édité par Phyllis Dirks aide les étudiants à situer les collections de marionnettes dans les divers musées et bibliotèques. Des diplômés en recherche ont produit les bibliographies de Tony Sarg, Sue Hastings et Paul MacPharlin. Des étudiants états-uniens ont contribués, par leurs travaux, à la connaissance de formes traditionnelles de marionnettes à travers le monde, parmi eux, Mel Helstein, James Bandon, Kathy Foley pour l’Asie et Mary Jo Arnoldo pour l’Afrique. D’excellents volumes ont documenté le travail d’artistes individuels, comme Jim Henson, Julie Taymor, incluant l’étude riche et détaillée The Bread and Puppet par Stefan Brecht.

Au Canada, Micheline Legendre publie Marionnettes, art et tradition (1986) retraçant l’histoire de la marionnette au Québec et le Musée canadien des Civilisations documente l’imposante Collection de l’Ontario Puppetry Association dont elle hérite en 1994.

L’Amérique latine fait également l’objet de recherches, par exemple autour du Museo Nacional del Títere – Huamantla (Tlaxcala), au Mexique ou, au Brésil, avec les travaux des chercheurs, sous la direction de Valmor Beltrame de l’Université de l’État de Santa Catarina (revue Móin-Móin, depuis 2005), et ceux de Magda Modesto, Humberto Braga, d’Izabela Brochafo et Fernando Augusto Gonçalves dos Santos sur le mamulengo. Ana Maria Amaral a conduit des études poussées sur les masques et Susanita Freire sur l’histoire de la marionnette. En Argentine, Pablo Medina a écrit sur la vie et l’œuvre de Javier Villafañe.

Des recherches sur l’histoire des marionnettes de leur pays ont aussi été réalisées au Pérou par Felipe Rivas Mendo et Vicky de Aramayo, en Uruguay par Miguel Cherro et Blanca Loureiro et Tito Martinez, à Cuba par Freddy Artiles, au Chili par Enrique et Hugo Cerda et Ana María Allendes qui s’est interessée aux marionnettes précolombiennes et a supervisé les travaux de l’Encyclopédie. Au Mexique, Alejandro Jara, Alberto Mejía Barón se sont interessés à l’œuvre complète du maître Roberto Lago. Au cours des années deux mille, César Tavera et Elvia Mante ont publié plusiers articles à teneur historique dans la revue Teokikixtli, Lourdes Pérez Gay et Lucio Espindola ont inscrit, à l’intérieur du festival Titerias, des colloques sur différents aspects de l’histoire de la marionnette et le Conaculta (Consejo Nacional para la Cultura y las Artes) a produit en 2006 un CD sur la marionnette et les cultures indigènes.

L’Afrique

La première présentation synthétique de l’art africain de la marionnette est celle d’Olenka Darkowska-Nidzgorski, Théâtre populaire de marionnettes en Afrique noire (1976), où le matériel est organisé par fonctions (rituelle, magique, de divertissement) selon leur évolution historique et leur lieu géographique. Par la suite, dans un ouvrage écrit avec Denis Nidzgorski, Le Chant de l’oiseau. Théâtre de marionnettes. Racines africaines (1998), elle a proposé une interprétation subtile des différents types de marionnettes et de sculptures rituelles en tant que phénomènes culturels.

L’Asie

Études d’ensemble

En dépit de l’existence de nombreux objets et d’informations sur les marionnettes en Chine, en Inde et au Japon, ce n’est qu’à partir du XXe siècle que l’on put disposer d’études générales sur l’art de la marionnette asiatique dans son ensemble. Parmi les premiers écrits chinois dans ce domaine, on disposait certes du Song Yuan Xiqusi (Histoire du théâtre à l’époque des dynasties Song et Yuan, 1924) de Wang Kuwei ou du Dongjing Menghualu (Souvenirs de la capitale de l’Est) de Meng Yuanlao, où l’on peut trouver des descriptions de marionnettes à fils, à tiges, sur eau, de spectacles mêlant acteurs et marionnettes ainsi que des portraits de marionnettistes célèbres. Mais la première tentative dans ce domaine est sans doute celle du Japonais Ozawa Yoshikuni. Comme son titre l’indique, l’ouvrage Daitoua Kyoei-kenno Ningyôugeki (Le Théâtre de marionnettes dans la sphère de co-prospérité de la grande Asie de l’Est, Tokyo, 1943), témoigne de la volonté de cet auteur de comprendre les cultures des sociétés à l’époque sous la domination du Japon. Outre le théâtre d’ombres coréen, le wayang kulit de Java et le théâtre d’ombres thaïlandais, cet ouvrage présente aussi les marionnettes à fils indiennes, le karagöz de Turquie ainsi que le pahlavan kachal d’Iran. Cet ouvrage reste cependant une collection d’articles et n’est pas fondé sur un travail de terrain.

