Le Commonwealth d’Australie, pays de la zone océanienne (voir Océanie) comprend principalement l’Australie, la Tasmanie et bon nombre de petites iles. Parmi les indigènes d’Australie, on identifie les Aborigènes de l’ile d’Australie proprement dite (qui seraient arrivés voici 50 000 ans, environ), les Aborigènes tasmaniens et les habitants des iles du Détroit de Torrès (un peuple mélanésien). L’art de la marionnette ne fait pas partie du patrimoine culturel des Aborigènes australiens, qui utilisent cependant des figures d’animaux, notamment de poissons, sculptées dans du bois pour certaines de leurs danses basées sur des récits mythiques. Avec la découverte de cette ile-continent par les européens au début du XVIIe siècle et la revendication de la Grande-Bretagne, l’Australie devint une colonie britannique. En 1901, elle gagna une certaine indépendance en tant qu’État fédéral ; aujourd’hui, le lien constitutionnel avec la Grande Bretagne subsiste à travers la monarchie, qui est représentée par un gouverneur britannique en Australie. Des vagues d’immigration venues d’Europe, spécialement après la Seconde Guerre mondiale, puis d’Asie et d’Océanie, depuis les années 1970, ont façonné ce qui est aujourd’hui une nation multiculturelle mais la prédominance de la culture britannique se manifeste dans l’art australien de la marionnette.

La domination britannique

Les Britanniques ont commencé à s’installer en Australie en 1788 et, à partir des années 1830, les plus anciens spectacles de marionnettes étaient d’origine anglaise, parfois en transitant via l’Amérique : marionnettes à fils, Punch et Judy, théâtres mécaniques.

En 1875-1876, les Royal Marionettes de McDonough et Earnshaw (voir Bullock’s Royal Marionettes et Thomas Holden), venues d’Amérique, tournèrent dans les colonies australiennes. Trois membres de la troupe restèrent en Australie et formèrent les Webb’s Royal Marionettes (du nom du Britannique Charles Webb, 1842-1887). De 1876 à 1887, cette compagnie tourna en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Asie méridionale, puis en Grande-Bretagne en 1882 et en Russie en 1883. Ils furent parfois présentés sous le nom de The Royal Australian and Indian Marionettes.

De nombreuses troupes d’amateurs apparurent dans les années quarante et cinquante, principalement chez les enseignants utilisant des marionnettes à gaine et marionnettes à fils. Sous l’impulsion de W. D. Nicol (1907-1978) une association de marionnettistes fut fondée en 1942 à Melbourne ; on lui doit les spectacles hebdomadaires du Littlest Theatre (Le plus petit Théâtre). En 1949, une autre association de marionnettistes fut fondée à Sydney par Edith C. Murray (1897-1988). Celle-ci fut également parmi les fondateurs du Clovelly Puppet Theatre en 1949, qui donna des spectacles programmés les samedis, la plupart à l’intention du jeune public, et ce pendant plus de vingt ans. Elle reçut la médaille de l’Empire britannique (BEM) en 1979 et devint Membre d’Honneur de l’UNIMA en1980. Quelques marionnettistes professionnels ont débuté grâce à W. D. Nicol ou à Edith C. Murray. En 1952, une tournée des Hogarth Puppets, venus de Grande-Bretagne et dirigés par Jan Bussell, fit beaucoup pour capter l’attention du public.

Les débuts de la marionnette australienne

Un évènement marquant eut lieu en 1956 à Sydney : un grand spectacle de marionnettes à fils, The Tintookies, mettant en scène des personnages australiens. Son créateur était un marionnettiste de Melbourne, Peter Scriven (1930-1998). Le scénario, la scénographie, les dialogues et la musique préenregistrés étaient dus à des professionnels de renom. Le maitre de Scriven avait été Igor Hychka (1914-2001) qui avait lui-même travaillé avec Vittorio Podrecca en Argentine (voir Teatro dei Piccoli).

Scriven investit une large part de sa fortune personnelle dans ce spectacle et dans ceux qui suivirent. Il fut aussi à l’origine du Marionette Theatre of Australia (1964-1988), basé à Sydney, formé d’abord pour faire tourner ces grandes productions dans toute l’Australie et dans le Sud-Est asiatique. Cette nouvelle compagnie reçut des aides gouvernementales. Cette politique se poursuivit après 1968 grâce à la création de l’Australia Council. La tradition de tournées des grands spectacles fut perpétuée par le Queensland Marionette Theatre de Philip Edmiston jusque dans les années quatre-vingt-dix.

