La République de Cuba (en espagnol : Republica de Cuba), une île pays dans les Caraïbes, est une nation multi-ethnique. Ses habitants (en espagnol : cubanos), ses cultures et ses coutumes ont diverses origines, incluant les indigènes Taino et Ciboney, les descendants de la longue période de colonisation espagnole qui a commencé au début du XVIe sièecle, d’autres européens qui sont venus dans le pays depuis cinq cents ans, Mulatto/Mestizo, Afro-Cubans, descendants d’africains de l’ouest ou d’origine haïtienne, parmi d’autres (voir Amérique latine).

À partir de la conquête de l’île par Diego Velázquez en 1511-1513, les diverses formes théâtrales espagnoles (les mystères ou autos sacramentales, les éloges, le théâtre mécanique, les numéros de saltimbanques, les farces brèves appelées mojigangas et les marionnettes) imprégnèrent la vie culturelle et artistique cubaine. Le théâtre cubain fut marqué par les modèles ibériques et par les célébrations organisées, comme dans d’autres pays d’Amérique latine, à l’occasion de la Fête-Dieu, la élébration du Corpus Christi et le festival de la nativité (Noël). Une décision de la municipalité de Santiago de Cuba en 1573, atteste que toutes les corporations (tailleurs, charpentiers, cordonniers, forgerons) et les « nègres » étaient ainsi mis à contribution pour organiser cette cérémonie qui devait comporter des « inventions et des jeux ».

Au cours des décennies suivantes, les cultures espagnole et indigène commencèrent ainsi à se mêler. Les célébrations de la Fête-Dieu furent renouvelées à intervalles réguliers et, jusqu’au XVIIIe  siècle, les corporations de métier et les congrégations religieuses furent les seules institutions à présenter des œuvres théâtrales.

Les origines du théâtre de marionnettes à Cuba

D’après la presse de l’époque, c’est en 1792 qu’est apparu à La Havane un théâtre de marionnettes, avec l’Espagnol Modesto Antonio faisant jouer au son de sa guitare de « petites marionnettes désarticulées » (« descoyuntados muñequitos »). Deux plus tard, un « théâtre mécanique » venu de La Nouvelle-Orléans (États-Unis) présentait «des figures mouvantes sur une plate-forme munie de ressorts intérieurs». L’écrivain cubain Buenaventura Pascual Ferrer (1772-1851), mentionne dans Viaje a la Isla de Cuba (Voyage dans l’île de Cuba, 1798), ces « acrobates, marionnettistes, saltimbanques et autres sortes de charlatans en vogue en Europe qui passaient également à Cuba avant de rejoindre le Mexique et le Pérou », témoignage de la popularité croissante à cette époque de spectacles vivants et masqués. Au début du XIXe siècle, des compagnies itinérantes en provenance d’Espagne commencèrent à sillonner l’île avec des spectacles de cirque, de prestidigitation et de marionnettes.

Jusqu’à la fin du XIXe, Cuba devint ainsi le lieu de passage obligé de compagnies européennes et latino-américaines. Ces artistes itinérants laissèrent des traces : ainsi les souvenirs d’Estebán Montejo, esclave affranchi (âgé de cent quatre ans), recueillis par l’écrivain cubain Miguel Barnet dans Biografía de un cimarrón (Esclave à Cuba. Biographie d’un « cimmaron » du colonialisme à l’indépendance, 1967) : « La ville devenait joyeuse et s’emplissait de lumières et de serpentins tandis qu’arrivaient les marionnettistes qui se mettaient à danser et à faire des pirouettes. Je m’en souviens parfaitement. Il y avait des Gitans, des Espagnols et des Cubains. Les Cubains n’avaient pas la grâce et l’extravagance des Gitans. Ils donnaient leurs représentations dans les parcs, entourés d’une foule qui chantait et criait. Et les enfants devenaient fous de joie à la vue de ces marionnettes qui marchaient et bougeaient au bout de leurs fils. » La présence de ces marionnettistes au début du XXe siècle est confirmée par d’autres témoignages : le sociologue Fernando Ortíz, dans La clave xilofónica de la música cubana – Ensayo etnográfico (La clave xylophonique de la musique cubaine. Essai ethnographique, 1935) mentionne un certain Matinto, « un vieux nègre africain qui à Yagüajay, gagnait sa vie en montrant, caché derrière son rideau et imitant les voix avec l’habileté d’un ventriloque, des personnages (Noirs, Blancs, Chinois et mulâtres) mus par de petites cordes. Le répertoire très large fait d’anecdotes, de pièces théâtrales, de contes et de fables, était peut-être inspiré des polichinelles européens, mais semblait présenter également des traits d’origine africaine ».

Le XXe siècle : jusqu’en 1959

Toutefois, le théâtre de marionnettes commença vraiment à prendre son essor à Cuba dans les années quarante à la suite de la fondation à La Havane de la première Academia de Arte Dramático (Académie des arts dramatiques) en 1940 par le dramaturge, enseignant et metteur en scène Modesto Centeno (1913-1985) qui y présenta en mai 1943 une adaptation libre du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault, La Caperucita Roja. Cette première est considérée comme un spectacle pionnier dans le théâtre de marionnettes pour enfants qui sortait pour la première fois de son cadre scolaire. À cette époque furent ainsi montés El retablo del tío Polilla (Le Retable de l’oncle Polilla) par Paco Alfonso et le célèbre Retablillo de Don Cristóbal (Le Petit Tréteau de don Cristóbal) de Federico García Lorca, dirigé par l’un des noms les plus prestigieux du théâtre cubain, Vicente Revuelta.

