La République d’Estonie (en estonien : Eesti Vabariik) est situé en bordure de la mer Baltique, au nord de l’Europe ; c’est un des trois pays baltes avec la Lettonie et la Lituanie. La capitale est Tallinn. La langue officielle du pays est l’estonien, une langage finno-ougrienne.
On sait peu de choses des débuts de la marionnette en Estonie. Les premières représentations se limitaient aux foires, et des marionnettistes itinérants venus d’Europe sont mentionnés dans certaines sources du XVIIe siècle. Au XIXe siècle, des théâtres mécaniques proposaient un répertoire traditionnel (Les Sept Merveilles du monde, Trente-six histoires tristes extraites de la vie de Pierrot, La Bataille de Magenta en 1859) et des pièces comiques avec Petrochka étaient montrées dans les rues.
Les premières compagnies
L’histoire de la marionnette estonienne n’a vraiment commencé que dans les années trente. C’est à cette époque que August Liblik (1888-1937), un cordonnier, artiste de cirque et professeur de danse, fonda la première compagnie semi-professionnelle de marionnettes et produisit trois spectacles avec des figurines animées assez complexes.
Le premier contact avec un théâtre de marionnettes professionnel remonte à l’été 1935, lorsque le Tchèque Josef Skupa entreprit une tournée en Estonie. L’année suivante, deux compagnies furent créées. Pillerkaar (Jamboree, 1936-1940), qui était gérée par Sam Siirak (un des acteurs de Lilik) et par le photographe, professeur de musique et fabricant d’instruments de musique, Taavet Poska. Ils proposaient des spectacles en intérieur et en extérieur et portaient un intérêt particulier au grotesque et aux marionnettes à fils non réalistes (parfois d’ailleurs remplacées par des marionnettes à gaine). Le théâtre, comme toutes les autres entreprises privées du pays, ferma ses portes en 1940, lorsque l’Estonie devint une république soviétique.
La seconde compagnie est l’œuvre d’un groupe d’enthousiastes, et fut fondée en 1936 en tant que subdivision de l’Atelier de Théâtre classique, dirigé par Leo Kalmet. La première, en 1936, comprenait deux parties: Möldri mälestusi (Les Mémoires de Miller), de Taavet Poska, et Nukitsamees (Bosselé), d’après une histoire d’Oskar Luts (1887-1953), auteur et dramaturge estonien. Afin de remédier au manque d’expérience de la compagnie, Leo Kalmet et son décorateur Päären Raudvee voyagèrent jusqu’à Prague pour s’inspirer du travail de Josef Skupa dont les marionnettes faisaient figure de norme en Estonie.
L’époque soviétique
Dans les années trente et quarante, les marionnettistes estoniens furent contraints d’intégrer les compagnies de théâtre traditionnelles de Viljandi, Kuressaare et Tartu. Les mêmes acteurs donnaient des spectacles de marionnettes pour enfants le matin et jouaient dans des pièces pour adultes le soir. À Tallinn, un groupe de marionnettistes partageait son temps entre le Théâtre d’État, Eesti Draamateater, et le Théâtre d’État de la Jeunesse, Eesti Riiklik Noorsooteater. Durant cette période, Alice Kaktus-Mägi joua un rôle majeur en invitant de jeunes artistes auprès des marionnettistes, en organisant des formations professionnelles, et en aidant ces jeunes recrues à maintenir leurs productions à un niveau artistique. La compagnie de Sergueï Obraztsov, qui visita l’Estonie entre 1947 et 1948, servit d’exemple aux marionnettistes locaux et suscita l’utilisation croissante de marionnettes à gaine et marionnettes à tiges, ainsi que de la technique du théâtre noir.
Après la deuxième guerre mondiale, la marionnette estonienne a été dominée par l’Eesti Riiklik Nukuteater (Théâtre d’État estonien de Marionnettes) fondé à Tallinn en 1952, et par deux de ses animateurs, aux personnalités parfaitement antagonistes, Ferdinand Veike et Rein Agur.
Ferdinand Veike fut le premier directeur artistique et Raivo Laidre le chef concepteur. Les productions initiales étaient basées sur les contes de fée éducatifs classiques pour les enfants soviétique écrits pas Samuil Marshak et Sergey Mikhalkov. Ce n’était toutefois pas la seule tendance : en 1953, la production de Friedrich Reinhold Kreutzwald Vaeslapse käsikivi (The Orphan’s Hand-Mill, conte de fée estonien), combinait, par exemple, des acteurs et des marionnettes manipulées faisant progresser le langage artistique dans une voie que le système soviétique ne permettait pas. Néanmoins, le travail de la compagnie s’adressait en premier lieu aux enfants ; il dépassait la pure technique du jeu de marionnettes pour la vivifier et faire preuve d’inventivité. Dans les années soixante, la compagnie concourut avec succès dans différents festivals internationaux avec Kaval-Ants ja Vanapagan (Délicates Fourmis et vieux Diable), Hunt ja seitse kitsetalle (Le Loup et les sept Enfants), Le Petit Éléphant curieux et d’autres, dirigés par Veike et imaginés par Laidre qui restèrent avec la compagnie pendant vingt ans (1952-1972).
En 1962, Rein Agur monta à bord après avoir obtenu son graduat à l’Institut d’État de Théâtre, Musique et Cinématographie à Leningrad. Comme jeune et productif directeur, il apporta des idées fraiches à l’Eesti Riiklik Nukuteater influencé par nouvelles tendances anti-Obraztsov et pro-Korolev à la fois européennes et russes ; ceci permit à la compagnie de se révéler plus innovatrice et plus expérimentale. (Voir Sergei Obraztsov, Mikhail Korolev.)