La deuxième compagnie qui bénéficia d’aides gouvernementales appréciables fut le Tasmanian Puppet Theatre (1970-1980) à Hobart, en Tasmanie, dont L. Peter Wilson (né en 1943) fut le directeur artistique. Ce dernier et Richard Bradshaw (né en 1938) commencèrent, au Marionette Theatre of Australia, à employer d’autres formes de marionnettes, souvent manipulées à vue ; ils créèrent des spectacles pour adultes. Le Tasmanian Puppet Theatre et le Marionette Theatre s’étaient attachés de bons créateurs de marionnettes, notamment Ross Hill (1954-1991) et Beverley Campbell-Jackson (1935-1989). Les spectacles d’une certaine ampleur, qui employaient souvent des marionnettes à tiges manipulées par quatre à six marionnettistes, ne jouaient qu’en saison et tournaient peu, tandis que des productions moins importantes, ne nécessitant que la participation de deux à quatre marionnettistes, étaient créées pour les tournées scolaires.

Création contemporaine

Cette situation prévalait encore en 2013 pour les compagnies subventionnées, telles que le Polyglot Puppet Theatre de Melbourne, fondé en 1978 par Naomi Tippett, le Terrapin Puppet Theatre de Hobart, Tasmanie, fondé en 1981 par Jennifer Davidson, et le Spare Parts Puppet Theatre de Fremantle (Australie-Occidentale, à une centaine de kilomètres au sud de Perth) fondé en 1981 par L. Peter Wilson. Quant aux tournées de ces compagnies, elles ne dépassèrent guère les frontières de leur État respectif.

Le Spare Parts et le Polyglot possèdent leur propre salle, comme avant eux le Marionette Theatre of Australia entre 1983 et 1988, mais une compagnie australienne ne pourrait se passer de tournées. Le Pilgrim Puppet Theatre de Robert et Nancy Akins, logé dans une église désaffectée, ne vécut que de 1977 à 1980.

Le minuscule Puppet Cottage de Sydney, soutenu par un office local du tourisme, donna des représentations gratuites entre 1992 et 2004 ; fondé par Basil Smith, un marionnettiste de Punch et Judy, il fut repris par le Sydney Puppet Theatre de Sue Wallace et Steve Coupe et accueillit également d’autres marionnettistes. À Sydney encore, sans aucune aide financière, Jackie et John Lewis ouvrirent en 2000 un petit théâtre pour y jouer leurs spectacles de marionnettes à gaine, le Puppeteria. En 2003 un Puppeteria annexe ouvrit dans une banlieue.

Les spectacles non subventionnés, n’employant en général qu’une ou deux personnes, tournent surtout dans les écoles. Un exemple précoce en a été donné par Alan et Kay Lewis en 1934 à Sydney. David et Sally Poulton, eux, parcouraient une partie du Queensland avec leur petit avion privé. Des marionnettistes solistes comme Richard Bradshaw (théâtre d’ombres), Dennis Murphy (marionnettes à gaine), Murray Raine (marionnettes de variétés) et Richard Hart (théâtre noir) ont aussi effectué des tournées internationales. Neville Tranter, qui exerce aux Pays-Bas, a débuté en Australie. Norman Hetherington (1922-2010) est le créateur de la marionnette la plus célèbre d’Australie, Mr Squiggle, présente à la télévision de 1959 to 2001. Norman Hetherington fut nommé Membre d’Honneur de l’UNIMA in 2008.

La production la plus importante du Tasmanian Puppet Theatre est Momma’s Little Horror Show (Le petit Spectacle d’Horreurs de Maman, 1976), abrégé en Momma’s par les jeunes spectateurs. Cette production fut créée et mise en scène par Nigel Triffitt (1949-2012), à l’époque, nouveau venu au théâtre de marionnettes ; il amorça le virage de la marionnette vers le « théâtre visuel ».

