Le royaume de Danemark (en danois : Kongeriget Danmark) est le plus au sud des pays scandinaves, situé au sud-ouest de la Suède et au sud de la Norvège ; il est bordé, au sud par l’Allemagne. L’État souverain comprend le Danemark proprement dit et deux territoires autonomes dans le Nord de l’océan Atlantique : le Groenland et les iles Feroe.

C’est autour de 1670 que la présence au Danemark de marionnettistes itinérants italiens et français est attestée pour la première fois. Les troupes présentaient semble-t-il des comédies de Polichinelle avec probablement la collaboration d’un interprète, comme en Angleterre. Avec le temps, les spectacles de marionnettes devinrent de plus en plus populaires et en, 1718, un montreur français, Etienne Capion, créa un théâtre de marionnettes à Copenhague dont le très large répertoire comprenait, entre autres, des pièces de Shakespeare. On sait aussi qu’à partir de 1795, Dyrehavsbakken (le plus ancien parc d’attraction au monde, créé à Klampenborg dans les environs de la capitale) était le seul lieu permanent où l’on pouvait voir le héros traditionnel des marionnettes danoises, Mester Jakel (Maître Jacques, la variante danoise d’un personnage populaire du nord de la France.

Parallèlement à ces spectacles populaires, se développa une tradition plus classique et bourgeoise à laquelle participèrent des artistes et des musiciens renommés de l’« Âge d’or danois ». En 1810, le compositeur Christopher Friederich Weyse (1774-1842) construisit ainsi un théâtre de marionnettes pour y présenter, accompagnées de sa musique, des comédies de Johan Ludvig Heiberg (1791-1860).

Au tournant du siècle, le peintre Jens Ferdinand Willumsen (1863-1958) créa également un élégant castelet dans lequel il présenta, avec des auteurs contemporains, des pièces de marionnettes.

Le XXe siècle

Au XXe siècle, l’illustrateur Ebbe Sadolin reprit cette tradition classique dans le théâtre qu’il fonda en 1922 et où il mit en scène les contes d’Andersen dans des décors pittoresques, sur une musique de Knudåge Riisager (1875-1974). Sadolin fit des tournées dans toute l’Europe, s’efforçant de donner au théâtre de marionnettes ses lettres de noblesse.

En 1930, l’artiste Helgo Jørgensen (1888-1972) décida de donner un nouveau souffle aux anciennes comédies de Mester Jakel en les modernisant et en créant ses propres marionnettes à tiges qu’il montra, pendant sept ans, dans les jardins de Tivoli, à Copenhague. Par la suite, il se produisit dans les parcs de la ville avant de pouvoir disposer de son propre théâtre dans les jardins royaux de Kongens Have en 1970. Après sa mort, ce théâtre fut repris par Birthe Norst qui y présente depuis, deux spectacles quotidiens pendant les mois d’été, bien que Mester Jakel ne figure plus au répertoire.

En 1962, le théâtre de marionnettes danois connut une nouvelle impulsion avec l’actrice Jytte Abildstrøm (née en 1934) qui découvrit toutes les ressources de cet art au cours de son passage au Centre de marionnettes d’Alexis Robert Philpott à Wandsworth en Angleterre. Avec Paulette Møller (née en 1928) – qui lança, quant à elle, le théâtre de marionnettes de Legoland (Parc d’attraction Lego aménagé à Billund, dans le Jütland) en 1968 – et Hertha Kaah, elle fonda sa propre compagnie de marionnettes dont le premier spectacle fut une adaptation du Médecin volant de Molière. Son théâtre fait aujourd’hui encore des tournées au Danemark, présente régulièrement des spectacles à Riddersalen (par exemple le Kong Ubu (Ubu roi) de Michael Meschke), et accueille également des troupes étrangères.

En 1966 fut ouvert le premier théâtre permanent pour enfants de Copenhague, Det lille Teater (Le petit Théâtre) qui utilise souvent les marionnettes. Karusellen (Le Carrousel), sa première production, inspirée de textes du poète Halfdan Rasmussen (1915-2002), fut créée par Kaj Matthiessen (1929-1986) qui avait déjà travaillé plusieurs années avec des marionnettes en Algérie. Cette pièce fut suivie d’autres spectacles donnés aussi bien au petit Théâtre qu’à celui de Kongens Have. Un des élèves de Kaj Matthiessen, Morten Grue (né en 1948), se fit un nom avec des pièces pour enfants et adultes dont certaines adaptées de l’œuvre de Hans Christian Andersen, au Bådteatret (Théâtre du Bateau), au théâtre de Kongens Have ainsi qu’au Kongelige Teater (Théâtre royal) et à la télévision.

À partir de la fin des années soixante, la scène théâtrale danoise prit une nouvelle direction avec des recherches alternatives sur l’environnement enfantin. De nombreuses troupes itinérantes virent le jour, présentant des pièces traditionnelles pour enfants mais évoluant rapidement vers un travail plus expérimental inspiré d’autres arts et s’appuyant sur l’utilisation inventive et toujours surprenante d’objets de l’environnement quotidien.

