La République de Serbie (en serbe : Republika Srbija, Република Србија), située entre l’Europe centrale et du sud-est, a une histoire complexe. Elle devint une partie de l’Empire ottoman au début du XIXe siècle. Après une tentative d’indépendance, elle a été incorporée à l’Empire austro-hongrois jusqu’à la Première Guerre mondiale. Elle fut ensuite intégrée au Royaume de Yougoslavie avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale. Après celle-ci, elle fut incorporée à la République fédérale socialiste de Yougoslavie jusqu’en 1992, après quoi, des différents politiques ont provoqué l’éclatement du pays. Serbie et Monténégro sont restés unis jusqu’en 2006 ; alors ce dernier pays a voté pour son indépendance. La République de Serbie chemine désormais seule et nous présenterons ici son histoire de la marionnette.

Le théâtre de marionnette serbe (Srpski lutkarski teatar) s’appuie sur les riches traditions des Serbes et autres nations slaves du sud. Le théâtre de figures comprend autant les représentations symboliques que les marionnettes anthropomorphiques et a été préservé dans les coutumes populaires jusqu’à nos jours. Le théâtre d’ombres (habituellement joué avec les mains et les doigts qui créent des ombres devant une chandelle allumée), est très ancien. Masques et mimes, tout aussi anciens, et se sont répandus dans les traditions folkloriques, des maškara, jeux masqués associés à la fête de Noël, au Carnaval et, occasionnellement à Pâques, aux čauši (les bouffons). Le vertep, jeu de la Nativité, est aussi très vénérables et a été présenté à Belgrade jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale ; il est maintenant renouvelé en Serbie, dans le cadre de la réintroduction de l’éducation religieuse dans le système des écoles élémentaires. Bien que l’utilisation de ces masques et images est associée à des fêtes chrétiennes, plusieurs de ces figures semblent relever de pratiques pré-chrétiennes et, de ce fait, plusieurs de ces masques (animaux, cheval à bascule, etc.) étaient dans une époque antérieure, bannis ou déconseillés par l’Église serbe orthodoxe.

Le XIXe et début XXe siècle avec la Reconstruction

Le premier texte moderne pour la marionnette a été écrit et publié dans le journal Neven par Zmaj (de son nom de baptême Jovan Jovanović, 1833-1904), le plus grand poète pour enfants (voir Jovan Jovanović « Zmaj »). C’est la patate, drame en vers, Nesretna Kafina (L’infortunée Kafina, 1881) où la princesse Kafina est aimée du chef brigand Kozoder qui tue son père, le roi Ritibim. Les personnages ont pour têtes des pommes de terre, la mort étant évoquée par la projection de ces patates dans l’auditoire. Zmaj est considéré comme « le père de la marionnette serbe », premier directeur et marionnettiste serbe.

Au début du XXe siècle, il y avait des marionnettistes itinérants et des animateurs dans les foires du pays. Le premier marionnettiste professionnel serbe enregistré était Ilija Božić, qui a présenté la farce Kuku Todore (Hélas, Theodore !) dans la pièce itinérante du même nom. Son personnage et sa performance étaient similaires aux spectacles britanniques de Punch et Judy anglais et au Petrouchka russe. Božić a donné des représentations dans le parc Tašmajdan, près de l’église Saint-Marc à Belgrade.

Chacun de ses spectacles historiques a été actualisé avec succès dans la période moderne. Le spectacle de Zmaj est encore largement joué dans les écoles, cependant la seule représentation relativement récente de Nesretna Kafina a été adaptée et dirigée par Miroslav Belović (1927-2005) au Petit Théâtre Duško Radović à Belgrade en 1985 sous le nom de Pozorište Ka-Ri-Ko (Théâtre Ka-Ri-Ko), alors que Kuku Todore était repris avec succès par l’écrivaine, directrice et doyenne de la marionnette serbe, Marija Kolundžić (1916-1998), qui en a fait une intelligente reconstitution et l’a publiée dans son Moj život s lutkom (Ma Vie avec la Marionnettte, 1988).