Les grandes tendances

On regroupe sous le terme « théâtre visuel » les spectacles où le texte est secondaire voire absent. Parfois des comédiens évoluent avec les marionnettes ou avec des objets animés ; les manipulateurs peuvent être visibles, totalement ou partiellement, ou dissimulés par un effet de « lumière noire ». C’est pour explorer cette voie que le Handspan Theatre Company de Melbourne (actif de 1977 à 2002) fut fondé par un groupe de six jeunes marionnettistes désireux de rompre avec les formes traditionnelles et d’explorer le théâtre visuel. Il devint par la suite un collectif d’environ une trentaine de personnes. Parmi ses spectacles les plus remarquables, il faut en mentionner deux qui eurent une audience internationale : Secrets (1983) créé par Nigel Triffitt et Quatre petites Filles de Pablo Picasso (1988, mise en scène Ariette Taylor). Peter J. Wilson, membre fondateur du Handspan, devint en 1993 directeur artistique du Skylark Puppet Theatre de Canberra (actif de 1984 à 1998), qui monta Wake Baby (Réveille-toi bébé, 1996, mise en scène Nigel Jamieson, qui venait d’un parcours en théâtre gestuel. La pièce fut jouée pendant une saison à Broadway (New York). La Dead Puppet Society of Brisbane est une compagnie de théâtre visuel relativement récente, formée par les Sud-africains de la Handspring Puppet Company.

La compagnie de Philippe Genty, qui fit plusieurs tournées australiennes entre 1973 et 2004, exerça, notamment avec la coproduction australo-française Stowaways (Passagers clandestins, 1996) initialement créé par les Genty à Adélaïde avec cinq acteurs australiens, une forte influence sur le théâtre visuel.

Depuis les années quatre-vingt-dix, le jeu simultané d’acteurs et de marionnettes est de plus en plus présent sur les scènes australiennes. Il fait l’originalité des spectacles pour enfants du scénographe-metteur en scène Kim Carpenter (né en 1950) et de son Theatre of Image. The Hobbit (1997) d’après J. R. R. Tolkien, initialement une coproduction de Christine Anketell avec le Skylark en 1997, plut aux enfants comme aux adultes et fut un succès commercial ; Malcolm C. Cooke & Associates reprit le spectacle en 1999-2000 et monta The Lion, the Witch and the Wardrobe (Le Lion, la Sorcière et la Penderie, 2002), comédie musicale d’après l’œuvre de C. S. Lewis avec acteurs et marionnettes, dont un lion très réaliste et un géant souple dus à Philip Millar qui conçut aussi les personnages du Hobbit.

Les marionnettes géantes pour spectacles de plein air sont d’introduction récente. Dans ce genre, la compagnie Snuff Puppets, fondée en 1992 à Melbourne, a remporté beaucoup de succès, en Australie et ailleurs, avec ses figures brutes et ses sujets écologiques. Une autre compagnie de théâtre visuel, Erth – Visual and Physical Inc., connue pour son utilisation imaginative de grandes marionnettes, comprenant un « petting zoo » (zoo pour enfants) de dinosaures, est basée à Sydney depuis 1990. Les knee high puppeteers (sic) fondés en 1995 à Adelaide se sont fait connaitre avec leurs personnages de géantes métalliques sur échasses, les Android Sisters, visiteuses impromptues du congrès de l’UNIMA  en 1996 à Budapest.

On peut citer plusieurs héros-marionnettes connus à la télévision : Mr Squiggle (1959-2001), réalisé et animé par Norman Hetherington ; Amanda the Cat (1959-1971), créée et manipulée par Ann Davis ; Ossie Ostrich (since 1967), réalisée par Axel Axelrad et Sebastian the Fox (1963), création de Peter Scriven.

Bon nombre de marionnettistes australiens ont été aidés par la Churchill Fellowship pour étudier à l’étranger : L. Peter Wilson (1973), Phillip Millar (1993), Sarah Kriegler (2000) et Sue Wallace (2005). Richard Bradshaw (1986), Norman Hetherington (1990) et Ann Davis (2002) ont reçu la Médaille de l’Ordre d’Australie (OAM).

Tout comme la société australienne dans son ensemble, la marionnette tend à devenir multicurelle : ses praticiens viennent d’Europe, d’Égypte, du Chili, etc. Noriko Nishimoto, du Spare Parts, vient du Japon ; la Carouselle Theatre Company (active de 1985 à 1997) avait été fondée à Adelaide par six acteurs polonais sous la direction de Wojciech Pisarek. Les figures d’ombres dans The Theft of Sita (Le Voleur de Sita, 2000) avaient pour metteurs en scène Nigel Jamieson assisté de Peter J. Wilson et de I Made Sidia, dalang de Bali, Indonésie.

