La République de Chypre (en grec : Kýpros, Κύπρος et Kipriakí Dimokratía, Κυπριακή Δημοκρατία ; en turc : Kıbrıs et Kıbrıs Cumhuriyeti), avec sa capitale, Nicosie, est une île autonome en mer Méditerannée orientale, située au sud de la Turquie, à l’ouest de la Syrie et du Liban, au nord-est d’Israël, au nord de l’Égypte et à l’est de la Grèce. La République de Chypre est de fait partagée en deux parties, le nord de l’île étant administré par la République Turque de Chypre du Nord auto-proclamée.

Karaghiozis

Le karaghiozis, théâtre d’ombres grec, fut introduit à Chypre à la fin du XIXe siècle alors que l’île était à la fois sous administration britannique et sous souveraineté ottomane. Plusieurs montreurs du début du XXe siècle sont restés célèbres. George Laoutaris (1901-1965), considéré comme l’un des meilleurs marionnettistes de son époque, exerça dans la région de Nicosie. Christodoulos Pafios (1904-1985 ?) débuta en 1923, après avoir appris le karaghiozis auprès des marionnettistes grecs Yerasimos et Athinodoros, se déplaçant à dos d’âne avec ses figurines et son attirail, de village en village, montrant ses spectacles quand les cafetiers l’y autorisaient, en échange du gîte et du couvert. Il se fit ainsi progressivement un nom, participant aux festivals d’Athènes dans les années trente. Des années plus tard, en 1978, il participa au Festival de Culture chypriote à Munich puis fut invité à Reims en 1981. Un autre célèbre marionnettiste de cette génération fut Nikos Ioannou (né en 1904) qui après son apprentissage auprès de Souliotis, également marionnettiste grec, commença à exercer pour son propre compte et donna ses spectacles pendant quarante ans. Quant à Athinodoros Georgiades (Omodhos, 1895-1958), c’est sous les drapeaux qu’il apprit le théâtre d’ombres. Revenu à la vie civile en 1920, il forma son propre théâtre et, avec ses figurines hautes en couleur et soigneusement fabriquées, joua professionnellement jusqu’en 1950.

La génération suivante de montreurs de karaghiozis fut représentée notamment par Yannis Kissonergis (né en 1914) et par Andreas Idhalias (né en 1917). Le premier était apprenti menuisier quand il vit jouer Nicos Ioannou, auprès de qui il entra en apprentissage. Il travailla aussi avec Athinodoros Georgiades, à ses yeux le meilleur marionnettiste de son époque. Bien qu’encore actif dans les années quatre-vingt, Kissonergis joua surtout de 1948 à 1973. Au répertoire traditionnel du karaghiozis, il ajouta ses propres pièces. Quant à Andreas Idhalias, il fit son apprentissage auprès de George Laoutaris (qui était son beau-frère) et fit partie des quelques marionnettistes qui non seulement jouaient les pièces traditionnelles, mais en inventaient d’autres sur des sujets d’actualité, adaptant son style à l’âge du public. Fortement menacé de disparition, le karaghiozis chypriote est encore aujourd’hui représenté par quelques rares montreurs comme George Idhalias, fils d’Andreas (né en 1939), ou, dans une moindre mesure, par Yiannis Pafios, petit-fils de Christodoulos Pafios. Le Musée d’Art populaire de Chypre conserve plusieurs figurines de Christodoulos Pafios et de Nikos Ioannou.

Karagöz

Dans la partie turque de l’île, le karagöz fut aussi représenté par des montreurs tel que Jemal Arif (qui jouait dans les années quarante dans le vieux quartier turc de Nicosie) ou Kara Moustafa, originaire de Dhali, un village des environs de la capitale.

Fasoulis

La tradition du fasoulis, genre traditionnel de marionnettes à gaine grec – joué dans un petit castelet de bois, éclairé, le marionnettiste créant les voix et les mouvements des personnages – le Fasoulis, éponyme du nom, aisément reconnaissable par « son » fez au long gland (tournant sur lui même et volant d’un côté et de l’autre) et sa laideur : un nez crochu, un œil unique – existait également à Chypre au côté du karaghiozis mais tout comme en Grèce, elle ne le supplanta jamais.

Formes nouvelles et pratique de la marionnette à Chypre depuis les années 50

Le théâtre de marionnettes connut un certain renouveau lorsqu’en 1953, Fef Adler, première ergothérapeute à Chypre, apporta à Chypre des têtes de marionnettes de Hohnstein (Saxe, Allemagne) sculptées par Max Jacob qu’elle avait rencontré et qui l’avait convaincue du rôle thérapeutique de la marionnette. Elle les donna à sa fille, Amaranth Sitas qui sut bientôt les manipuler devant ses propres enfants. Dès 1959, la troupe qu’elle avait formée avec son mari et quelques amis jouait pour la télévision. Après l’indépendance et la proclamation de la République (1960), les marionnettes furent introduites dans les jardins d’enfants et les écoles maternelles. En 1965, deux enseignants obtinrent qu’un petit théâtre fût installé dans le seul parc de l’île, à Limassol, et une troupe, formée de collègues et d’acteurs, auxquels se joignit Amaranth Sitas, le Kourkoulianós (du nom donné au « marchand de sable » à Chypre), y joua jusqu’en 1968. Un incendie le détruisit en 1972 et les marionnettes connurent une éclipse. Cependant, au cours des années quatre-vingt, Androula Embedocleous commença à donner de petits spectacles à Nicosie.

Amaranth Sitas, partie depuis 1971 en République sud-africaine où elle co-fonda le centre local de l’UNIMA (Union internationale de la marionnette), revint à Chypre en 1986. Elle rassembla une troupe et, dès 1989, un nouveau théâtre fut construit dans le parc de Limassol. Elle tenta également de créer un centre UNIMA-Chypre, entreprise qui échoua.

Cependant, la marionnette chypriote vit encore grâce aux efforts d’enseignants pour lesquels Spyroula Skordi, professeur d’arts plastiques, fournit des personnages qu’elle fabrique dans son atelier. Par ailleurs, formée en Grèce et en Grande-Bretagne, Angelo Evangelou enseigne la manipulation de marionnettes aux instituteurs de maternelle et donne des cours du soir. Elle connaît un certain succès avec une émission télévisée où elle fait évoluer des marionnettes du type Muppet. Faute d’encouragements officiels, le théâtre de marionnettes a cependant de grandes difficultés à survivre.

Bibliographie

  • Demetriou-Protopapa, Margarita. Karaghioziz, Shadow Theatre in Cyprus. Lefkosia:  Cyprus Folk Art Museum, 2004.
  • Yiangulis, K.G. The Art of Karaghozis in Cyprus and Reminiscences of Christodoulos Pafios.