Entre les deux guerres, le magicien Kostolani a créé des spectacles de marionnettes dans des cirques, dans des cafés et dans les rues avec son personnage de marin nommé Ćira, rejoint plus tard il a été rejoint par la marionnette Mileva, qui dansait pour entretenir l’enthousiasme du public. Conjointement avec la montée du mouvement Sokol, littérairement, « Faucon » (qui a regroupé la jeunesse pour aider à construire un sentiment national slave à travers les arts, le sport, et les rencontres culturelles), plusieurs salles de théâtre pour marionnettes sont apparues en Serbie juste avant la Seconde Guerre mondiale. Ceci a conduit à l’établissement de troupes professionnelles de marionnettes à Novi Sad et à Subotica.

Deuxième moitié du XXe siècle

C’est seulement après la Deuxième Guerre mondiale que les théâtres de marionnettes se sont organisés comme des compagnies professionnelles, avec de larges répertoires et un public stable – principalement des enfants du préscolaire au public adolescent. À partir de 1960, le théâtre de marionnettes en Serbie a atteint un haut degré de professionalisme. En 1970, le spectacle Na slovo, na slovo (On débute, avec la lettre … ) de Duško Radović (1923-1984), dirigé par Vera Belogrlić (née en 1926) a gagné le grand prix au Sterijino pozorje Festival de Théâtre yougoslave.

Utilisant différentes techniques de manipulation (marionnettes à fils, marionnettes à gaine, ombres, marionnettes sur bâton, lumière noire (voir théâtre noir)), le théâtre de marionnettes en Serbie a atteint sa maturité au milieu du XXe siècle. Grâce à la coopération de talentueux auteurs, metteurs en scène, et acteurs-marionnettistes qui se sont complètement consacrés aux possibilités créatives de cet art ancien dans un contexte moderne, le théâtre de marionnettes serbe dans la République fédérale populaire de Yougoslavie (le nom du pays après 1946) a été reconnu pour ses qualités esthétiques et son épanouissement aux niveaux européen et mondial.

Des pièces imaginatives pour les scènes de marionnettes ont été écrites par l’écrivain itinérant rom Stevan Pešić (1934-1994), qui fut honoré à la Biennale du Théâtre de Marionnettes yougoslaves de Bugojno pour sa pièce Petao s repom duginih boja (Le Coq à la Queue arc-en-ciel). Ses autres pièces débordantes de fantaisie ont été fréquemment produites jusqu’aujourd’hui. Le sommet du théâtre moderne de marionnettes serbes fut peut-être le spectacle issu du projet de Srboljub Lule Stanković (1921-2000), la production rituelle sans parole de théâtre total, Mitovi Balkana (Le Mythe des Balkans), qui a été joué, pour la première fois, au théâtre Toša Jovanović à Zrenjanin en 1991. Au départ, des masques, de la danse traditionnelle, et des chansons ont été utilisés à leur source pour constituer une pièce forte de théâtre total avec une totale mise en valeur des différentes forces d’une performance masques/marionnettes.

