Officiellement la République du Cameroun (en allemand : Republik Kamerun) est un pays à l’ouest de l’Afrique centrale. Le Cameroun est le foyer de quelques deux-cents groupes linguistiques différents ; la population se compose de plusieurs groupes ethniques dont les Peuples des Hauts-plateaux, les Bantou du Sud, les Kirdi, les Peuls, les Bantou du Nord-Ouest, les Nigritic de l’Est et d’autres peuples africains.

Le théâtre de marionnettes et de masques, au Cameroun, est souvent secret, lié au rituel et à l’initiation. Il reste donc difficile à explorer car confié aux seuls initiés. Les témoignages sont surtout ethnographiques, même si nous connaissons certaines pratiques. Mais les marionnettes camerounaises contemporaines servent aussi aux divertissements populaires et poursuivent parfois un but éducatif.

Marionnettes rituelles

Différents types de marionnettes servent pendant les rituels au Cameroun. Chez les Bamoun, l’animation d’un crâne humain est pratiquée par la société secrète Kamanshui (réservée aux princes). Fixée sur une calotte de vannerie que coiffe un homme costumé, cette « marionnette » s’anime et danse pendant les cérémonies d’initiés.

Chez les Ejagham (Ekoi) et les Widekum, des figurines (ato-kom ou aturu) remplacent les têtes humaines que l’on brandissait jadis lors de grandes fêtes commémoratives. Représentant un crâne ou un personnage entier, elles sont taillées dans du bois et recouvertes de cuir (peau d’antilope ou du singe). Ces sculptures animées font partie du matériel initiatique. Certaines sont assises et possèdent des bras et des jambes articulés. Leurs coiffures sont, en général, faites de cheveux humains, quelquefois remplacés par des chevilles de bois. Les dents sont en métal ou en éclats de bambou et les globes oculaires peints en blanc. L’effigie est solidement arrimée à la tête du montreur par un socle de rotin tressé. Le montreur est encagoulé et entièrement costumé avec une jupe de raphia sur une armature de bambou et un grelot (ozen) attaché aux pieds.

Chez les Fang du Cameroun (comme chez ceux du Gabon), les « portraits » d’ancêtres, sculptés dans du bois médicinal ekung, placés sur les reliquaires sont utilisés comme des « marionnettes » pendant l’initiation. L’une d’entre elles est célèbre. Décrite par Günter Tessmann, cette figurine ancienne représente un homme aux membres articulés, aux yeux en métal, le menton agrémenté d’une barbiche en poils de singe et la tête surmontée d’un toupet de plumes. Lors des représentations des ancêtres aux novices, les anciens initiés, dissimulés derrière un pagne, faisaient danser ces statuettes.

Chez les Béti, la cérémonie initiatique du melan est un véritable spectacle. Avec une mise en scène grandiose, ce culte de communication avec les ancêtres fait intervenir les marionnettes de plusieurs manières. Des mannequins de bois peints en blanc et en rouge, figures des ancêtres, apparaissent dans la pénombre et miment une scène d’inceste, avant le repas de fête. Des statuettes, fixées au bout de perches, sont manipulées par des initiés, cachés dans un castelet ou derrière des fenêtres. D’autres marionnettes sont animées par des marionnettistes dissimulés sous des feuillages et qui imitent des cris d’animaux. Au cours de cette cérémonie, on peut aussi assister au jeu de deux statues mobiles de couleur rouge représentant un homme, son pénis mis en évidence, et une femme aux cheveux tressés et aux yeux métalliques. Parfois accompagnés d’une statue immobile, modelée en terre, les personnages miment surtout l’accouplement et l’inceste. Pour finir, une sorte de théâtre d’ombres est montré aux néophytes, effigies qui passent et repassent devant une fenêtre éclairée, mues par un système particulier (probablement une roue).

Chez les Ewondo, au cours de cette même cérémonie, les marionnettes dites « génies de bois » sont appelées ebobod. Faites de bois, coiffées d’un bonnet ressemblant au bonnet phrygien, ces statuettes sont agitées devant une fenêtre. Elles s’inscrivent en parallèle aux « génies humains », purement et simplement des hommes, les profès du melan.

Marionnettes mortuaires

Les rites funéraires sont souvent spectaculaires et peuvent impliquer la manipulation du corps mort pour donner l’impression de la vie.

Chez les Kapsiki, par exemple, l’enterrement d’un chef nécessite une véritable mise en scène. La dépouille, lavée, est installée en position assise puis cousue dans une peau de bœuf apportée par la famille. Le cadavre ainsi préparé est juché sur les épaules du forgeron, habillé en chef. En dansant, celui-ci promène le mort dans le village comme s’il manipulait une marionnette.

Chez les Banen, un mannequin figurant le mort est confectionné pour la cérémonie mortuaire. Habillé de vêtements lacérés, il est placé à côté de la tombe, sous un toit de nattes entouré de tissus, des plats de nourriture disposés à côté. Il restera là pendant toute la longue manifestation funéraire ponctuée de discours, de chants, de danses funèbres et de scènes improvisées avec les objets personnels du défunt.

Chez les Mofu-Gudur, on peut observer une « marionnettisation » du cadavre particulièrement élaborée. Ainsi, une préparation minutieuse du mort, avec la désarticulation des os, permet de conserver une souplesse du corps pour faciliter son animation lors de ses funérailles. Il est alors habillé et manipulé de façon à suggérer la vie.

