La République arabe de Syrie (en arabe : لجمهورية العربية السورية , Al-Jumhūrīyah Al-ʻArabīyah As-Sūrīyah) est un pays du Moyen-Orient jouxtant le Liban et la mer Méditerranée à l’ouest, la Turquie au nord, l’Irak à l’est, la Jordanie, au sud et Israël au sud-ouest. Sa capitale, Damas est une des plus anciennes villes habitées sans interruption dans le monde. La Syrie abrite divers groupes ethniques et religieux.
Les premières traces de la marionnette en Syrie (sous la forme de théâtre d’ombres) figurent dans un manuscrit, daté de 1308, de Chamseddine bin Ibrahim Al Dimashqi. Le texte conte l’histoire d’un jeune homme qui se fait assassiner et qui, juste avant de mourir, parvient à dire : « Mohammed bin Al Mukhayil Al Dhahabi m’a tué …, le tueur travaillant avec son père dans le théâtre d’ombres …» Il convient de mentionner, par ailleurs, que le poète Abou El Alaa’ El Maarri (973-1057) avait également fait référence, dans l’un de ses poèmes, au théâtre d’ombres mais sans détails. Ainsi, la Syrie aurait connu cet art depuis longtemps, alors qu’elle était un foyer culturel florissant, aux VIIe et VIIIe siècles.
Karakoz et les ombres traditionnelles
Les quatre siècles d’occupation ottomane (1516-1918) marquèrent un recul sur les plans intellectuel, culturel et scientifique. Ce recul s’accompagna d’un développement des arts populaires, dont le théâtre d’ombre où l’influence turque ottomane était claire, en particulier avec le personnage du Karakoz, même si celui-ci s’exprimait en langue arabe. Le Karakoz, qui, à l’origine, représentait l’homme turc (voir Karagöz), se mua en un personnage arabe syrien par excellence. Le théâtre d’ombres du Karakoz était un théâtre critique, sociopolitique, et avait une grande influence sur le peuple. Il traitait de sujets inspirés de la situation du pays et de la vie quotidienne et est ainsi devenu un espace où les gens pouvaient exprimer leur haine, leur colère et leur refus de l’oppression et du régime.
Une des plus anciennes références au personnage du Karakoz syrien qui s’exprime en arabe est la description d’une représentation de théâtre d’ombres à laquelle Alexander Russell avait assisté à Alep, dans The Natural History of Aleppo, publié en 1756 : « Le théâtre de marionnettes est composé d’ombres à l’instar des ombres chinoises, … le spectacle entier est assuré avec beaucoup de talent et de savoir-faire par une seule personne qui change sa voix et imite les dialectes des campagnards ou les autres qualités des personnages de la pièce. »
Les marionnettes, de 20 centimètres environ, étaient faites en cuir d’âne ajouré et étaient manipulées à l’aide de baguettes horizontales. Les spectacles avaient lieu dans les cafés où, dans l’un des coins, était dressée « la tente du Karakoz » : un écran derrière lequel le manipulateur s’installait et animait ses personnages à la lumière d’une lampe à huile.
Le théâtre d’ombres connut une expansion sans pareille au XIXe siècle. Au cours du mois de ramadan (mois de jeûne), des concours étaient organisés dans les grandes villes syriennes avec la participation de montreurs de Beyrouth, de Tripoli, d’Alep, de Damas et de Tartous. Les festivals de marionnettes existaient donc, avant la lettre, en Syrie.
Sous le mandat français (1918-1946), les montreurs les plus célèbres jouèrent un rôle majeur en stimulant l’opposition. En 1946, lors de l’accession du pays à l’indépendance, une fête organisée au Club arabe de Damas reçut la participation du montreur Saleh Habib. Celui-ci appartenait à une célèbre famille de montreurs d’ombres, la famille Habib, de Damas, qui bâtit sa renommée au début du XIXe siècle et la conserva pendant un siècle et demi.