En 1969, fut fondée l’Association des théâtres pour enfants, ASSITEJ Danmark, rassemblant des compagnies de marionnettes professionnelles ainsi que des théâtres d’acteurs pour enfants et adolescents. Elle comptait, en 2013, soixante-huit membres qui présentent leurs créations lors de deux festivals annuels.

L’un de ces théâtres était le Paraplyteatret (Théâtre Parapluie), créé par Ray Nusselein (1944-1999) en 1969 et dirigé par celui-ci jusqu’à sa mort en 1999. Internationalement reconnu pour ses onemanshows poétiques comme Min Altankasse (Ma Boite Fenêtre), où les marionnettes étaient fabriquées avec de simples objets de la vie quotidienne), Nusselein offrit au public sa vision très singulière du spectacle pour enfants. Comme l’écrivait son amie, la dramaturge Biba Schwoon, ses créations étaient fondées « sur l’alternance entre l’idée, l’expression visuelle et le langage des émotions, l’un n’allant jamais sans l’autre. Ce n’est que lorsque tous ces éléments étaient en place que le spectacle pouvait se poursuivre, en interaction avec son public enfantin ». Cette conception philosophique du jeu et du dialogue eut une grande influence sur le théâtre d’enfants au Danemark.

Un autre marionnettiste internationalement célèbre est Ole Bruun-Rasmussen qui fut applaudi pour son travail comme metteur en scène, décorateur, enseignant et auteur et qui travailla pendant longtemps au Burkina Faso. Il vit actuellement en Suède et son théâtre, le Life-Line-Theater se produit régulièrement au Danemark.

En 1981, Tom Nagel Rasmussen et Catherine Poher fondèrent le Bjørneteatret (Théâtre de l’Ours) qui utilisait des marionnettes et des objets pour créer de nouveaux spectacles visuels, jusqu’à sa fermeture en 2000.

En 1983, vit le jour l’association En anden slags Teater (Un autre type de théâtre) et en 1988, la section danoise de l’UNIMA fut reconnue, représentant en 2013, quarante-cinq théâtres de marionnettes professionnels et dix compagnies amateures.

Dans les années quatre-vingt-dix, dans le théâtre pour adultes, le célèbre Odin Theatre s’intéressa à la création alternative avec marionnettes et objets (Itsi Bitsi) de même que le Blå Hest (Le Cheval bleu) avec En dukkes erindringer (Les Réminiscences d’une Poupée) tandis que Hans Rønne et Teatret (Le Théâtre) exploraient de nouvelles voies dans le théâtre pour jeune public avec leur célèbre spectacle Springtime (Printemps). À partir du milieu des années 1990, le Thy Teater de Hanstholm, Jütland, créa des pièces de marionnettes pour adultes et forma des artisans et des montreurs.

Dans ces années, le théâtre professionnel pour enfants se développa également en délaissant les approches politiques et esthétiques des années précédentes.

À cet égard, l’une des plus remarquables compagnies est le Teater Refleksion (Théâtre Réflexion) à Århus, fondé par Bjarne Sandborg. Atelier de création à l’origine, ce théâtre a constamment cultivé un style artistique spécifique dans l’art de la marionnette et dans l’animation, particulièrement visible dans Prinsen og hans Tjener (Le Prince et le Serviteur), une de ses pièces les plus originales. Par ailleurs, de jeunes marionnettistes en provenance du théâtre, poursuivirent leurs études et créèrent leurs propres troupes. En 2010, le Teater Refleksion déménagea dans un nouveau et beau bâtiment dans le centre d’Århus.

Bien que n’étant pas exclusivement un théâtre de marionnettes, le Groupe 38 créa des spectacles pour enfants très applaudis En lille Sonate (Sonatine), tout comme le Nørregaards Teater, dirigé par le marionnettiste, acteur et metteur en scène Hans Nørregaard, désormais célèbre pour ses œuvres mêlant marionnettes, acteurs et musique vivante. Hans Nørregaard se retira en 2003; depuis 2011, le  Nørregaards Teater s’est établi à Odense. Il faut enfin mentionner les adaptations d’opéras pour marionnettes du Musikteatret Undergrunden destinées à la fois aux enfants et aux adultes.

Le théâtre de marionnettes danois s’est aussi remarquablement bien adapté au public des tout petits. Deux compagnies de Copenhague, le Teatret Månegøgl, fondé en 1981 par Hanne Trolle (qui créa le personnage de Pyt) et le Teatret Lampe, animé par l’actrice et marionnettiste Anne Nøjgård (avec ses interprétations des contes d’Andersen avec marionnettes et objets), se sont illustrées dans ce genre de plus en plus populaire. On peut également citer le Teatret 83 (Théâtre 83) et le Teatret My (Théâtre My).

À partir des années 2000, la marionnette et le théâtre d’objets se sont ouverts aux arts visuels à travers le travail novateur de Sara Topsøe Jensen qui explore, avec sa compagnie Carte Blanche, de nouvelles voies dans le théâtre d’ombres, de marionnettes et d’objets. Parmi les nouveaux venus sur la scène contemporaine en 2012, on peut aussi mentionner, tout aussi prometteurs et doués, la compagnie de marionnettes Spiir Produktion, à Århus ; Astabasta Teatret (Théâtre Astabasta); et Gertrud Exner du Teater Blik (Théâtre Vue) qui ont été formés au Thy Teater.