Il faut également mentionner le premier essai général d’Otto Spies : Türkisches Puppentheater. Versuch einer Geschichte des Puppentheaters im Morgenland (Théâtre de marionnettes turc. Essai d’histoire du théâtre de marionnettes en Orient, 1959) qui passe en revue les anciens usages de la marionnette chez les Perses, les Arabes, les Turcs d’Asie centrale, en relation avec l’Inde, l’Indonésie, la Chine, le Japon, la Corée et la Mongolie, et présente certains éléments linguistiques de la terminologie. Cependant, l’information sur la pratique concrète du théâtre y est limitée à l’essentiel.

Un exposé beaucoup plus riche est présenté par Jayadeva Tilakasiri dans The Puppet Theatre in Asia (Le Théâtre de marionnettes en Asie, 1968), bien que les seuls domaines étudiés soient l’Inde, l’Asie du Sud-Est et le Japon. L’auteur y traite, notamment, de l’origine du théâtre d’ombres et des marionnettes en relation avec le théâtre d’acteurs, et de l’influence des grandes épopées indiennes, le Râmâyana et le Mâhâbharata, sur tout cet espace (à l’exclusion du Japon).

On doit à Jan Malík un travail exceptionnel par ses dimensions et son importance, Kapitoly z dějin loutkářských kultur (Chapitres de l’histoire des cultures à marionnettes, 1983), qui se proposait, en vingt chapitres, de faire le tour du domaine concernant l’Asie. Méthodologiquement, les marionnettes sont étudiées selon un classement topologique dans leur contexte géographique et culturel, mais reste malheureusement inachevé et donc limité à l’Inde et au Sud-Est asiatique.

L’ouvrage le plus complet et le mieux documenté est Traditsionniy teatr koukol vostoka (Théâtre de marionnettes traditionnel d’Orient, 1992) d’Inna Solomonik. L’auteur ne retient que les marionnettes en trois dimensions, présentées selon leur technique de manipulation (à gaine, à tiges, à fils et types particuliers) utilisées notamment en Inde, en Iran, en Chine, en Thaïlande, en Indonésie et en Birmanie. Parmi les types particuliers, une place est faite aux marionnettes en beurre du Tibet, aux marionnettes commémoratives d’Iran, au ningyô-jôruri du Japon (voir Bunraku) et aux marionnettes sur eau du Vietnam. Bien que les influences mutuelles entre marionnettes orientales et occidentales soient évoquées, l’ouvrage reste sommaire sur les pratiques contemporaines en Asie.

Plus récemment, Jiryo Miyao, avec Ajiano ningyôugeki (Le Théâtre de marionnettes en Asie, 1984) consacré principalement au Sud-Est asiatique et soutenu par une abondante documentation, a tenté de renouveler le sujet. Y sont abordés les marionnettes à gaine et à fils de Taïwan, les marionnettes à fils quanzhou de Hongkong, le nang yai et le nang talung de Thaïlande, le nang sbek du Cambodge, le wayang kulit purwa d’Indonésie, les marionnettes sur eau du Vietnam, le wayang siam de Malaysia ou encore les marionnettes à fils et les ombres en Inde, ces différents genres étant étudiés sur le plan historique, de l’organisation théâtrale, celui des techniques de manipulation ainsi que d’un point de vue économique ou littéraire. Jiryo Miyao a publié également Ajia ningyô hakubutsukan (Le Musée de la marionnette d’Asie, 1994) qui décrit l’introduction des marionnettes dans les pays asiatiques, les relations entre l’homme, la marionnette et la vie sociale en Asie avec de nombreuses illustrations et photographies, réalisant, à sa manière, son rêve de créer un musée de la marionnette asiatique.

