La République de Slovénie (en slovène : Republika Slovenija) est un pays situé au sud de l’Europe centrale, en bordure de la mer Adriatique. Elle jouxte l’Italie, l’Autriche, la Croatie et la Hongrie. Sa capitale et ville principale est Ljubljana. Au gré de l’histoire, le territoire actuel de la Slovénie fut balloté entre plusieurs États différents dont l’Empire romain, le saint Empire romain germanique et l’Empire austro-hongrois. Au XXe siècle, elle fit partie du Royaume de Yougoslavie (1929) puis fut membre fondateur de la République populaire fédérale de Yougoslavie, renommée ultérieurement République fédérale socialiste de Yougoslavie. En 1991, elle fit sécession de la Yougoslavie pour devenir un pays indépendant.
On pensait qu’il n’existait pas en Slovénie de théâtre de marionnettes autochtone avant son invention, en 1910, par Milan Klemenčič jusqu’à ce que, dans les années quarante, des ethnologues, menant des recherches sur les formes dramatiques rurales, découvrent une sorte de farce pour marionnettes intitulée Litige de bornage, jouée avec des marionnettes à gaine d’un type très particulier, lors des mariages ou des fêtes.

La tradition retrouvée

Pour ce genre de spectacle, le marionnettiste était dissimulé, couché sous un banc représentant la limite séparant deux propriétés, de part et d’autre de laquelle il manipulait deux marionnettes. Pour l’essentiel, la marionnette consistait en une croix revêtue d’une veste et coiffée d’un chapeau, parfois en un simple bâton passé dans les manches d’une vieille veste et tenu en son milieu par le marionnettiste qui, avec ses autres doigts de la même main, faisait tenir le couvre-chef. Cette sorte de marionnette était appelée lilek (mue, dépouille). Connue en Asie Mineure, elle aurait été introduite par les Ottomans via les Balkans, mais sa diffusion en Slovénie n’est pas entièrement élucidée : elle pourrait avoir été introduite par des soldats, par des travailleurs saisonniers, par des réfugiés, etc.
De telles pièces, habituellement très courtes, ne comportaient pas de personnage principal fixe ou national, mais elles avaient des éléments en commun avec les spectacles de Petrouchka en Russie, Pulcinella en Italie, Guignol en France, Kasperl en Allemagne ou de Punch en Grande-Bretagne les échanges de propos agressifs et spirituels, d’insinuations débouchant, au final, sur l’affrontement physique des deux marionnettes. Le public était divisé en deux partis soutenant chacun l’un des deux protagonistes. La résolution du conflit était proposée par un acteur en chair et en os jouant le rôle du juge, du propriétaire ou d’un notable.
Cette tradition, pourtant bien intégrée aux coutumes populaires, n’eut aucun impact sur l’évolution ultérieure de l’art slovène de la marionnette.

Les débuts de la marionnette d’art

La situation en Slovénie (partie intégrante de l’Empire austro-hongrois au début du XXe siècle) n’était pas très favorable au théâtre d’art. Dans les années 1910-1914, le slovène était employé sur la scène du Théâtre régional de Ljubljana, qui entrait dans sa vingtième année d’existence, mais il était rare qu’une pièce fût jouée plus de deux, trois fois. Une récente recherche a toutefois trouvé des références à une représentation de Dr. Faust et d’autres pièces de marionnettes avant 1900 à Šentjur, dans la maison du compositeur Benjamin Ipavec (1829-1909).
C’est donc du côté des arts plastiques que vint l’impulsion, lorsque le peintre slovène Milan Klemenčič (1875-1957), influencé par la tradition italienne et par les artiste allemands de Munich (voir Paul Brann et Josef Leonhard Schmid) fonda en 1910 le premier théâtre slovène de marionnettes miniatures à fils à Ajdovščina, dans le Sud-Ouest du pays. Puis il fonda en 1919 à Ljubljana une compagnie fixe, le Slovensko marionetno gledališče (Théâtre slovène de Marionnettes) qui ouvrit en 1920. Son répertoire comprenait des pièces traduites de Franz von Pocci (1807-1976), une adaptation du Sneguljčica (Blanche-Neige) d’Ivan Lah et des pièces originales de Miran Jarc, auteur expressionniste slovène. Dans tous les spectacles intervenait Gašperček, qui devait autant à l’héritage européen au sens large qu’aux caractères proprement slovènes. Cependant, des difficultés budgétaires permanentes et l’absence d’une salle fixe obligèrent Milan Klemenčič à mettre fin, en 1924, au Théâtre slovène de marionnettes. S’il réussit, dans les années trente, à faire revivre son théâtre miniature, ce fut sans conséquence pour l’évolution ultérieure de l’art de la marionnette slovène.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les liens unissant les marionnettistes d’art tchèques et le théâtre slovène furent bientôt apparents, contribuant à la formation de plus d’une quarantaine de théâtres de marionnettes au sein de l’association sportive Sokol (Faucon), qui, comme en Tchécoslovaquie, militait pour un certain panslavisme. Avec la fondation de la compagnie Pavliha, l’ethnologue Niko Kuret (1906-1995), introduisit le premier théâtre de marionnettes à gaine de Slovénie. Son héros, Pavliha (en costume slovène et armé d’un maillet à la place d’un gourdin), y remplaçait le Ga perček d’origine germanique.

