L’État plurinational de Bolivie est un pays multiethnique qui s’étend, tout en longueur, en Amérique du Sud (Spanish: Bolivia, Estado Plurinacional de Bolivia; Quechua: Bulibiya et Bulibiya Mama llaqta; Aymara: Wuliwya et Wuliwya Suyu; Guarani: Volívia et Tetã Volívia). Avant la colonisation espagnole, au XVIe siècle, la région andine de la Bolivie a fait partie de l’Empire Inca, tandis que les régions du nord et de l’est ont été habitées par des tribus indépendantes. L’indépendance de la Bolivie, ancienne colonie espagnole, a été déclarée en 1825 (voir Amérique latine).
Les traditions artistiques de la Bolivie ont leurs racines dans les anciennes pratiques rituelles des Indiens Quechuas et Aymaras, et notamment dans la « danse-théâtre ». À partir de la conquête espagnole, influences chrétiennes et mythes précolombiens se mêlèrent et, à côté du théâtre, de la danse, de la musique, des jeux tauromachiques ou des mascarades, organisés à l’occasion d’évènements politiques ou de fêtes religieuses, la marionnette put, comme dans d’autres pays du Nouveau Monde, être l’un des moyens de conversion utilisés par les missionnaires. Les origines de cet art en Bolivie sont, en fait, incertaines.
C’est à Potosí, « ville impériale », à l’occasion d’une grande fête organisée pour la restauration du Saint-Sacrement en 1663, que l’art de la marionnette fit, semble-t-il, son apparition. Les marionnettes réapparurent ensuite, avec le théâtre, le mime, la danse, le cirque, les masques, et les costumes dans les carnavals, encore que, dans le plus célèbre d’entre eux, celui d’Oruro, né selon certains historiens à la fin du XVIIIe siècle, il parut éclipsé par la très populaire « danse des diables ».
Durant la présidence de Hilarión Daza entre 1876 et 1879, on retrouve la trace du marionnettiste Olivares dont les nombreux spectacles satiriques suscitèrent la colère des autorités. Mais il faut surtout souligner le rapport étroit, attesté par le carnaval d’Oruro, liant le monde de la mine à l’art de la marionnette.
De la fin du XIXe siècle aux années 1960
L’art de la marionnette se développa dans les grands centres miniers du pays, avec Don Andrés à Pulacayo, à la fin du XIXe siècle, Don Abundio à Potosí, Don Zenón à Machacamarca ou encore, parmi les marionnettistes modernes, les frères Pinto Marañon à Oruro. De même, le marionnettiste Zenón Mujica présenta ses spectacles aux mineurs de Viloco et de Huanuni qui l’accompagnaient avec leurs instruments de musique tels que la caja, le charango et le siku. Dans cette région, un livre du poète, peintre et marionnettiste, Luis Luksic, El maravilloso Mundo de los Títeres (Le Monde merveilleux des Marionnettes) publié au Venezuela en 1959, connut un très grand succès. À la même époque, se distingua la compagnie de marionnettes de Don Andrés Aramayo, animant de sa voix rauque et carverneuse corridas, vol des condors ou saynètes de la vie quotidienne avec leurs personnages locaux. Des marionnettistes voyageurs comme l’Argentin Javier Villafañe avec son théâtre La Andariega parcoururent la Bolivie en 1941, présentant leurs spectacles et initiant à leur art enfants et enseignants. De même, entre 1947 et 1948, l’Uruguayen Juan Manuel Tenuta, du théâtre de marionnettes El Duende, de Montevideo, fut invité à donner plusieurs représentations à La Paz et dans plusieurs villes du pays.
À la même époque se développèrent des recherches sur la marionnette, avec l’anthropologue Antonio Paredes Candia, qui fut lui-même marionnettiste ou le professeur Rodolfo Betancourt, qui initié dans les années 1954-1955, devint un habile constructeur comme en témoigne un petit film en 16 millimètres qu’il réalisa en 1956, grâce auquel nous pouvons suivre la fabrication de l’un de ses personnages, le présentateur Juan Titirico.
La scène contemporaine
À partir des années 1960, les créations et les initiatives se multiplièrent. Parmi les acteurs principaux de ce mouvement artistique, Armando García à Jacuiba et Tarija ou encore Alexis Antíguez, d’origine argentine, qui exposa au Museo Nacional de Etnografia y Folklore (Musée national d’Ethnographie et du Folklore), et créa en 1965 un spectacle,
« Títeres para mayors », de « marionnettes pour adultes », avant de décider, plus tard, d’enseigner son métier. En outre, des artistes comme Eduardo Cassis et Eduardo Perales, Morayma Ibáñez, Raúl Bocangel, Norah Terrazas – sans oublier l’Argentin Eduardo Di Mauro, habile manipulateur – contribuèrent tous, par leur expérience et leur inventivité, à l’essor de cet art en Bolivie.
En 1972, eut lieu à Cochabamba le premier séminaire national (coordonné par Alexis Antíguez) intitulé « Los títeres en la Educación » (« Les Marionnettes dans l’Éducation ») sous les auspices du Centro Pedagógico y Cultural Portales (Centre pédagogique et culturel Portales), de l’Escuela de Títeres y el Taller de Libre Expresión (l’École de Marionnettes et de l’Atelier de libre Expression).
