L’Ukraine (en ukrainien : Україна, en lettres latines, Ukrayina ou Ukraina) est située en Europe de l’est et jouxte la Russie, la Biélorussie, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Moldavie. La région couverte par l’Ukraine moderne a une histoire très ancienne ; c’était la clé de voute de la culture slave orientale durant le Moyen ge. C’est la religion orthodoxe orientale qui est dominante et exerce une profonde influence sur la musique ukrainienne, les arts et l’architecture.
Les traditions du théâtre de marionnettes ukrainien ont leurs racines dans les liturgies slaves, les rites païens et les jeux qui employaient divers masques et poupées. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, le vertep (« grotte » en slave ancien) ou jeu de la Nativité devint très populaire. La construction de la crèche et le déroulement dramatique sont identiques à ceux de la szopka polonaise (voir Pologne) ou de la batleïka biélorusse (voir Biélorussie), à quelques particularités près. Il s’agissait d’une caisse en forme de maisonnette dont le toit était surmonté d’une croix. Sous celle-ci, on plaçait, avant le début du spectacle, une bougie allumée derrière une fenêtre en forme d’étoile. Le côté ouvert face au public présentait deux niveaux dans lesquels une rainure permettait la manipulation des petites marionnettes fixées à des tringles ou à des poignées. Les marionnettes étaient habituellement en bois et n’étaient capables que de mouvements très sommaires.
Le niveau supérieur était réservé au jeu de la Nativité dans lequel apparaissaient des anges et les Rois mages avec leurs cadeaux. L’action, après cela, se déplaçait à l’étage inférieur où avait lieu le massacre des Innocents par Hérode précédant la pièce des Zaporogues (Cosaques), semblable aux autres spectacles de rue européens.
Le vertep passe pour l’une des plus mystérieuses formes de théâtre traditionnel, non seulement parce qu’il repose sur une représentation archaïque de l’univers, mais parce qu’il mêlait les deux formes de théâtre de l’époque, le sacré et le (très) profane.
La première trace écrite du vertep se trouve dans des chroniques de 1533 de l’école de théologie de Lviv à propos du foyer des étudiants itinérants, ou boursa. De fait, ce sont les étudiants de la boursa qui commencèrent à faire valoir le vertep en passant de village en village – on peut en trouver une description dans Viy ou le Diable (1835), une nouvelle de Nikolaï V. Gogol.
En 1770, le plus ancien castelet de vertep, dans le village cosaque de Sokyryntsi (province de Poltava), fut acquis par un propriétaire terrien, Grigori Galagan. Ses figures originales sont exposées à Moscou, au musée de marionnettes du Théâtre Sergueï-Obraztsov, tandis que le castelet (la crèche) est au musée du Théâtre de Marionnettes central de l’Académie d’État « Sergueï Obraztsov », à Moscou également (voir Gosudarstvenny Akademichesky Tsentralny Teatr Kukol imeni S.V. Obraztsova). Par ailleurs, il existe un festival de vertep à Moscou depuis 1995, organisé initialement par Viktor Novatski (1929-2003) et Irina Ouvarova.

La professionnalisation

À côté des formes populaires, il existait en Ukraine une forme plus professionnelle de théâtre de marionnettes. À partir du XVIIIe siècle, des marionnettistes européens (italiens, allemands et français) y jouaient des farces et des comédies, le plus souvent avec des marionnettes à fils. Il s’y ajouta, au XIXe siècle, des spectacles d’automates, du théâtre optique et mécanique.
Au début du XXe siècle des personnalités du monde théâtral et des artistes s’intéressèrent aux traditions populaires. En 1905, le compositeur et musicologue Nikola Lyssenko (1842-1912) donna un spectacle à base de vertep dans son studio de musique et de théâtre à Kyiv. Aleksander Stepanovitch, dit Les Koubass (1887-1942) fut attiré aussi par le jeu de la Nativité ; en 1916, il fonda la compagnie du Jeune Théâtre dont un des premiers spectacles, qui marqua la vie théâtrale ukrainienne, fut Vertep, joué dans une crèche surdimensionnée dans laquelle des acteurs humains imitaient les mouvements mécaniques des marionnettes, au niveau supérieur, tandis que, au niveau inférieur, l’élément comédie était joué dans le style théâtral habituel.
La compagnie Bi-Ve-Mar, fondée à Kharkiv par deux plasticiens, Piotr Djounkovski et Vera Beloroussova, s’inspira aussi de la tradition. Influencés par les marionnettistes tchèques, les deux artistes rêvaient d’un théâtre expérimental combinant plusieurs techniques, marionnettes à fils, ombres et ventriloquie – d’où le nom de la compagnie, Bi (première syllabe du nom d’une marionnette, Bi-Ba-Bo), Ve pour ventrolka, « ventriloque », Mar pour « marionnette ». Leur premier spectacle fut Le Rossignol (1922) d’après Hans Christian Andersen. Le succès venant, ils se lièrent avec Nina Simonovitch-Efimova et Ivan Efimov dont ils furent, en partie, les élèves.