La Résistance et l’ère Pengov

Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, dans les territoires que la Résistance slovène récupérait, le Théâtre national slovène jouait Shakespeare, Molière et Tchekhov, tandis que les marionnettes à fils conçues par les peintres Nikolaj Pirnat (1903-1948) et Lojze Lavrič (1914-1954) ridiculisaient l’occupant, notamment Hitler lui-même, dans des spectacles de cabaret. La parodie Jurček in trije razbojniki (Georget et les trois brigands), anticipant sur la fin du conflit, fut aussi populaire derrière les lignes du front que plus tard, dans les premiers mois qui suivirent la libération.
La fondation du théâtre professionnel, Lutkovo gledališče Ljubljana (Théâtre de marionnettes de Ljubljana) en 1948 inaugura une période de développement continu. Les spectacles d’après-guerre, pourtant tributaires d’une riche expérience et d’une tradition préservée, furent bientôt éclipsés par l’ascension de Jože Pengov (1916-1968), bien déterminé à promouvoir le statut artistique de la marionnette slovène. Artiste original, il prit en compte ce que celle-ci devait à la tradition, mais en renouvela les bases, à commencer par le répertoire. Il donna une vingtaine de mises en scène, dont une moitié pour marionnettes à fils, notamment Sinja ptica (L’Oiseau bleu, 1964) de Maurice Maeterlinck ; Mala čarovnica (La Petite Sorcière, 1967) d’Ottofried Preussler, et une autre moitié pour marionnettes à gaine. Il choisissait ses décorateurs en fonction de leur style, qui devait correspondre à celui de l’oeuvre. Son travail portait surtout sur le contrôle minutieux d’une animation conçue comme un langage scénique et sur l’intégration harmonieuse du texte à la conformation du personnage. Son influence s’étendit à toute la fédération de l’ex-Yougoslavie.

La professionnalisation

Jusqu’en 1968, il n’y eut qu’un seul théâtre professionnel de marionnettes en Slovénie, ce qui stimula l’essor de nombreuses compagnies d’amateurs. Le Lutkovno gledališče Dravlje (Théâtre de marionnettes Dravlje, aujourd’hui Lutkovno gledališče Jože Pengov, Théâtre de marionnettes Jože-Pengov), fondé par Edi Majaron, fut particulièrement actif au milieu des années soixante et devint semi-professionnel en 1968. Jože Pengov y mit en scène son dernier spectacle, Trdoglavček (Petite Tête de Bois) de Jan Wilkowski. Il inaugurait aussi une période d’extrême diversification des contenus et de recherches formelles qui se poursuivit jusque 2010 quand les finances l’obligèrent à fermer. Après quatre décennies d’activités et plus de soixante spectacles, le théâtre de marionnettes Jože Pengov avait vécu.
Peu après, en 1973-1974, fut fondé le Lutkovno gledališče Maribor (Théâtre de marionnettes de Maribor, nord-est de la Slovénie), dont l’originalité fut de présenter des spectacles musicaux (Peter in volk Pierre et le loup de Serge Prokoviev ; Leseni princ Le Prince de bois de Béla Bartók).