Alep compta également des montreurs fort talentueux tels Hajj Mustapha Srour, Mohammed Merhi El Debagh et Mohammed Cheikh (dont l’une des pièces a été publiée en français par Chérif Khaznadar). À Homs était installé Abou El Keir El Soubahi et à Lattaquié, Hajj Hasan El Lathiqi, décédé dans les années cinquante à l’âge de cent-dix ans. Suleiman Abou Abdellatif El Maamari fut l’un des plus célèbres montreurs de la côte syrienne pendant la première moitié du XXe siècle.
Abdulrazzaq Al Dhahabi, qui avait appris ce métier grâce à Saleh Habib, fut le dernier montreur d’ombres en activité en Syrie. Il écrivit un spectacle intitulé Himara wa joura (L’ nesse et le Trou) qui fut publié dans le magazine Al hayat al masrahiya (La Vie théâtrale) à Damas en 1982.
La période contemporaine
À la fin des années cinquante, après la proclamation de l’union syro-égyptienne, le ministère de la Culture de la République arabe unie fit appel à trois experts yougoslaves sous la direction du metteur en scène Bogo Kokolja, afin de créer le premier noyau d’un théâtre de marionnettes à Damas (de même qu’avait été décidée la création d’un théâtre de marionnettes en Égypte). Cette troupe présenta plusieurs mises en scène de Kokolja. Dans ses débuts, la majorité des représentations se faisaient sur des musiques jouées en direct par la pianiste Souwim Ismail. En 1962, la pièce de Jan Malik Saher El Ghabat (Le Magicien des Forêts), fut mise en scène par Kokolja et Abdellatif Fathi, chargé de la direction du théâtre de marionnettes jusqu’en 1965 et dont six pièces furent mises en scène.
Le théâtre fut respectivement dirigé par Abdellatif Fathi, Fatima Zein, Youssef Harb, Arfan Abdel Nafeh, Salwa El Jabiri et Adnan Salloum. Yassine Baqqoush et Ahmad El Jayjakli comptent parmi les artistes syriens les plus connus qui travaillèrent dans ce théâtre.
Des experts venus de Yougoslavie, de Tchécoslovaquie et de Roumanie introduisirent diverses techniques de mise en scène et de conception et de fabrication du décor et des marionnettes, tels que Julien Marcovina, Oscar Batik, Constantine Brekhensko, Mircha Nicolao et Dorina Tănăsesku.
Le Théâtre de marionnettes de Damas est le seul à produire des spectacles de marionnettes professionnels en Syrie. Il a présenté un grand nombre de pièces, sur des textes locaux ou parfois sur des traductions. Les marionnettes utilisées sont variées : à gaine, à tige, à fil, masques et autres.
Le théâtre d’ombres traditionnel a quant à lui complètement disparu. Il reste cependant un jeune artiste, Zaki Cordilo, qui a appris le métier de montreur auprès d’Abdulrazzaq Al Dhahabi, le dernier artiste traditionnel (mort en 1993), dont il a hérité d’une superbe collection de marionnettes vieilles de plus de cent-cinquante ans. Cordilo présente ses ombres au Théâtre de Marionnettes de Damas. Shadi al-Hallak, fils d’un conteur traditionnel supporta cette expression artistique jusqu’à la fin de la première décennie du 21e siècle. Il travailla à sa résurrection en coopération avec le ministère de la Culture et le comité du Patrimoine immatériel de l’Humanité de l’UNESCO. Ils actèrent la quasi disparition du Karakoz mais sa possible renaissance, moyennant des efforts.
Durant les troubles politiques et les combats liés au « Printemps arabe » les marionnettes ont été utilisées pour protester contre le gouvernement. La diffusion des spectacles sur YouTube leur a donné une grande visibilité et un large écho dans la presse, en 2012. Le Journal d’un petit Dictateur de Masahit Mati utilisait, comme personnage principal, une marionnete à gaine avec une tête de bois appelée Bichou pour parodier le président syrien Bachar el-Assad.
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