Durant la même période, les marionnettistes australiens ont travaillé avec des compagnies en dehors de l’Australie, spécialement en Asie : de nombreux spectacles créés en Australie ont tourné à l’étranger. Les nouvelles technologies sont aussi utilisées et expérimentées parmi lesquelles les technologies numériques. Le Terrapin Puppet Theatre a fait appel à des « marionnettes virtuelles ». A Melbourne, Creature Technology, dirigé par Sonny Tilders, a conçu Walking With Dinosaurs qui utilise des marionnettes grandeur nature, télécommandées par ordinateur comme s’il s’agissait de créatures vivantes : le spectacle a été montré dans de grands stades devant des foules considérables, aux Etats Unis, en Europe et en Asie. Pour leur spectaculaire (et couteuse) comédie musicale King Kong, 2013, ils ont construit une immense marionnette de 6 mètres, totalement contrôlée et manipulée à distance.

Festivals et institutions

Rassembler les marionnettistes dans un pays aussi étendu n’a pas été une mince affaire. À Adelaïde (Australie du Sud) en 1968, à l’initiative d’Edith C. Murray, une réunion des marionnettistes australiens décida de former une Australian Puppetry Guild et un Centre  UNIMA-Australie. L’association la plus durable, l’Australian Puppetry Guild (1969-1998) remplaça la Puppetry Guild de Sydney. En 1980, Maeve Vella, membre fondatrice de la Handspan Theatre Company, lança un périodique, Manipulation, qui fédéra les marionnettistes plus efficacement que les guildes, jusqu’en Nouvelle-Zélande (les Néo-Zélandais furent d’ailleurs responsables d’un numéro). Le centre UNIMA-Australie devint effectif en 1970 et demeure la seule organisation capable d’unir les marionnettistes de l’ile-continent. Sa publication trimestrielle, Australian Puppeteer, a remplacé Manipulation.

Les occasions de réunir les professionnels de la marionnette sont devenues rares. Font exception les festivals de Melbourne (1975), de Hobart (1979), de Perth (1988) et le “National Puppetry Summits” à Melbourne (2002 and 2012), Hobart (2004), Perth (2008). Le petit One Van Festival organisé par Sue Wallace du Sydney Puppet Theatre à Blackheath (à l’ouest de Sydney) est devenu une importante manifestation annuelle. En 2008, le congrès et le festival international de l’UNIMA se sont tenus à Perth (Australie-Occidentale), organisés par le Spare Parts Puppet Theatre (voir Union Internationale de la Marionnette). Le festival a réuni des compagnies de marionnettes et des solistes  du monde entier: il a constitué une belle opportunité pour les marionnettistes australiens d’être ensuite programmés à l’étranger.

Le Fond pour les bourses de formation Lorrie Gardner UNIMA Australia porte le nom d’une ancienne présidente de l’UNIMA-Australie qui a doté généreusement ce fond. L’organisation a son propre site www.unima.org.au.  O.P.E.N., une lettre d’information électronique concernant la marionette australienne, est publiée de façon indépendante par Julia Davis and Richard Hart de Dream Puppets; elle est accessible sur leur propre site: www.dreampuppets.com

Enfin, en 2004, le Victorian College of the Arts (à Melbourne) inaugura un cours destiné aux marionnettistes professionnels sous la direction de Peter J. Wilson avec la création d’un diplôme supérieur et d’un master en théâtre de marionnettes, seul cursus de ce type dans le pays. La formation fut malheureusement fermée en 2009 lors de la fusion avec l’Université de Melbourne.

Bibliographie

  • Bradshaw, Richard. Richard Bradshaw’s Guide to Shadow Puppets. Garden Bay (BC, Canada): Charlemagne Press, 2015.
  • Hetherington, Norman. Puppets of Australia. Sydney: Australian Council for the Arts, 1974.
  • Parsons, Philip, ed. Companion to Theatre in Australia. Sydney: Currency Press, 1995, pp. 468-470, and individual entries. Nicol, W. D. Puppetry. Melbourne: Oxford University Press, 1962.
  • Vella, Maeve, and Helen Rickards. Theatre of the Impossible – Puppet Theatre in Australia. Sydney: Craftsman House, 1989.
  • Wilson, Peter J., and Geoffrey Milne. The Space Between – The Art of Puppetry and Visual Theatre in Australia. Sydney: Currency Press, 2004.