Actuellement, la République Socialiste du Vietnam (SRV ; Cộng hòa Xã hội chủ nghĩa Việt Nam), de son nom officiel, est le pays le plus éloigné à l’est de la péninsule indochinoise, en Asie du Sud-est. Dans le passé, le Vietnam fut de façon intermittente rattaché à d’autres empires ou nations: de la Chine impériale (de 111 à 938) – après que les dynasties royales vietnamiennes successives soient devenues une nation développée géographiquement et politiquement en Asie du Sud-est –, une colonie de la France (1862-1954) puis, durant les vingt-deux années suivantes, un pays divisé entre le nord et le sud, qui fut entraîné dans une intervention militaire qui déboucha sur la Guerre du Vietnam, les États-Unis d’Amerique s’engageant aux côtés du Sud-Vietnam. Le pays fut réunifié en 1976, après la victoire du Nord Vietnam en 1975.
Traditions du théâtre de marionnette du Vietnam
Le nom vietnamien de la marionnette, roi, est lié à celui de localités, de pagodes ou de plans d’eau où les marionnettes sur eau ont été pratiquées. La marionnette est, en outre, associée aux rituels. Ainsi, à Dong An, dans la province de Hai Hung, de grandes figures masculines (Dung) et féminines (Da) en bambou et papier mâché sont promenées dans des processions dansées. La pagode Thay dans la province de Ha Tay renferme une statue articulée du roi Ly Thanh Tong. Des statues-marionnettes sont employées lors de cérémonies funèbres des Bahnar ou d’autres ethnies. L’espace scénique est parfois une composante du temple. Dans la pagode Thay de la province de Thai Binh, une scène pour marionnettes sur eau datant de la dernière période Le (1533-1708) fait face au sanctuaire, sur l’étang Long Tri, et, au tout début du XXIe siècle, des représentations marquaient la fête annuelle du temple.
L’Histoire complète de Dai Viet raconte que, en 1021, on produisit une montagne miniature avec oiseaux et animaux sauvages animés par des marionnettistes. La première mention de la marionnette sur eau (mua roi nuoc), durant la dynastie Ly (1010-1225), est une inscription de la pagode Long Doi Son de Ha Nam datée de 1121. Un spectacle donné pour la naissance du roi y est décrit, avec une tortue qui nage et des fées danseuses – proche donc de ce qu’on pouvait voir encore au début du XXIe siècle. En 1293, durant la dynastie Tran (1225-1400), un dignitaire mentionnait des marionnettes à tiges vues au banquet donné par le roi du Vietnam. Sous le règne des Le (1428-1788), la marionnette resta aux mains des artistes de village et, aux époques suivantes, perdit son statut d’art des temples pour devenir art populaire. Une troupe de Thach Khe fut présentée par le colonisateur français à une exposition coloniale, mais jusque dans les années quatre-vingt, la marionnette fut essentiellement un art du peuple.
Reste que son existence est avérée depuis le XIe siècle au moins, des proto-marionnettes (jouets, marionnettes à vent, marionnettes-pétards et mécaniques), aux marionnettes de scène (sur terre et sur eau). Les secondes sont spécifiques du Vietnam.
Proto-marionnettes
On peut ranger le den keo quan (lampion à figures mobiles) parmi les marionnettes-jouets qui sont, techniquement, des « ombres ». Les danses des quatre animaux sacrés (dragon, licorne, tortue et phénix) sont à la fois des jeux d’enfant et des manifestations spectaculaires qui utilisent des masques et marionnettes corporelles en papier mâché et le tissu. Les figures animées par le vent comme des cerfs-volants, qui revêtent souvent la forme de personnages du théâtre de marionnettes, sont un art non négligeable qui donne lieu à des démonstrations et à des concours. Des figurines de danseuses ou de tambourinaires en bois léger sont également mises en mouvement par le vent.
Les pétards figuratifs, mis à feu à distance, sont largement répandus. Ils consistent en éléments de 40 cm de côté, qui sont accrochés aux pétards. Par exemple, deux lutteurs ou bien des personnages qui pilent le riz. Les formes prennent feu dans une explosion éblouissante activée à distance.
Marionnettes sur terre
Aux marionnettes sur terre appartiennent les figures à gaine, à tiges, à fils, les marionnettes corporelles, et d’ombres.
Les marionnettes à gaine (dont la tête et les mains sont en bois) sont montrées lors de nombreuses fêtes de pagode. Une sorte de sac d’étoffe, auquel sont fixées les mains, sert de corps.
Les marionnettes à tiges sont hautes d’une trentaine de centimètres. Le corps et la tête sont d’une seule pièce et les mains sont tenues aux épaules par des liens. Les tiges, ainsi que le bras du manipulateur, qui actionnent mains et corps sont dissimulées par le costume.
C’est dans la province de Cao Bang qu’on trouve les marionnettes à fils. Les têtes en bois sont attachées à un corps de bambou tressé. Les figures sont animées du haut d’une sorte de pont. Les marionnettes mécaniques (en bois), animées par des tiges et des fils, possèdent des membres articulés. Les spectacles d’ombres, jadis visibles dans la province de Kien Giang, ont complètement disparu.