Sur le théâtre d’ombres

Il est remarquable que de nombreux chercheurs se soient tournés vers le théâtre d’ombres, mais le fait n’est pas surprenant si l’on pense à la grande popularité du genre en Asie. Le premier spécialiste qui ait entrepris une histoire interculturelle du théâtre d’ombres fut l’Allemand Georg Jacob qui, en 1925, donna sa Geschichte des Schattenspiels im Morgen- und Abendland (Histoire du théâtre d’ombres en Orient et en Occident). Mentionnons également Das Chinesiche Schattentheater (Le Théâtre d’ombres chinois, Bonn, 1933) de Jacob et Jensen, Chinese Shadow Shows (Le Théâtre d’ombres chinois, 1938) de Genevieve Wimsatt, Chinese Shadow-Figure Plays and Their Making (Les Ombres chinoises et leur fabrication, 1938) de Benjamin March, sans oublier l’ouvrage de Sergueï Obraztsov, Le Théâtre chinois (1961). Plusieurs auteurs chinois, notamment Guan Junzhi et Jiang Yuxiang, ont traité du même sujet, ainsi que d’autres chercheurs européens, comme Friedrich Seltmann, auteur d’une série de monographies sur le théâtre d’ombres des États du Mysore, de l’Andhra Pradesh, du Kerala et de l’Orissa, en Inde.

Sur les marionnettes en Chine

En Chine, il semble que le théâtre de marionnettes ait existé dès la période de la dynastie Han (206 av. J.-C. – 8 apr. J.-C). On dispose d’intéressants documents sur les marionnettes entre le Xe et le XVe siècle dans Song Yuan Xiqusi (L’Histoire du théâtre sous les dynasties Song et Yuan, 1924). Parmi ces premiers travaux, on peut également citer Zhongguo kueileiji kao (Une étude du théâtre de marionnettes chinois, 1934) de Tong Jing-xin, Chugoku ningyosi kenkyu oboegaki (Notes sur l’histoire de la marionnette chinoise) du Japonais Nakayama Hachiro – qui montre notamment le rôle joué par cet art à la cour – ainsi que le texte qui est à sa base, Kue-leixi kaoyuen (Étude sur le théâtre de marionnettes, Shanghai, 1944) de Sun Jiedi. Enfin, un ouvrage de Jacques Pimpaneau présente un panorama complet des théâtres chinois de marionnettes et d’ombres, et explore également les fonctions rituelles, culturelles et sociales de cet art : Des poupées à l’ombre. Le Théâtre d’ombres et de poupées en Chine (1977).

Sur les marionnettes au Japon et dans les pays voisins

Au Japon, la recherche a été centrée sur le ningyô-jôruri plus connu sous le nom de bunraku qui a fait l’objet de très nombreuses recherches aux points de vue très variés. Outre Bunraku no kenkyu (Étude sur le bunraku, 1930) un ouvrage historique de Miyake Shutaro, il existe des études sur la dramaturgie ou des monographies (Bungoro geidan, 1943, sur le marionnettiste Yoshida Bungorô) mais l’ouvrage le plus important sur le théâtre de marionnettes japonais reste celui de Tsunoda Ichiro, Ningyôugeki no seiritsu nikansuru kemkuyu (Étude sur la naissance et le développement du théâtre de marionnettes, 1963) qui se réfère notamment à l’étude terminologique du terme kailai (signifiant marionnette dans les écrits chinois) et aborde les multiples aspects du bunraku sur plus de mille pages. Il faut aussi mentionner l’ouvrage de Donald Keene (Bunraku, the Art of the Japanese Puppet Theatre Bunraku, l’art des marionnettes japonais, 1965) ainsi que l’apport de Hama Kazue, un spécialiste de littérature chinoise qui s’est intéressé dans Nihon geinoushi no kenkyu (Étude historique des arts du spectacle au Japon, 1968) au théâtre chinois dans ses relations historiques avec celui du Japon. Par ailleurs, Kawajiri Taiji nous apporte le témoignage personnel d’un marionnettiste moderne et une étude comparative des marionnettes japonaises dans Ningyôugeki noto (Notes sur les marionnettes, 1968) mais les ouvrages sur l’art de la marionnette contemporain, influencé par le théâtre européen, sont rares. De Jacques Pimpaneau, un important ouvrage, comparable à son livre sur la Chine : Fantômes manipulés. Le Théâtre de poupées au Japon (1978).

