La République de l’Équateur (en espagnol República del Ecuador), au nord-ouest de l’Amérique du Sud, qui comprend les iles Galápagos, est le foyer de plusieurs peuples indigènes qui ont été incorporés, au 15e siècle, dans l’empire Inca. Le territoire a été colonisé par l’Espagne au 16e siècle; il conquit son indépendance en 1822 et accéda au statut d’État souverain en 1830. La population l’ Équateur, réunissant des ethnies diverses, est dominée par les métis suivis d’habitants d’origines européenne, amérindienne ou africaine (voir Amérique Latine).

Les formes théâtrales pratiquées dans les cités de Quito et de Guayaquil entre 1600 et 1700 n’étaient guère différentes de celles du reste de l’Amérique colonisée. Des mystères, des saynètes, des comédies étaient joués dans le Quito de l’époque coloniale. En plus des compagnies espagnoles, d’autres troupes itinérantes venant, notamment, de Lima se rendaient dans les villes de Quito, Guayaquil et Cuenca pour présenter leurs spectacles. La « danse-théâtre » développée au départ du folklore local de chaque région additionnée de certains rituels chrétiens était très populaire à cette époque. Mario de Andrade a étudié les fondements théoriques du théâtre populaire des Amériques et leurs relations complexes avec le thème de la mort et de la résurrection (Muerte-Resurrección) dans ses mises en scènes, ses masques, ses danses, ses costumes bariolés et ses chorégraphies. Ces types de théâtre colonial équatorien restent populaires aujourd’hui et on en retrouve certains éléments intégrés dans des productions contemporaines de marionnettistes équatoriens.

Les premières manifestations d’un art de la marionnette en Équateur datent des années vingt avec les représentations qui avaient lieu à Quito dans le Colegio Salesiano Don Bosco, qui accueillait des spectacles populaires de marionnettes de cachiporra (marionnettes à gaine ou guignol). Dans ces années, se produisirent également des compagnies étrangères mêlant des numéros de cirque, de prestidigitation, et des marionnettes. Dix ans plus tard, Vittorio Podrecca donna une représentation avec son Teatro dei Piccoli au Teatro Sucre de Quito.

À partir de 1950, une première expérience éducative avec des marionnettes était menée par la Casa de la Fantasía (la Maison de la Fantaisie). Cette troupe était composée du critique d’art Arístides Meneguetti, d’origine uruguayenne, de Carlos Vascones, Walter Franco Serrano, Maruja Orrequia et Hebert Castro (un autre Uruguayen). Pendant une dizaine d’années, ils parcoururent les quartiers de Quito avec des spectacles à contenu didactique qu’ils écrivaient eux-mêmes ou avec des adaptations des contes de Charles Perrault et des frères Grimm.

Les compagnies depuis les années soixante-dix

Ce type de pratique populaire de la marionnette fut repris dans les années soixante-dix par Fernando Moncayo, artiste équatorien (auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages dont Historia de la memoria perdida Histoire de la Mémoire perdue rassemblant des textes sur l’Amérique précolombienne). Moncayo se forma à Bogotá, en Colombie, au sein de la faculté des beaux-arts à l’Universidad de Arte et avec des marionnettistes locaux. Dans les quartiers les plus pauvres de Quito, il présenta ses oeuvres parmi lesquelles Apología del delito (Apologie du Délit) où apparaissait un personnage désormais célèbre dans le pays, le détective Paco Tillas. En 1973, avec Claudia Monsalve, il fonda la troupe La Rana Sabia (La Grenouille savante), qui devint très populaire grâce, en particulier, à ses spectacles de rue. Leur répertoire, qui comprenait des pièces originales (Cuéntame un cuento Raconte-moi un Conte, La rana sabia encuentra un tesoro La Grenouille savante trouve un Trésor) ou des adaptations des grands classiques du conte pour enfants (Juanito y los fantasmas, adaptation de La calle de los fantasmas La Rue des Fantômes de Javier Villafañe), ainsi que des fables de Jean de La Fontaine  (La Cigale et la Fourmi … ) s’adresse aussi à un public adulte. Cette compagnie a participé activement à des festivals internationaux en Colombie, au Mexique, en Finlande en passant par l’Espagne, la France ou l’Italie. Elle possède également un musée (comprenant 200 marionnettes d’Europe, d’Asie et d’Amérique) et un centre de documentation sur les arts scéniques. C’est ainsi que La Rana Sabia fut à l’origine de la première exposition de marionnettes dans le pays, à la librairie Cronopios de Quito.