Des années soixante-dix à l’indépendance

Au début des années soixante-dix, de nouvelles tendances s’affirmèrent, sous forme de spectacles ludiques reposant sur de bonnes traductions ou adaptations de pièces pour marionnettes, polonaises, tchèques et slovaques. Les metteurs en scène inventèrent des techniques nouvelles, aidés par une génération de plasticiens et décorateurs (Agata Freyer, Breda Varl, Silvan Omerzu notamment) ouverts aux courants modernes. Ils instaurèrent de nouveaux rapports entre le manipulateur et la marionnette : le premier sortit de l’ombre pour devenir partenaire visible et à part entière de jeu dramatique. Ce mouvement suscita, en retour, l’intérêt des dramaturges en vue – Dane Zajc (1929-2005), Frane Puntar (né en 1936), Svetlana Makarovič (née en1939), Dušan Jovanovič (né en 1939), Milan Dekleva (né en 1945), Boris A. Novak (né en 1953) – qui écrivirent pour les marionnettes, revêtant d’habits modernes le vieux fonds mythique et narratif slovène. Leurs textes furent joués hors de Slovénie en ex-Yougoslavie et en Pologne, notamment.
Les metteurs en scène de ce répertoire – entre autres Edi Majaron (né en 1940), Helena Zajc (née en 1944), Matjaš Loboda (né en 1942), Jelena Sitar (née en 1959), Tine Varl (née en 1940) et Robert Waltl (né en 1965) – contribuèrent également à faire rayonner en Europe les réalisations slovènes de la marionnette par le biais des rencontres et des festivals.

L’internationalisation

Ainsi, dans les années quatre-vingt, la marionnette slovène sortit de son isolement. En 1982, un spectacle de marionnettes, Mlada Breda (La Jeune Breda, de Dane Zajc, mise en scène Helena Zajc), fut intégré au programme du Théâtre national slovène de Ljubljana, le Slovensko narodno gledališče (SNG). Les festivals slovènes d’art dramatique (des Scènes expérimentales à Gorica, de Borštnik à Maribor, les Semaines théâtrales de Kranj) inclurent des spectacles de marionnettes à leurs programmes. Ceux-ci acquirent une visibilité internationale avec les festivals Lutke (Marionnettes) de Ljubljana et Lutkovni pristan (Port des marionnettes) à Maribor.
Le Lutkovo gledališče Ljubljana (Théâtre de marionnettes de Ljubljana), à la même époque, emménagea dans de nouveaux locaux qui abritèrent une importante collection, préfiguration d’un musée des marionnettes.
De nombreux ensembles furent fondés aprés les années quatre-vingt-dix, dont les plus importants sont le théâtre de papier Lutkovo gledališče Papilu (Théâtre de marionnettes Papilu) de Brane Solce (né en 1951) et Maja Solce (née en 1954), maintenent Papelito de Brane Solce) ; le Freyer Teater ; la Fondation des marionnettistes de Silvan Omerzu et Zakonjček ; et le plus actif, le Mini Teater de Robert Waltl (né en 1965), fondé en 1999.
Aujourd’hui, l’art slovène de la marionnette explore des voies nouvelles avec les metteurs en scène et les acteurs formés à l’Académie théâtrale de Ljubljana (laquelle n’a pas de département spécifiquement consacré aux marionnettes) ou à l’étranger. Néanmoins cette formation à la marionnette est actuellement intégrée comme matière obligatoire à l’Académie d’Études théâtrales de Ljubljana (AGRFT). Des artistes venus du théâtre d’acteurs cherchent comment répondre aux défis esthétiques posés par l’introduction de marionnettes. Quant à la formation, elle n’existe que de manière sommaire dans les instituts pédagogiques de Ljubljana, Koper et Maribor.

La profession, ses appuis, ses lieux

L’UNIMA est une vieille connaissance de la Slovénie. Des délégués slovènes assistèrent à sa fondation à Prague en 1929 et Ljubljana accueillit son troisième congrès en 1933. Jože Pengov, membre du comité exécutif, participa en 1956-1957 à sa restructuration. Dans les années quatre-vingt, Edi Majaron, élu à ce comité exécutif, organisa des rencontres internationales d’écoles de marionnettes, la biennale Lutke et, en 1992, le 14e congrès mondial. Les marionnettistes slovènes sont actifs dans diverses commissions de l’UNIMA, surtout dans le domaine des échanges internationaux et de la mission éducative de la marionnette.
Les mouvements d’amateurs, vigoureux avant la Seconde Guerre mondiale et des années soixante à la fin des années quatre-vingt, contribuèrent à l’évolution esthétique. Leur revue, Lutka (1964-2001), présentait les grandes tendances mondiales et se faisait l’écho des activités slovènes.
La plus importante collection de marionnettes est conservée au musée du Théâtre slovène à Ljubljana et si tous les théâtres professionnels possèdent des archives, les plus abondantes sont au Théâtre de marionnettes de Ljubljana, Lutkovo gledališče Ljubljana.