Élément scénographique du castelet destiné aux marionnettes à manipulation surplombante. Appelé aussi passerelle, le pont surplombe la scène du castelet des marionnettes à fils et des marionnettes à tringle(s). Il supporte les manipulateurs. Il est équipé d’une rambarde contre laquelle les manipulateurs s’appuient pour tenir en main le contrôle de leur marionnette. Il n’existe aucune norme qui régisse la hauteur des ponts, si ce n’est la tradition, la disposition d’un lieu ou la rigueur d’une scénographie.

Des marionnettes peuvent être gigantesques comme celle de Bil Baird, dans l’immense Radio City Music Hall de New York, dans un spectacle où était manipulé un dragon de 13 mètres qui s’arquait et s’enroulait autour d’un petit danseur humain. Le pont faisait 20 mètres de long, avec deux passerelles qui s’étendaient vers l’avant, et le dragon était conçu de façon à bouger suivant le déplacement et les mouvements des manipulateurs, l’un manœuvrant la tête et le cou, l’autre le milieu du corps et le troisième déroulant la queue. On doit pouvoir accéder au pont sans encombre, en principe par l’arrière, à la cour et au jardin. Les contrôles des marionnettes sont suspendus en régie sur les côtés. Ils sont masqués par des châssis ou des pendrillons latéraux. Décrochées par les manipulateurs, les marionnettes doivent pouvoir faire les entrées et les sorties par les côtés sans être gênées. La hauteur de ce pont détermine la longueur des fils et/ou de la tringle de la marionnette. Des dispositifs scénographiques spéciaux peuvent prendre des formes complexes dans des salles fixes pour des spectacles particuliers, avant tout pour tenir compte des déplacements des marionnettes et donc de la circulation de leurs manipulateurs ou pour faciliter à la fois la manipulation et les prises de vues sur des plateaux de cinéma et de télévision. Ainsi, pour une émission de télévision qui mettait en scène des marionnettes à fils, dans Pierre et le Loup, Bil Baird avait fait construire dans le studio un décor de forêt qui était surplombé par un ensemble de passerelles posées à 3 mètres du sol sur les troncs des arbres qui constituaient le décor. Dans ses tournées internationales il utilisait une structure scénique constituée d’un plateau sur tréteaux surélevé à 2,50 mètres du sol afin d’être bien en vue du public. Le castelet, avec la scène (une estrade de 25 centimètres de hauteur), y était disposé. Les manipulateurs se tenaient sur un praticable d’environ 60 centimètres de hauteur derrière des tentures hautes de 1,80 mètre qui servaient de fond de scène et qui arrivaient à la hauteur de leurs coudes. Ils étaient volontairement visibles du public. Tout l’ensemble était tendu de rideaux bleus. Dans d’autres spectacles, le marionnettiste américain pouvait être juché à 12 mètres de hauteur.

En 1965, pour Petrouchka de Dezsö Szilàgyi, au Budapest Bábszínház (Théâtre de marionnettes de Budapest), Ivan Koos avait conçu un dispositif scénique jouant sur trois plans : celui des silhouettes peintes, celui des marionnettes dans un castelet et celui du marionnettiste juché sur son pont. Le premier était constitué de silhouettes plates figurant les spectateurs dont seule la tête pivotait. Derrière et au-dessus de cette foule, avait été érigé un castelet avec sa scène sur laquelle jouaient Petrouchka, le Maure et la Ballerine. Enfin, un comédien masqué tenant le rôle du vieux « magicien-marionnettiste », couronnait l’ensemble en manipulant ses marionnettes.

Dans le théâtre de Toone, à Bruxelles, les manipulateurs sont à la même hauteur que les marionnettes. Ils manipulent depuis les côtés, cachés par des paravents latéraux qu’ils referment à vue lors d’un changement de scène. Il n’y a donc pas de pont pour les marionnettistes sauf pour le récitant (Toone VIII ou Nicolas Géal), qui fait toutes les voix et dont la tête est visible au travers d’une fenêtre circulaire située en haut de la façade du castelet.

Les marionnettistes ne sont parfois surélevés que par une estrade d’une vingtaine de centimètres comme c’était le cas pour les marionnettes à tringle de Séraphin, en 1859, passage Jouffroy à Paris.

Les marionnettes à tringle de Sicile (les pupi), à Catane ou à Palerme, sont manipulées soit au sol, soit à partir d’un pont, selon la troupe. Les marionnettes fabriquées en bois sculpté, couvertes d’armures en métal repoussé, peuvent avoisiner les 40 kilogrammes pour 1,20 mètre de hauteur dans le cas des plus grandes. Aussi, afin de soulager le bras porteur, certains théâtres utilisent-ils une sangle en cuir dans laquelle le manipulateur engage son avant-bras.

Le pont n’est toutefois pas indispensable pour animer les marionnettes à manipulation surplombante. Bien des marionnettistes manipulent à vue au même niveau que leurs marionnettes, surtout au music-hall. À la fin des années vingt, l’Américain Frank Paris fut probablement le premier à se passer totalement de scène, pour manipuler ses marionnettes à fils à même le sol d’un night-club. Les manipulateurs des marionnettes à fils du Rajasthan (kathputli), en Inde, se tiennent sur le sol au même niveau que leurs marionnettes. Ils sont cachés du public par un castelet fait de tissus montés sur des bambous, de tentures et d’une façade au décor festonné qui porte le nom évocateur de « Taj Mahal ».

Bibliographie

  • Baird, Bil. « De nouveaux débouchés ». Revue bimestrielle de l’Institut international du théâtre. Volume XV, n° 2. Paris: Michel Brient, 1966.
    Baird, Bil. L’Art des marionnettes. Paris: Hachette 1967.