La marionnette serbe au XXIe siècle

La Serbie entre dans le XXIe siècle avec dix ensembles artistiques professionnels, s’adressant principalement à un public d’enfants. Parmi eux, le petit théâtre Duško Radović de Belgrade (fondé en 1948) où Milena Jeftić Ničeva Kostić (née en 1943) excelle dans la fabrication des marionnettes et des costumes. Le maitre marionnettiste Janko Vrbnjak (1931-1988) a eu une longue carrière de manipulateur, designer et comédien pour cette compagnie et a fréquemment été invité à se produire pour des hôtes d’État durant le règne du président Tito. La compagnie de Théâtre de Marionnettes Pinokio de Zemun a été fondée en 1972 par Živomir Joković (né en 1929) et était dirigée alors par Igor Bojović (né en 1929). Tous les deux furent de grands artistes du théâtre de marionnettes serbe. Parmi les autres compagnies professionnelles incluent : le Théâtre Jeunesse, Novi Sad (créé en 1931) ; le Théâtre pour enfants Gyermek Szinhaz, Subotica, avec des oeuvres jouées en serbe et hongrois (1934) ; la Compagnie de Théâtre Niš (1951) ; la Compagnie Fenix, Niš (1974) ; la Compagnie Kebec, Belgrade (créé en 1980). La compagnie Gyermek Szinhaz, sous le leadership de Slobodan Marković (né en 1943) a élargi l’impact international de la marionnette serbe car Marković est aussi le directeur artistique fondateur du Festival international pour Enfants de Subotica qui fut important pour faire reconnaitre le travail des compagnies serbes et qui a aussi attiré des artistes internationaux. Le Théâtre national Toša Jovanović, Zrenjanin, qui présente des spectacles en serbe et en hongrois (fondé en 1946), a aussi généré d’importantes créations dont le Mitovi Balkana (Le Mythe des Balkans) mentionné plus haut.

Les spectacles de marionnettes sont aussi présentés par des compagnies amateures dans les villes de Belgrade et Novi Sad. Le premier long métrage pour marionnettes, Mrav pešadinac (l’Infanterie) dirigé par Slavko Tatić a été produit en 1992, continuant une tradition, datant de 1949, de films de marionnettes à Belgrade (voir Cinéma).

Festivals et Bourses

Chaque année se tient la Conférence des Théâtres de Marionnettes serbes. En 1992, l’évènement célébra son 25e anniversaire à Belgrade. En 1994, fut fondé le Festival pour Enfants à Subotica qui continue aujourd’hui à promouvoir l’art de la marionnette en Serbie et en Europe. Le festival attribue, chaque année, la récompense « Petit Prince pour une Réussite de Vie » à des artistes et des sommités du théâtre de Serbie et du monde entier. Les aspects professionnels, artistiques, historiques, théoriques et pédagogiques de la marionnette sont présentés dans la revue Scena (Scène). Des monographies étendues du théâtre professionnel serbe constituent d’importantes ressources littéraires sur la marionnette considérée comme forme d’art. Milenko Misailović (né en 1923), Branislav Kravljanac (1928-2002), Marija Kolundžić (1916-1982) et Radoslav Lazić (né en 1939) ont apporté une contribution intéressante à la théorie et à l’histoire de la marionnette serbe, en publiant des ouvrages majeurs sur la marionnette en Serbie, en Yougoslavie et dans le monde.

Bibliographie

  • Jovanović, Jovan or Zmaj, “Nesretna Kafina”. http://www.rastko.rs/rastkic/zmaj/jjovanovic-kafina.html. Accessed 17 June 2013.
  • Kolundžić, Marija. Moj život s lutkom [Ma vie avec la Marionnette]. Sarajevo: Poslovna zajednica profesionalnih pozorišta Bosne i Hercegovine. 1988.
  • Lazić, Radoslav. Estetika lutkarstva, Antologia [Esthétique des Marionnettes. Anthologie]. Belgrade: Autorsko izdanje, R. Lazic, 2002.
  • Lazić, Radoslav. Svetsko lutkarstvo. Hrestomatija; Istorija, Teorija, Istraživanja [Le Monde de la Marionnette. Histoire, Théorie, Recherches]. Belgrade: Autorsko izdanje, 2004.
  • Lazić, Radoslav. Traktat o lutkarskoj režiji U traganju za estetikom rezije [Traité de Mise en scène des Marionnettes]. Novi Sad: Prometej, 1991.
  • Misailović, Milenko. Pozorišna umetnost i dete [L’Art du Théâtre et l’Enfant]. Belgrade: Zavod za udžbenike i nastavna sredstva, 1991.
  •  Mitovi Balkana 1992/3” [Documentation sur la Production du Théâtre national]. http://www.youtube.com/watch?v=GkWuFgeNXHY. Accessed 17 June 2013.