Le théâtre de marionnettes ne représente qu’une faible part des sommes allouées au théâtre au Danemark, ce qui s’explique en partie par le fait qu’il s’adresse avant tout à un public d’enfants. Quelques théâtres fixes sont financés par l’État ou par la région : c’est le cas notamment du Lille Teater, du Jytte Abildstrøms Teater, du Marionetteatret de Kongens Have et du Svalegangen Dukketeater (Galerie extérieure du Théâtre de Papier) ou encore du Teater Refleksion à Århus. Quelques compagnies itinérantes sans ressources propres, sont aidées régulièrement par le conseil des Arts danois qui leur verse des subventions annuelles pour la production, l’équipement technique et l’administration. D’autres troupes professionnelles sont indirectement financées par un système de remboursement partiel (50 %) accordé aux institutions municipales et régionales qui commandent des créations théâtrales pour enfants. Pour en bénéficier, ces spectacles doivent être évalués et recommandés par un comité spécial de professionnels.

En 2009, Hans Hartvich-Madsen quitta le Thy Teater et devint le responsable du département Marionnette et Animation du Centre de Développement des Arts de la Scène à Odsherred où, en 2011, un projet expérimental de deux ans portant sur la formation dans le domaine de l’art de la marionnette fut subventionné par le Ministère de la Culture. Ce projet reçut des fonds afin d’être poursuivi. Hans Hartvich-Madsen fonda le First Hand Theatre avec Külli Palmsaar en 2009. Ce théâtre a voyagé en Allemagne et en Suède avec des spectacles interactifs tels que Wunderland (Pays des Merveilles) et Alice.

Différents nouveaux marionnettistes et artistes ont récemment émergés: Astrid Kjær Jensen formée à Berlin avec son spectacle Lilith présenté sur son propre corps avec des marionnettes à main ; Katrine Karlsen, formée en Norvège se produit avec son Teater Graenseloes (Théâtre sans Frontières) ; Sofie Krog ou le Sofie Krog Teater présente des spectacles pour adultes tels que Diva et The House (La Maison) avec son théâtre de marionnettes freestyle ; Ida Tjalve formée à Londres travaille avec des jeux d’ombres et d’autres sortes de marionnettes.

Depuis 2005, au Danemark, on s’oriente davantage vers des théâtres de marionnettes pour adultes. Rolf Søborg Hansen était fabricant de marionnettes et acteur dans Sally Stina Skriget (Le Cri de Sally Stina) et På den anden side (De l’autre Côté dirigé par Catherine Poher ) au Kongelige Teater (Théâtre royal) et au Bådteatret avec King Lear (Le Roi Lear), Odysseen (L’Odyssée)  ainsi que des pièces traitant le thème de l’alcoolisme : Non-Stop et Brudstykker af min Marionetdukkes Bekendelser (Fragments des Confessions de mes Marionnettes) – productions de marionnettes réalisées par Carl Press et jouées par Peder Holm Johansen – toutes deux présentées au Plan-B Teatret. Ainsi, durant les cinq dernières années, Copenhague a connu deux festivals consacrés entièrement aux spectacles de marionnettes pour adultes.

Les marionnettistes sont organisés principalement au sein de la branche danoise de l’ l’UNIMA (Union internationale de la marionnette), qui reçoit une subvention annuelle du Conseil des Arts. Le Danemark est partie prenante au projet international de  promotion de la « Route de la Marionnette » qui a été introduit par la Commission européenne de l’UNIMA.

Le Danemark accueille également plusieurs festivals dont les plus remarquables sont ceux, annuels ou bisannuels, de Copenhague, Silkeborg, Taastrup, Fredericia, Bornholm, Hanstholm et Ringsted.

Bibliographie

  • Jensen, Carsten. Intet spil for galleriet [Pas de Jeu pour la Galerie]. Copenhague : The Association of Children’s Theatres, 1994.
  • Jensen, Carsten. For det største i de mindste [Pour le plus grand et le plus petit]. Copenhague : The Association of Children’s Theatres, 2004.
  • Livbjerg, Birgitte. Dukker i Danmark, Dukketeater i Norden [Les Marionnettes au Danemark. Le théâtre de marionnettes dans le Nord]. Oslo: Dukketeater i Norden, 1974.
  • Lund, Jette. Dukketeatret i dansk børneteater 1969-1989 [Le théâtre de marionnettes dans le théâtre d’enfants]. Copenhague : Institut d’études théâtrales, Université de Copenhague, 1992.
  • Lühmann, Ruth. Marionetkunsten i Danmark [L’Art de la marionnette au Danemark]. Copenhague, 1952.
  • Skaarup, Lilo. Om Mester Jakel og hans familie [Histoire de Mester Jakel et de sa  famille]. Copenhague : Institut d’études théâtrales, Université de Copenhague, 1992.