Par ailleurs, lorsque l’influence du Japon s’étendit à presque toute l’Asie à partir de la première moitié du XIXe siècle, des chercheurs japonais, dans le but de connaître les pays conquis (et d’en contrôler aussi les mentalités) rassemblèrent de nombreux documents, divulguant des coutumes et des cultures très mal connues. Furent ainsi publiés en japonais Chosen ningyôsibai (Pièces de théâtre de marionnettes coréen, 1929) de Song Suck-ha, Chosen ningyôgeki (Le Théâtre de marionnettes coréen, 1931), Shina no kagee (Le Théâtre d’ombres en Chine, 1939) de Nakamura Heihachiro. Sina kagee (Le Théâtre d’ombres chinois, 1939), de Miyao Shigeo, aborde les aspects rituels, littéraires, ainsi que les fonctions sociales des marionnettes, la question du public et les découvertes archéologiques et documentaires. Plus récemment, sur le théâtre coréen, il faut aussi citer Korean Puppet Theatre : Koktu Kaksi (Théâtre de marionnettes coréen : le kkoktugaksi, 1979) de Oh Kon Cho.

Sur les marionnettes en Inde et dans les pays voisins

Le nombre réduit des publications ne rend pas justice aux riches traditions des marionnettes de l’Inde. Parmi ces études, Various Types of Traditional Puppets of India (Différents types de marionnettes traditionnelles en Inde, 1968) de Meher Contractor, a rassemblé d’importants documents sur les différentes traditions de marionnettes, à tiges, à gaine, à fils et le théâtre d’ombres tandis que l’ouvrage de Kapila Vatsayan (The Ancient and Popular Tradition of Indian Puppettry La tradition ancienne et populaire des marionnettes indiennes, 1980) est important, mais dépasse rarement le niveau des généralités. La même critique pourrait être faite du livre de Jiwan Pani (Living Dolls : Story of Indian Puppets Poupées vivantes : histoire des marionnettes indiennes, 1986) qui effectue malgré tout une bonne synthèse du sujet. Les publications indiennes sont pauvres en développements historiques, donnant l’impression que, dans la culture locale, les marionnettes, art de pauvres ou de paysans, sont tombées dans l’oubli. Certains chercheurs étrangers se sont aussi intéressés au sujet : c’est le cas de Miyao Jiryo qui s’est penché sur la tradition des ombres en Inde du Sud en 1975 dans Minami Indo no kagee sibai, Kerala-shu no Râmâyana geki (Le Théâtre d’ombres en Inde du Sud et le théâtre du Râmâyana au Kérala).

Concernant les pays voisins influencés par la civilisation indienne, on dispose de Puppetry in Ceylon (L’Art de la marionnette à Ceylan, 1961) de Jayadeva Tilakasiri et, pour la Birmanie, outre l’ouvrage de Carl Hagemann Birmesische Marionetten (Marionnettes birmanes, 1921) sur les relations entre la mythologie du Myanmar et la tradition des marionnettes à fils, d’une étude plus récente de Noel Singer, Burmese Puppets (1992).

La Thaïlande présente une tradition encore vivante de théâtre d’ombres (le nang yai et le nang talung) et de marionnettes à tiges (hun kuborok et hun lakhon). Le nang yai est unique en son genre : cette marionnette géante aussi grande qu’un être humain a été étudiée dès 1929 par René Nicolas dans Le Théâtre d’ombres du Siam et le prince Dhaninivat lui-même a publié, en 1954, un petit livre sur ce qu’il considérait comme un important témoignage du patrimoine culturel thaïlandais, une tradition également étudiée par d’autres chercheurs tels F. W. Muller ou Michael Smithies dans The Giant Shadow Play of Thailand (Le Théâtre d’ombres géantes de Thaïlande, 1973). Ce théâtre, en fait apporté du Cambodge après l’installation des Thaïs à Angkor au XVe siècle, est encore présenté aujourd’hui à Wat Kanon, dans la région de Rajburi.

