La République démocratique socialiste du Sri Lanka (connue jusqu’en 1972 sous le nom de Ceylan) est un pays insulaire en Asie du sud proche de l’Inde, au nord-ouest et des Maldives, au sud-ouest. C’était un royaume indépendant jusqu’au début du XIXe siècle quand la Grande-Bretagne envahit le pays et le colonisa ; il accéda à l’indépendance en 1948. La population du Sri Lanka présente un large éventail de religions, langues et ethnies : les Cingalais, les Tamouls, les Maures, les Burghers (d’origines portugaise ou néerlandaise), les Malais et les indigènes Veddas. Le Sri Lanka se glorifie de posséder, dans son patrimoine, les plus anciens écrits bouddhistes connus, le canon pali qui date du 4e concile bouddhiste, en 28 avant Jésus-Christ.

La Chronique pali (textes historiques postcanoniques écrits en langage pali, reprenant l’histoire primitive du bouddhisme, son rôle au Sri Lanka et rappelant les bonnes actions des anciens rois du pays, à partir du IVe siècle après J.C.) mentionne des figurations mécaniques de dieux allant et venant, les mains jointes, avec des rangées de chevaux mécaniques qui galopent de-ci, de-là, et également des éléphants mécaniques portant des ornements. Il y est question, aussi, de faux montreurs de figures de cuir (camma rupa) qui étaient de vrais espions à la solde du roi. On en déduit que des figures mécaniques d’humains et d’animaux ont précédé l’usage de marionnettes manipulées. Quant aux « figures de cuir », elles sont la preuve que le théâtre d’ombres était connu vers le XIIe siècle, même si leur emploi ne semble pas s’être prolongé jusqu’au temps présent.

La tradition

Le terme qui désigne la marionnette est rukada, littéralement « figurine » ou « poupée », ordinairement en bois. La représentation d’humains ou d’animaux était aux mains d’artistes spécialisés habitant la côte sud-est et produisant aussi des masques. On suppose que certains d’entre eux virent le parti qu’on pouvait en tirer et commencèrent à en faire les personnages de divertissements qu’ils donnaient dans la rue ou sur les places. Ces premiers marionnettistes itinérants se joignirent à des musiciens et à des acteurs pour produire des spectacles lors des festivités et des foires. Bouddhistes, ils choisirent des thèmes religieux et, comme en Inde, la marionnette devint, au Sri Lanka, le vecteur des valeurs morales et religieuses. Cependant, la marionnette, en tant qu’art dramatique, date du début du XXe siècle, lorsque des familles d’artistes et d’artisans se virent reconnaitre leurs talents de sculpteurs et de gens de spectacle.

Dès ses débuts, le drame pour marionnettes était lié à la forme appelée nadagama, qui était devenue extrêmement populaire au cours du XIXe siècle. Les acteurs devinrent manipulateurs et chanteurs. À la différence du nadagama pour acteurs, celui des marionnettes a survécu en s’adaptant. La pièce la plus connue du genre était l’Ahalepola nadagama, drame historique présentant les malheurs de la famille Ahalepola, victime des intrigues de cour, lors du conflit qui opposa les souverains locaux aux colonisateurs britanniques.

La pratique villageoise

Les marionnettistes traditionnels forment un petit groupe autour du village d’Ambalangoda, dans le Sud de l’ile. Il ne reste que trois ou quatre troupes actives qui jouent à la demande. La troupe Sri Anura est parmi les plus remarquables. Son directeur, Gamvari, poursuit la tradition de son père, qui fut un des derniers maitres marionnettistes. La famille participe aux spectacles et la troupe possède des marionnettes, des éléments de scène, des éclairages, et des pièces destinées aux publics villageois qui se rassemblent dans les temples bouddhistes ou dans les écoles. Le commanditaire des spectacles est, soit une personne, soit une association religieuse ou sociale.

La marionnette a presque disparu des régions d’altitude, où elle était populaire. À Jaffna, dans le Nord de l’ile, là où vivent principalement les Tamouls sri-lankais, elle est appelée bhommalatam, « poupée dansante », ce qui semble dénoter une influence sud-indienne (voir Inde). La tradition tamoule du nadagama y est perceptible, avec l’Ariccandra qui consiste en une série de pièces tirées de la vie du roi Hariscandra (ou Harishchandra), personnage du Mahâbhârata indien.

Les marionnettes traditionnelles, à fils et à tiges, sont sculptées dans les essences locales. Leur taille moyenne est de 90 à 120 centimètres, mais les personnages de rois ou de courtisans sont plus grands et plus lourds. Une troupe peut posséder jusqu’à deux- cents figures. La scène est une construction improvisée dressée sur le lieu de la représentation par la troupe qui apporte aussi ses écrans, rideaux et panneaux décoratifs.