Marionnettes ludiques et poupées

Chez les Douala, de petites marionnettes à ficelles et poupées, en tissu ou en bois, sont confectionnées par les enfants. Appelées thous me libongo, elles sont montrées dans de mini-spectacles lors des fêtes de fin d’année, leurs jeunes créateurs étant récompensés par de menus cadeaux ou un peu de monnaie.

Les jeunes filles doualas font aussi l’apprentissage des lamentations funèbres avec la manipulation de poupées.

Marionnettes pour divertissement

Les marionnettes les plus courantes semblent celles activées par le orteils à l’aide d’une chaine: un couple d’amoureux qui danse jusqu’à ce qu’ils se rencontrent dans un acte d’amour (voir Marionnettes aux pieds). On pense que, dans le passé, leurs fonctions étaient initiatiques et rituelles.

Chez les Bafia, elles sont appelées bum pour l’homme (ou l’être humain) et gib le ban pour la femme (ou le jeune homme). Faites de morceaux de raphia, hautes de 20 à 25 centimètres, elles sont nues et sans visage, surmontées de cheveux humains. Leur tronc est allongé, les jambes mobiles et les organes génitaux nettement représentés, voire fidèlement reproduits. Entouré de poils pubiens, le pénis est en érection et la vulve pourvue d’un trou. Les personnages se déplacent simultanément grâce à une cordelette nouée en boucle et passée dans chacun de leurs bras. Très ludiques, sautillants et dansants, ils jouent et rejouent l’acte sexuel. On trouve des couples de figurines semblables chez les Fang (appelés aussi Pangwe) et chez les Ngumba. Les marionnettes ngumbas, appelées medigema et tarra la à Yaoundé (la capitale du Cameroun), sont en bois avec le crâne, soit en forme de disque, soit simplement représenté par une plume d’oiseau. Leurs jambes sont sculptées les genoux fléchis, attitude caractéristique d’une position de danse.

La marionnette bamiléké, dite à « trou », contrairement aux marionnettes aux pieds est spécifique au Cameroun. D’origine ancienne et probablement sacrée, taillée dans du bois et recouverte de cuir, elle se présente comme une tête évidée qui permet au marionnettiste d’y introduire sa main. Pourvue d’une ouverture aménagée au niveau de la bouche pleine de dents, elle offre au montreur la possibilité de sortir ses doigts du trou comme une langue provoquant un effet surprenant ou comique. Elle est aujourd’hui utilisée par le comédien et chercheur camerounais Meyong Baba Bekate dans ses spectacles modernes.

On trouve divers types de marionnettes, à gaine, à fils, à tiges et pour les besoins du spectacle, les marionnettistes utilisent parfois une pratique. Dans les rues de Yaoundé et dans d’autres villes du pays, on rencontre aussi des montreurs ambulants présentant leurs théâtres de marionnettes. Par exemple, à Yaoundé, Jean Mamvoula et son ballet de marionnettes représenté dans un petit castelet portable furent filmés en 1980 par Robert Minangoy.

L’époque coloniale, avec ses missionnaires, a laissé quelques traces dans l’art camerounais de la marionnette, avec ses personnages, ses comptines européennes et ses interdits. Aujourd’hui, si le pays attire les artistes occidentaux, comme la grande tournée faite par la compagnie française Royal de Luxe en 2000, le théâtre de marionnettes du Cameroun, qui s’exporte aussi, semble garder ses propres repères, ancrés dans la tradition, peut-être grâce à son caractère sacré.

Festivals et ateliers

Il est un festival annuel, la RIMAC, Rencontre internationale des Masques et Marionnettes du Cameroun, fondé en 2004. Celui-ci constitue une opportunité pour les artistes du Cameroun surtout et du monde, aussi de se rencontrer dans les villes de Douala et Bamendjou. Des ateliers sont aussi organisés à cette occsaion.

Didier Nyoumi, un acteur qui travaille dans le théâtre par et pour les jeunes, promeut une action éducative qui associe les performances modernes et l’éducation sur les questions de santé et de société. Les artistes contemporains continuent la longue tradition des masques et des marionnettes du Cameroun.

Bibliographie

  • Béhar, Henri. Jarry dramaturge. Paris: Publications de la Sorbonne, Librairie A.G. Nizet, 1980.
  • Darkowska-Nidzgorski, Olenka, and Denis Nidzgorski. Marionnettes et Masques au Cœur du Théâtre africain. Saint-Maur: Institut international de la Marionnette/Éditions Sépia, 1998.
  • Jouaux, Catherine. Premières et secondes Obsèques en « Pays » mofu- gudur… Paris: École des hautes Études en Sciences sociales, 1990.
  • Laburthe-Tolra, Philippe. Initiations et Sociétés secrètes au Cameroun. Paris: Essai sur la Religion beti, Kartala, 1985.
  • Liking, Werewere. Statuettes peintes d’Afrique de l’Ouest. Marionnettes du Mali. « Traditions africaines » séries. Paris: Nouvelles Éditions africaines/Arhis, 1987.
  • Liking, Werewere. Une nouvelle Terre. Théâtre rituel. Abidjan: Nouvelles Éditions africaines, 1980.
  • Perrois, Louis. Arts royaux du Cameroun. Genève: Musée Barbier-Muller, 1994.
  • Perrois, Louis, and Jean-Paul Notué. Rois et Sculpteurs de l’Ouest Cameroun. La Panthère et la Mygale. Paris: Karthala/Orstom, 1997.
  • Tessmann, Günter. Die Bafia und die Kultur der Mittelkamerun- Bantu… Stuttgart: Strecker und Schröder, 1934.
  • Tsala, abbé Théodore. “Mœurs et Coutumes des Ewondo”. Études camerounaises. No. 56, 1958.