Parmi les théâtres de marionnettes équatoriens, il faut également mentionner celui d’Ana von Buchwald, pionnière dans ce domaine puisqu’elle n’a cessé de travailler et de créer à Guayaquil depuis 1958. Après avoir débuté avec des étudiants, elle forma une troupe professionnelle en 1984 : Las Marionetas del Teatro Experimental  Guayaquil (Les Marionnettes du Théâtre expérimental Guayaquil). Elle a organisé des ateliers de formation pour enfants et adultes et son répertoire rassemble de très nombreuses pièces pour la jeunesse (des contes de Perrault à ses oeuvres personnelles) et pour adultes parmi lesquelles on peut citer El vendedor de pollo (Le Vendeur de Poulet), Nada nuevo (Rien de neuf), El retablo de Maese Pedro (Le Retable de Maître Pierre), Asamblea de mujeres (Assemblée de Femmes) ou encore El consejero titular (Le Conseiller titulaire). La contribution originale de Patricio Estrella, un talentueux marionnettiste, formé au théâtre de l’Épée de Bois à Paris, à l’Atelier international de l’Escuela Internacional de Teatro de America Latina y el Caribe (EITALC) d’Entre Rios en Argentine, et à l’École de théâtre et de marionnettes Libertablas de Buenos Aires, doit également être mentionnée. Il est à l’origine de la compagnie El Retablillo-Espada de Madera (Le Tréteau-Épée de Bois) fondée en 1986. En outre, la Fondation Espada de Madera, créée en 1989, réunit un groupe d’artistes professionnels avec l’objectif de développer un espace expérimental mêlant recherche, spectacles et action sociale et intégrant divers genres et techniques : théâtre d’acteurs, théâtre d’objets, de marionnettes, théâtre d’ombres, théâtre noir. Parmi les oeuvres de son répertoire pour enfants et adultes, il faut mentionner El tío Carachos (L’Oncle Carachos), El dictador (Le Dictateur) et Las catilinarias (Les Catilinaires) de Juan Montalvo, Arlequín, servidor de dos patrones (Arlequin, Serviteur de deux Maîtres) de Carlo Goldoni, Ana la pelota humana de Raúl Pérez Torres. Cette compagnie participa à de nombreux festivals internationaux (France, Venezuela, Argentine, Chili, Colombie) et fut récompensée par le prix du meilleur marionnettiste au festival international de Théâtre de Pereira (Colombie) ainsi que par le premier prix du festival international de marionnettes Con ojos de niño (Avec des yeux d’enfant) de Buenos Aires.

D’autres troupes participent également à cette actualité artistique et culturelle plutôt vivante. Certaines sont actives depuis longtemps (La Rayuela la Marelle de Petronio Cáceres depuis 1975, Amanecer Lever du Jour de Héctor  Santana depuis 1977, Los Saltimbanquis les Saltimbanques de Víctor Ramos depuis 1980, La Pájara Pinta de Felipe Vega de la Cuadra, créée à Cuenca en 1981). Parmi les groupes apparus ultérieurement, on compte De Sol a Sol (Du Soleil au Soleil) fondé en 1987 à Guayaquil sous la direction d’ Adalina Aneses , La Serpiente Emplumada (Le Serpent à Plumes) dirigée par Alejandro Jovel Ayala à Quito et, également à Quito, Trapichillo avec Augusto Labanda comme directeur. D’autres sont plus récentes comme Ojo de Agua (la Source), fondée en 1997, qui mêle théâtre d’acteurs et marionnettes.

Bibliographie

  • “Informe sobre Historia de los Títeres en Ecuador”. Entrevista a Fernando Moncayo, en Quito, Ecuador, Junio de 1997 por Pablo L. Medina [Interview with Fernando Moncayo, in Quito, Ecuador, June 1997 by Pablo L. Medina].
  • Trenti Rocamora, José Luis. El Teatro en la América Colonial. Buenos Aires: Editorial Huarpes, 1947.