En 1975 enfin, fut créé, en même temps que l’Instituto Boliviano de Cultura (l’Institut bolivien de la Culture), le Taller Nacional de Muñecos y Objetos Animados (l’Atelier national de Théâtre de Marionnettes et d’Objets animés). Ce dernier dépend du ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports et compte parmi ses objectifs principaux, la formation, la réactualisation, le renouvellement et la diffusion de l’art de la marionnette. Il crée de nombreux spectacles, propose des cours et anime des ateliers tant pour les jeunes que pour les adultes. Il prépare et initie également les enseignants sur l’ensemble du territoire. Il dispose de sa propre troupe et donne des représentations pour enfants et adultes à partir d’un répertoire très vaste d’auteurs et de créateurs boliviens et internationaux, parmi lesquels Federico García Lorca, Javier Villafañe, Lope de Rueda (vers 1510-vers 1565), Vladimir Maïakovski, Jaime Gonzáles Portyal (qui, avec sa femme Clara, dirigea la formation au Taller durant de nombreuses années ; voir Clara Altamirano de Gonzáles et Jaime González Portal).
L’Atelier utilise, dans son travail, tous les types de marionnettes – marionnettes à gaine (cachiporra ou guignol), marionnettes à tiges, marionnettes à fils, marottes, marionnettes géantes, théâtre noir et théâtre d’ombres – et mène des études et des recherches sur les objets et leur animation (voir Théâtre d’Objets). Il est à l’origine du premier festival national de marionnettes et d’objets animés (le Títeres-Festiñecos).
Au milieu des années quatre-vingt, deux compagnies de marionnettes sont nées : El Kusillo, formée en 1985 à Cochabamba par l’acteur, poète et dramaturge Federico Augusto Rocha Reynolds; et Taypikala (Asociación para la Cultura y el Desarrollo Andino (Association pour la Culture et le Développement andin), créée en 1986 à Potosí par Ana María Gómez and Sergio Carrasco.
En outre, une Association départementale des marionnettistes (Asociación Departamental de Titiriteros, ASDETI) a été créée à La Paz en 1993 pour regrouper les marionnettistes et leurs troupes afin d’encourager et promouvoir leur art auprès de la population. Ses membres présentent des spectacles aux enfants des écoles, dans les quartiers et durant la promenade dominicale du Prado. Elle édite depuis 1994 un bulletin d’information destiné aux artistes membres. Des spécialistes comme Eduardo Cassis, Rudy Betancourt, Antonio Paredes et Jaime Gonzáles Portal furent parmi les participants aux conférences que l’association organisa sur l’histoire de la marionnette en Bolivie.
En 2001, avec la participation de nombreux marionnettistes et d’artistes, se tint la première assemblée nationale Festiñecos. C’est à cette occasion que fut créée l’UNIMA-Bolivie sous la présidence de Sergio Ríos, de la compagnie Uma Jalsu. La première organisation du festival de marionnettes Festiñecos se déroula en 2007 (Premio Nacional de Títeres y Objetos Animados Festiñecos 2007). D’autres festivals indépendants sont apparus: Fiestíteres à Sucre et Festitíteres à Cochabamba, initiés et organisés par Títeres Paralamano, Títeres La Pirueta and Títeres Elwaky. Des marionnettistes tels que Carmen Cárdenas, Juan Rodriguez, Maricel Sivila, Bayardo Loredo, Hugo Alvarado, Cesar Siles, Giovana Chambi, and Karina Noya, illustrent l’art contemporain de la marionnette en Bolivie.
Trois facteurs marquent la différence entre le présent et les périodes antérieures de l’art de la marionnette en Bolivie : le progrès de la qualité professionnelle des compagnies, l’installation d’un théâtre de marionnettes permanent en un lieu fixe à Parque Vial, Cochabamba et la création de trois Encuentros Nacionales de Títeres (Rencontres nationales de Marionnettes) pour faciliter l’organisation et de développement professionnel de la pratique artistique en Bolivie.
On estime qu’entre 2000 et 2011, plus ou moins trois mille spectacles ont été conçus en Bolivie et ont touché un public de plus de deux cent mille spectateurs.
Bibliographie
- Altamirano A., Juan. “Historia de los Títeres en Bolivia”. Educación Bilingüe e Intercultural. Reunión Anual de Etnología, 1994 (Tomo II). Series: Anales de la reunión Anual de Etnología. La Paz (Bolivia): Museo Nacional de Etnología y Folklore, 1994.
- Los Titeres en Bolivia. Resquicios #27. December 2013. Cochabamba: Publicación de la acción artístico – cultural permanente en el municipio de Cochabamba, 2013.
- Pérez Fernández, Marcelino. “El Carnaval de Oruro”. El Carnaval de mi pueblo. Santa Cruz, Bolivia, 1995.
- Revista de Filología Hispánica. Año V. Abril-Junio 1943, No. 2. Instituto de Filología, Facultad de Filosofía y Letras. Universidad de Buenos Aires, Argentina, 1943.
- Santillán Guemes, Ricardo. Imaginario del Diablo. Buenos Aires: Ediciones Del Sol, 2004.
- Trenti Rocamora, José Luis. El Teatro en la América colonial. Buenos Aires: Huarpes, 1947.