La période soviétique

Dans le domaine du théâtre, contrairement aux autres républiques constituant l’Union soviétique, l’Ukraine resta, relativement indépendante, dans les limites de l’hégémonie russe. Ainsi, les théâtres de marionnettes voués à l’agit-prop apparurent en Ukraine dans les années vingt, mais ils étaient centrés sur le modèle du vertep. Un des initiateurs de ce mouvement fut Oleg Kissil qui, en 1918, écrivit un livre et plusieurs articles sur le vertep, sa professionnalisation et son adaptation aux textes contemporains. Ces idées trouvèrent leur réalisation avec Le « Vertep » révolutionnaire porté à la scène en 1923 à Mejigoriye par les élèves et les enseignants de l’école d’art dirigée par Pavel Gorbenko.
Dans les années trente et quarante, le théâtre de marionnettes ukrainien fut grandement influencé par les conceptions et les spectacles de Sergueï Obraztsov. Entre 1934 et 1940, près de trente théâtres de marionnettes, c’est-à-dire un dans chaque centre régional ou presque, essayèrent de se doter d’une compagnie semblable à la sienne, employant, comme lui, des marionnettes à gaine ou marionnettes à tiges, avec des décors et des styles de jeu semblables.
Il n’en resta plus que douze au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Les spectacles de l’après-guerre et des premières années de la décennie cinquante se rapprochaient du réalisme, avec leurs décors de théâtre miniature et leurs marionnettes évoquant des mannequins.
Viktor Andreïevitch Afanassief joua un rôle décisif en réorientant l’art ukrainien de la marionnette. Placé en 1952 à la direction du Théâtre de Marionnettes de Kharkiv, dont il fit la meilleure compagnie ukrainienne, il suscita une génération de marionnettistes professionnels qui se fit connaitre à l’extérieur : Valeri Volkhovski, Leonid Khaït, Sergueï Efremov, Viktor Chraïman, Youri Friedman et des acteurs comme Eleonora Smirnova, Charles Phoerberg, Evgueni Terletski.
Les années soixante furent marquées par un réveil des organisations professionnelles ukrainiennes. La section « Marionnettes » de la Société théâtrale à Kyiv organisa avec succès des séminaires, des conférences et des festivals. Le répertoire se tourna plus volontiers vers des auteurs ukrainiens comme Grigori Oussatch, Vladimir Orlov et Piotr Vyssotski. Les pièces d’Efim Tchepovetski (Oh là là, Mytsik !, Je suis un Poulet, tu es un Poulet !, Conte de Fées sens dessus dessous) devinrent particulièrement populaires.
Des départements Marionnettes s’ouvrirent dans les diverses écoles supérieures d’art (au théâtre de Kyiv avec Aleksander Solomarski en 1966 ; à l’Institut d’Art de Kharkiv avec Viktor Afanassiev en 1969) et leurs diplômés dirigèrent bientôt des compagnies.
Dans les décennies soixante-dix et quatre-vingt, Sergueï Efremov, Youri Sikalo (du Théâtre républicain de Marionnettes), Boris Azarov (du Théâtre de Marionnettes de Crimée basé à Simferopol), Valeri Bougayov (du Théâtre de Marionnettes de Dniepropetrovsk), Leonid Popov (du Théâtre de Marionnettes de Khmelnitskyï) étaient considérés comme l’élite de l’art ukrainien de la marionnette.
En 1975, un Théâtre national de Marionnettes fut créé à Loutsk (dans le nord-ouest) qui, dirigé par Danila Pochtarouk, devint bientôt le foyer des festivals de marionnettes ukrainiens inaugurés en 1983, et auxquels s’ajoute, depuis 1992, un festival du vertep.

Les tendances postsoviétiques

L’effondrement de l’Union soviétique plaça le théâtre de marionnettes, en Ukraine comme dans les autres républiques, dans une situation difficile. La plupart des compagnies nationales ou communales restèrent cependant en activité, rejointes par de nombreuses troupes privées. Ainsi, le Théâtre de Marionnettes de Kyiv fut d’abord une entreprise privée, fondée par le metteur en scène, constructeur de marionnettes et scénographe Mikhaïl Yaremtchouk en 1989. Il commença par des spectacles pour enfants (Ici vivait un Vieux, Un Sac roulait, Qui peut réveiller le Soleil ?, Le petit Chaperon rouge) que leurs qualités dramatiques et techniques adressaient aussi aux adultes. Puis la compagnie passa à La Cerisaie d’Anton Tchekhov, puis à La Maison que Swift a bâtie, pièce de Grigori Gorine. Tous les spectacles de Yaremtchouk et de sa scénographe-conceptrice de marionnettes Tatiana Torbenko sont en quelque sorte une variation sur les mythes de la création, car les marionnettistes font apparaitre, à vue, tout leur univers scénique. La compagnie a parcouru l’Europe.

Bibliographie

  • Fedas, I. E. Ukrainskiy narodniy vertep (v issledovaniyakh 19-20 vekov) [Le Vertep populaire ukrainien dans la Recherche des XIXe et XXe siècles (Recherche des XIXe et XXe siècles)]. Kiev, 1987. (En russe)
  • Franko, I. “Do istorii Ukrainskogo vertepu 18 veku” [Histoire du Vertep ukrainien au XVIIIe siècle]. Zapiski Naukovogo Tovaristva [Actes de l’Association scientifique]. Vols. 71-72, 1906. (En ukrainien)
  • Goldovsky, Boris, and S. A. Smelyanskaya. Teatr kukol Ukrainiy [Le Théâtre de Marionnettes ukrainien]. San Francisco: International Press, 1988. (En russe)