La même année, l’auteur Edouard Manet prit la direction d’un théâtre de Guignol avec un premier spectacle donné à l’Universidad de La Habana (Université de La Havane), puis plus tard, à la Sociedad Cultural Nuestro Tiempo (société culturelle Notre temps) fondée entre autres par la marionnettiste et poétesse Dora Carvajal Rodríguez (1920-1989) tandis que les frères Pepe et Carucha Camejo lançait un petit théâtre ambulant.

Mais ce n’est qu’à partir des années cinquante qu’apparurent les premières compagnies, parmi lesquelles La Carreta en 1952, qui s’orienta vers le spectacle de marionnettes sous la direction de Dora Carvajal, ou Titirilandia en 1955, dirigée par Beba Farias et Nydia del Valle. En dehors de la capitale, Mayari Pepe Carril fonda son théâtre de marionnettes et s’associa avec les frères Camejo pour créer le Guignol national de Cuba en 1956. La même année, la romancière cubaine Dora Alonso (1910-2001), auteur de livres pour enfants, créa le personnage de Pelusín del Monte, qui devint très célèbre et sera repris au début des années soixante-dix par Pedro Valdés Piña, l’un des marionnettistes majeurs du pays.

Toutefois, ces petites compagnies luttaient difficilement pour survivre, sans le moindre appui financier de l’extérieur et sans aucune reconnaissance officielle, dans une situation sociale chaotique et sous la dictature du général Battista.

Le XXe siècle : depuis 1959 – renouveau et continuité

La révolution de 1959 apporta divers changements, en particulier avec la création en 1961 du Consejo Nacional de Cultura (CNC, Conseil national de la culture), auquel fut rattaché le département national du Théâtre pour l’enfance et la jeunesse. Cet organisme fit alors appel aux frères Camejo pour former des marionnettistes, tandis que les quelques groupes existants furent chargés de donner des spectacles gratuits dans les écoles et sur les places publiques.

En 1962 fut aussi créée, dans chaque province, une compagnie de marionnettistes professionnels bénéficiant d’une aide financière de l’État. À partir des années soixante, le théâtre de marionnettes s’était ainsi notablement renforcé – avec, en particulier, la création du Teatro Nacional de Guiñol (TNG) (Théâtre national de guignol) en 1963 par Armando Morales – et les premiers festivals purent être organisés.

En 1969-1970 la première Escuela Nacional de Teatro para Niños (École nationale de théâtre pour enfants) fut constituée sous la direction des dramaturges Bebo Ruiz et Julio Cordero : son rôle principal fut d’initier les instituteurs à l’art de la marionnette.

Entre 1978 et 1982, le premier « plan de développement théâtral » fut appliqué, contribuant, à côté de l’École nationale, à la formation de nouvelles troupes. Jusqu’à la fin des années quatre-vingt, il existait ainsi plus d’une vingtaine de compagnies professionnelles parmi lesquelles se détachait celle dirigée par Pedro Valdés Piña.

Toutefois, la rigidité de l’organisation du théâtre cubain entraîna un certain immobilisme et c’est pour y remédier que, à partir de 1989, le ministère de la Culture, après consultation des artistes, autorisa la libre association de créateurs munis d’un projet artistique défini, en échange d’un appui matériel et financier. Cet assouplissement conduisit à la création de nouveaux groupes plus jeunes qui, à côté des compagnies plus anciennes et établies – notamment Los Cuenteros, le Guignol de Camaguey), le Guignol de Santa Clara, Hilos Mágicos (Fils magiques) et le Teatro Nacional de Guiñol (Théâtre national de Guignol, la plus importante et prestigieuse d’entre elles) multiplient les initiatives plus ou moins durables, de l’artiste de rue en solo jusqu’aux spectacles en salle organisés au siège des différentes troupes.

(Voir aussi Freddy Artiles, René Fernández Santana, Rubén Darío Salazar, Teatro de Las Estaciones, Teatro Ismaelillo, Teatro Papalote, Zenén Calero Medina.)

Bibliographie

  • Barnet, Miguel. Biografía de un cimarrón. Buenos Aires: Ediciones Galerna, 1968.
  • Barnet, Miguel, and Estebán Montejo. Trans. W. Nick Hill. Biography of a Runaway Slave. Willimantic (CT): Curbstone Press, 1994; Evanston (IL): Northwestern University Press, 1995.
  • Camejo, Carucha. El Teatro de Títeres en Cuba. Series. Vol. VII, No. 11. Lima (Perú): Estudios de Teatro Escolar, Servicio de Publicaciones del Teatro Universitario de San Marcos, 1977.
  • Ortíz, Fernando. La clase xilofónica de la música cubana. Ensayo etnográfico. La Habana: Tipografía Molina, 1935.
  • Ortíz, Fernando. The Xylophonic Clave of Cuban Music. An Ethnographic Essay. New York: Center for Social Research, CUNY Graduate School, 1992.
  • Trenti Rocamora, José Luis. El Teatro en la América Colonial. Buenos Aires: Editorial Huarpes, 1947.
  • Valdés Piña, Pedro. Acerca del arte titiritero cubano. Testimonios o notas para una Historia del Teatro de Títeres (Apuntes). La Habana, 1998.