La marionnette contemporaine s’est développée après la révolution animée par Hô Chi Minh. Celui-ci accueillit en 1956 la troupe Loutkové divadlo Radost, de Tchécoslovaquie, qui pratiquait les marionnettes à gaine et à tiges. Comprenant l’intérêt de cet art pour la diffusion des savoirs, il encouragea les artistes locaux de théâtre populaire cheo à étudier le modèle tchécoslovaque : il en résulta des pièces comme Qui sera le patron ? qui critiquait Diem et le gouvernement du Sud-Vietnam. Le Théâtre national de Marionnettes du Vietnam (aussi appelé Théâtre central), Nhà Hát Múa Rối Quốc Gia Việt Nam, à Hanoï, est né de cette rencontre. C’est lui qui a développé le théâtre sur eau moderne. Le Théâtre Central de Marionnettes fut le fer de lance du théâtre de marionnettes sur eau contemporain dont il a été question. La compagnie a aussi continué à jouer avec toutes sortes de techniques de marionnettes contemporaines, habituellement pour les écoles ou des publics d’enfants : souvent des marionnettes à tiges ou mélangeant marionnettes et théâtre de masques. Le répertoire est constitué de récits traditionnels ou contemporains du monde entier. Nombre des marionnettistes travaillant actuellement ont été formés à l’Université de Théâtre et de Cinéma de Hanoï (Trường Đại học Sân khấu – Điện ảnh Hà Nội), qui enseigne la gaine, le fil, la tige, l’ombre et la marionnette sur eau. Metteurs en scène, manipulateurs, musiciens, plasticiens et autres y sont formés ou bien par les programmes du Théâtre Central/Théâtre National de Marionnettes du Vietnam.
Marionnettes sur eau
À part des mentions sporadiques dans les registres de cour, on sait peu de chose de la marionnette sur eau avant le XXe siècle. Les plus anciennes figures de la pagode Keo à Thai Binh ressemblent aux sculptures des temples et maisons communales –
probablement parce qu’elles sont dues aux mêmes sculpteurs : d’une hauteur de 20 à 30 centimètres, elles sont en bois résistant à l’eau, laquées et peintes de couleurs vives qui donnent des reflets nets à la surface de l’eau. Elles sont montées sur une base de bois ou de métal qui sert de flotteur et maintient l’équilibre vertical de la figure. Les figures simples sont munies d’une longue perche de bambou fixée dans la base et masquée par l’eau trouble. Un système de dérive permet les changements de direction. Les fils descendent de l’intérieur creux du corps et courent le long de la perche. Ils peuvent être tirés par les artistes : une souris musicienne embouche alors son instrument ou une danseuse étale sa cape transparente et légère.
Dans le cas de scènes plus complexes, des groupes de figures sont montés sur une sorte de radeau auquel sont fixées des cordes reliées directement, sous l’eau, à la cabine de manipulation, ou bien en passant par les côtés du bassin. Dans l’eau jusqu’à la poitrine, les marionnettistes regroupés dans leur abri sont dissimulés par un écran de bambou.
Les spectacles se composent de courtes scènes montrant des créatures mythiques, des activités villageoises ou des scènes de l’opéra populaire (cheo) ou de cour (tuong). Les troupes de marionnettes sur eau villageoises étaient toutes des sociétés masculines appelées phuong. Leurs membres juraient de ne rien divulguer des procédés, apparemment magiques, d’animation. Le chef (on trum) et l’ « ingénieur » (truong tro) guidaient les exécutants qui jouaient dans une mare boueuse lors de la fête d’un temple ou d’un village, tandis que, le public regardait depuis le bord de l’eau. Dans les années trente fut inventée une piscine portable qui permettait les tournées. La Deuxième Guerre mondiale et la lutte pour l’indépendance eurent raison de ce divertissement. Au début du XXIe siècle, des phuong villageois restaient actifs dans seulement huit villages de la région du fleuve Rouge.
Le folkloriste officiel Nguyen Huy Hong commença ses recherches dans les années cinquante et, dans les années soixante-dix, il aida un artiste professionnel de Hanoï à étudier auprès des villageois. Au début du XXIe siècle, l’art de la marionnette sur eau était enseigné à l’école du Théâtre national de marionnettes (fondé en 1956) et à l’Université de Théâtre et de Cinéma d’Hanoi (Trường Đại học Sân khấu – Điện ảnh Hà Nội) à Hanoï.
Parmi les grandes compagnies professionnelles, on trouve le Théâtre National du Vietnam (également appelé Théâtre central de Marionnettes). Mme Dang Anh Nga dirigea la troupe dans les années quatre-vingt dix et durant la première décade du XXIe siècle M. Vuong Duy Bien en était le directeur. Le théâtre se produit la plupart du temps pour des publics locaux mais il tourne également à l’international, jouant de la marionette sur eau et sur terre. Il propose un répertoire varié et a collaboré avec des artistes internationaux comme Theodora Skipitares et Ellen Stewart (1997), deux artistes américaines. Le Théâtre de Marionnettes sur eau Thang Long (Nhà Hát Múa Rối Thăng Long) ou Compagnie de Marionnettes Thang Long de la Ville de Hanoi, qui a mis en oeuvre, sous la direction de Le Van Ngo, des idées contemporaines qui ont développer et fait avancer les formes traditionnelles. Thang Long joue quotidiennement pour un large public local ou de touristes étrangers. Il s’est également produit dans de nombreuses tournées internationales de marionnettes sur eau. Ils envoient par ailleurs de plus petites formations jouer dans les villages pour y rapporter le théâtre de marionnettes. Ces troupes ont donné naissance à de nouveaux groupes à Ho Chi Minh Ville – la Compagnie de Marionnettes de la Ville d’Ho Chi Minh (Đoàn Nghệ Thuật Múa Rối Thành phố Hồ Chí Minh), et un groupe de plus petite taille, au Musée National d’Ethnologie. D’autres groupes se produisent lors de dîners-spectacles, spécialement pour les touristes. Le sculpteur Dang Van Thiet a réalisé de nombreuses marionnettes pour ces compagnies professionnelles. D’autres groupes ont fait leur apparition et se consacrent au service du tourisme et des publics locaux en suivant les traces de ces deux grandes compagnies.
Bibliographie
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