Au Cambodge, le nang sbek est également exceptionnel dans son style et dans le fait qu’il ne met en scène que le Râmâyana. Sur cette tradition, nous disposons de l’étude de Mubin Sheppard (The Khmer Shadow Play and Its Link with Ancient India Le Théâtre d’ombres khmer et ses liens avec l’Inde ancienne, 1968) ainsi que des travaux de Jacques Brunet, dont Nang Sbek : théâtre d’ombres dansé du Cambodge (1969).

En ce qui concerne la Malaisie, Jeanne Cuisinier s’est intéressée au wayang siam pratiqué à la cour de l’État du Kelantan (Le Théâtre d’ombres à Kelantan, 1957), tandis que J. Scott-Kemball est l’auteur d’une recherche comparative des personnages représentés dans cette tradition (The Kelantan Wayang Siam Shadow Puppets, « Rama » and « Hanuman » : A Comparative Study of Their Structure Le Théâtre d’ombres wayang siam javanais, Râma et Hanuman : une étude comparative, 1959) tandis que Amin Sweeney s’est penché sur la transmission orale par les marionnettistes et les conteurs du Râmâyana (The Ramayana and the Malay Shadow Play Le Râmâyana et le théâtre d’ombres malais, 1972) ainsi que sur le rôle des clowns dans le théâtre d’ombres (Pa’dogol and Wa’long : The Evolution of the Comedians in the Malay Shadow Play in Kelantan Pa’dogol and Wa’long : l’évolution des personnages comiques dans le théâtre d’ombres malais à Kelantan, 1965) de Dato Haji Mubin Sheppard.

Le sujet le plus visité reste cependant le wayang indonésien, source d’une abondante littérature inaugurée en 1913 par Buenlinge van Helsdingen dans The Javanese Theatre : Wayang Purwa and Wayang Gedog (Le Théâtre javanais : wayang purwa et wayang gedog, 1913), un travail poursuivi par la suite par W. H. Rassers dans On the Origins of the Javanese Theatre in Panji, the Culture Hero : A Structure Study of Religion in Java (Panji, héros culturel, et les origines du théâtre javanais : une étude structurelle de la religion à Java, 1959) suivis par de nombreux chercheurs néerlandais, américains et indonésiens. Roger Long s’est intéressé au mouvement comme en témoigne son ouvrage Javanese Shadow Theater : Movement and Characterization in Ngyayokarta Wayang Kulit (Le Théâtre d’ombres javanais : mouvement et caractérisation dans le wayang kulit de Ngyayokarta, 1982) et Günter Spitzing a entrepris une étude comparative des wayang de Bali et de Java dans Das Indonesische Schattenspiel : Bali, Jawa, Lombok (Le Théâtre d’ombres indonésien : Bali, Java, Lombok, 1981). Enfin, il faut mentionner le travail de C. P. Epskamp sur le personnage typique de Semar, Semar as Trickster : Wayang as a Multi-classificatory Representation of Javanese Society (Semar le joueur de tours : le wayang comme représentation multiclasse de la société javanaise, 1976). Ceux qui vont sur le terrain découvrent aujourd’hui encore de nouvelles formes, des aspects inconnus de cet art resté apparemment vivace.

Histoire mondiale de la marionnette

Aucune histoire mondiale de la marionnette n’a encore vu le jour. Comment ne pas le comprendre ? Les essais d’histoire mondiale de la littérature ou du théâtre n’ont jamais abouti qu’à des collections de chapitres traitant chacun d’un domaine particulier ou d’une époque donnée. Il en va de même dans le cas de la marionnette.

La parution de cette Encyclopédie mondiale des arts de la marionnette, en septembre 2009, vient jeter un nouvel éclairage sur le sujet et ouvre la voie à une réalisation globale dans le domaine de la recherche historique.