Le répertoire est basé sur les jâtakas, récits des vies antérieures de Bouddha, ou sur des récits historiques. Dans chaque pièce apparaissent d’abord les konangi ou bahubhutaya, clowns danseurs. Suit une scène comique qui fait dialoguer un policier et un ivrogne. Pour finir, le chef de la troupe fait la démonstration de son habileté avec le numéro de la « danseuse » qui met en scène une marionnette féminine habillée et manipulée avec art.

Les XXe et le XXIe siècles

L’art de la marionnette n’était guère reconnu au Sri Lanka, jusqu’à ce que soient créés, dans les années cinquante, donc après l’indépendance, un département des Affaires culturelles et un conseil des Arts. L’État développa alors des programmes destinés à aider les artistes traditionnels à tenir des écoles et à former de jeunes talents dans le cadre d’ateliers. Ainsi, la compagnie Sri Anura put prendre part à plusieurs festivals à l’étranger (Japon, Taïwan et Inde). Réciproquement, l’État favorisa la venue de marionnettistes étrangers (tchèques, américains, australiens, japonais notamment) afin de stimuler les artistes sri-lankais.

Par le biais de sa section des arts de la marionnette, le conseil des Arts du Sri Lanka s’est efforcé de promouvoir l’art de la marionnette et de maintenir sa tradition par des festivals nationaux, des concours de compagnies, des prix destinés à récompenser les plus talentueuses, ainsi que par des séminaires et des ateliers organisés, presque chaque année.

Des artistes et des troupes ont été sensibles aux nouvelles tendances de l’art de la marionnette. Les chaines de télévision publiques et privées se sont ouvertes à quelques artistes qui donnent des programmes pour enfants ou, pour les adultes, des satires politiques, employant des marionnettes de style « Muppet».

La première école de marionnettes au Sri Lanka est celle du Thidora Theatre qui ambitionne d’aider des enseignants et des handicapés mais aussi d’entrainer des marionnettistes contemporains. Un musée de la marionnette présente différents exemples de masques et de marionnettes à Dehiwala.

Malheureusement, il n’y a pas, au Sri Lanka, de réelles compagnies professionnelles qui travaillent durablement. Les Lamplight Puppeteers constituent une exception. Depuis le début des années soixante, la famille Cruz, Maxie et Yvonne Cruz et, durant un certain temps, leurs quatre enfants ont présenté des marionnettes à fils dans le cadre de divertissements. Ils ont interprété leurs spectacles à travers tout le Sri Lanka, à l’occasion d’une variété d’évènements. En 2008, ils ont été invités à se produire dans le cadre du 20e Festival mondial de Marionnettes de l’UNIMA, à Perth, en Australie.

Récemment, une collaboration interculturelle concernant le wayang golek de Java Ouest s’est établie entre de jeunes artistes sri-lankais dont Sulochana Dissanayake de la compagnie Power of Play (Le Pouvoir du Jeu) et des artistes indonésiens de Sunda (Java Ouest) dont les dalangs Batara Sena Sunandar Sunarya et Arief Nugraha Rawanda. Ils ont créé des spectacles en utilisant de nouvelles techniques de marionnettes empruntées au wayang golek pour le Ruukada Golek d’Indonésie racontant une histoire moderne inspirée par un conte populaire sri-lankais associant le gamelan indonésien et la batterie traditionnelle sri-lankaise (voir Wayang. Le show était sponsorisé par l’ambassade indonésienne de Colombo. En 2012, grâce à un financement du Goethe-Institut (Institut Goethe, association culturelle allemande) de Colombo, l’artiste marionnettiste traditionnel sri-lankais Premin Ganvari représenta Re-capturing Premin dans la cadre du festival de Jaffna.

Les marionnettes sont aussi utilisées dans le cadre de l’éducation au SIDA, de formations d’entreprise, de spectacles scolaires et d’autres occasions. Actuellement, on constate une recrudescence de marionnettes contemporaines dans l’éducation et le spectacle au Sri Lanka. Le défi est d’intégrer le marionnettiste traditionnel dans le travail actuel depuis que les prestations purement traditionnelles ne réunissent plus qu’un public limité.

Bibliographie

  • Culavamsa [Petite Chronique]. Ch. 85, 15-16 and Ch. 66, 133. Trans. Wilhlem Geiger. 2 vols. London: Pali Text Society, 1929-1930; rpt. New Delhi: Vedams Books, 1996.
  • Kariyawasam, T. “The Development of Puppetry in Sri Lanka”. Abhinandana, J. Tilakasiri Felicitation Volume. Colombo, 1991, pp. 174-176.
  • “Puppetry in Sri Lanka”. http://www.puppetrylk.com/index.html. Accessed 29 juillet 2012.
  • “Recapturing Premin at Columbo Dance Platform 2012 Rooja Puja”. YouTube. http://www.youtube.com/watch?v=yRAF4R1hhHQ
  • “The Shadow Play in Ceylon”. Journal of Royal Asiatic Society. 1930, p. 627.
  • Tilakasiri, Jayadeva. Puppetry in Sri Lanka. Colombo: Department of Cultural Affairs, 1971.