Comme nouveau directeur artistique du Théâtre d’État estonien de Marionnettes entre 1981 et 1992, Agur était le parfait contraire de Veike.
Veike favorisait l’usage des marionnettes à gaine ou à tiges et les contes de fées estoniens traditionnels. Son travail était extrêmement visuel et émotionnel et il incorpora à chacune de ses productions (parmi lesquelles La Petite Cigogne et l’Épouvantail, en 1969, étaient probablement les meilleures) une dimension poétique et irrationnelle. Agur, qui intégra la compagnie en 1963, partait, au contraire, presque toujours d’un concept. Il utilisait systématiquement de vrais acteurs aux côtés des marionnettes et voyait dans la mise en scène un texte dont les signes doivent être manipulés. Agur travailla de 1963 à 1992 avec la compagnie et dirigea ses meilleures productions avec le concours de divers créateurs : Roméo et Juliette (avec Rein Lauks), Songe d’une Nuit d’Été (avec Riina Vanhanen). Il bénéficia au mieux de la contribution du créateur Jaak Vaus ; leur collaboration se développa de 1970 à 1980 et peut être considérée comme un apport à la revitalisation du Théâtre d’État estonien de Marionnettes. Les deux grands directeurs et leaders Ferdinand Veike et Rein Agur n’ont pas eu de successeurs. Plusieurs prétendants occupèrent la direction artistique durant les années 1990… mais sans résultats marquants.
L’époque contemporaine
Au début du XXIe siècle, les artistes estoniens utilisaient la gamme complète des moyens d’expression contemporains. Une grande attention était portée au jeu d’acteur et la littérature nationale fut adaptée avec succès sur scène : Petit Illimar de Friedebert Tuglas (1975), Dans les pas d’un homme d’Anton Tammsaare (1978), par exemple. À la fin des années quatre-vingt, l’actrice et directrice de théâtre Helle Laas, produisit trois spectacles pour enfants inspirés de contes de fées finno-ougriens : Les Contes de Vespa (1986), Les Contes de Setu (1988) et Les Contes de Saami (1990).
À partir de l’an 2000, Meelis Pai devint directeur général de l’Eesti Riiklik Nukuteater. Andres Dvinjaninov était directeur artistique du théâtre entre 2000 et 2011. Tous deux furent à la base d’un notable renouveau et d’importants changements du théâtre. En quelques saisons, le théâtre acquit un tout nouveau look : tout le building fut rénové, de nouvelles personnalités rejoignirent l’équipe, de plus en plus de personnes étaient attirées par les shows et une grande attention fut apportée à un rajeunissement du public.
Andres Dvinjaninov devint une figure clé de la marionnette estonienne. Depuis 2003, Andres Dvinjaninov est le président de la section estonienne de l’UNIMA. Comme directeur artistique de l’Eesti Riiklik Nukuteater (Théâtre d’État estonien de Marionnettes) depuis 2000, il contribua à rénover et à dynamiser. Le répertoire fut élargi, incluant des productions plus expérimentales, des pièces en musique et les œuvres de jeunes artistes. Chaque été, des spectacles sont donnés en plein air à travers le pays. En 2000, l’Atelier de Théâtre classique de la Jeunesse fut créé au sein de la compagnie.
Depuis 2004, un concours, Pööning, promeut chaque année un jeune dramaturge. Une maitrise en arts de la marionnette, premier enseignement supérieur spécialisé dans ce domaine, a été ouverte à l’École supérieure de Théâtre de l’Académie estonienne de Musique en coopération avec le Théâtre national de Marionnettes en 2002. La même année, le festival international Jeune Siècle, qui a lieu tous les deux ans, s’est associé au Festival de la Marionnette des Pays baltes, créé en 1992.
Une deuxième phase de changement pour l’Eesti Riiklik Nukuteater commença en 2006 pour se poursuivre jusqu’en 2012. Au nom de Théâtre d’État estonien de Marionnettes fut adjointe l’appellation de Théâtre de la Jeunesse de façon à produire des pièces à l’intention des jeunes aussi bien que des adultes. Actuellement, la dénomination officielle est Eesti Nuku- ja Noorsooteater (Théâtre d’État estonien de Marionnettes et de la Jeunesse). La cour du théâtre fut couverte par un grand toit et, ainsi un grand et nouveau hall fut créé. Des coopérations avec des directeurs étrangers et des relations internationales se sont développées. Le Festival international de Théâtre Tref fut créé et, en 2010, le Musée NUKU et Centre des Arts de la Marionnette furent ouverts dans un bâtiment voisin unissant ainsi musée, centre de recherche, ateliers de fabrication de marionnettes, et Théâtre d’État estonien de Marionnettes et de la Jeunesse (voir Eesti Riiklik Nukuteater). Le but du musée de la marionnette est de développer tous les aspects du théâtre de marionnettes et d’exposer le théâtre de marionnettes de façon interactive et innovante. Depuis 2010, l’organisation regroupe toutes ses activités sous le nom NUKKU (marionnette en estonien) afin d’avoir un nom commun au complexe réunissant théâtre, musée, secteur de recherches. Depuis 2011, le directeur artistique du théâtre est Vahur Keller. En 2012, le théâtre s’est encore développé dans deux bâtiments situés dans la vieille ville de Tallinn, la capitale estonienne.