De nos jours, la formation dans le domaine des arts de la marionnette est essentiellement assurée au sein d’établissements d’enseignement supérieur. Il s’agit d’un phénomène relativement récent, qui n’affecte pas encore, ou sous une forme très différente, les expressions purement traditionnelles. Durant plusieurs siècles (pour parler uniquement de l’histoire connue et repérée de la marionnette), les savoirs relatifs au jeu, à la manipulation et à la fabrication ont été transmis au sein des troupes, ces dernières étant souvent réduites à des cellules familiales. Avec la disparition progressive de la marionnette populaire, amorcée dés la fin du XIXe siècle en Europe, et le déplacement du spectacle de marionnettes vers la scène théâtrale, la notion de métier spécifique a fait son apparition, avec son corollaire, la nécessaire professionnalisation des artistes. Une réflexion sur la formation et sur les modes de transmission s’en est suivie. C’est en Europe de l’Est que furent créées les premières écoles consacrées à cet art avec l’ouverture en 1952 du département de Marionnettes de la faculté de théâtre de l’Académie des arts du spectacle de Prague (DAMU-AMU). Ce qui s’explique par plusieurs facteurs à la fois, esthétiques mais également sociaux et économiques. En effet, bénéficiant d’une réelle considération de la part des régimes socialistes, l’art de la marionnette a été très largement encouragé par la création de théâtres permanents  (voir Théâtres fixes) et de lieux de formation. Plus de soixante ans ont passé : aujourd’hui, on dénombre de nombreuses structures de formation (écoles ou filières universitaires spécialisées) en Europe et ailleurs qui assurent la formation initiale supérieure. 

La formation initiale supérieure

Les lieux d’enseignement tentent chacun à leur manière de répondre à la même question : quel marionnettiste veut-on former ? En cela, aucune structure de formation ne peut s’isoler du contexte artistique et professionnel dans lequel elle se situe. D’une façon générale, les écoles européennes, avec cependant des approches différentes dans leurs cursus respectifs, privilégient aujourd’hui un recrutement basé sur l’aptitude au jeu théâtral. On peut donc aujourd’hui parler de la formation d’un acteur-marionnettiste, dont les apprentissages fondamentaux (jeu, corps, voix, manipulation, construction) sont autant d’outils, qui, une fois acquis, permettent une vraie liberté de proposition sur le plateau. Parallèlement, l’évolution des formes artistiques contemporaines, qui ouvre à d’autres regards sur la théâtralité, sollicite souvent l’art de la marionnette. Les débouchés sont plus nombreux pour cet acteur différent, que sa formation prépare mieux que d’autres à une compréhension globale de l’espace et qui sait prolonger son jeu à travers l’objet, le matériau ou la scénographie animée. L’apprentissage professionnel et technique est essentiel, mais un enseignement ne se réduit pas à un assemblage de cours. La rencontre avec des univers artistiques singuliers, l’approche de la création, vécue de l’intérieur, sous la direction d’un artiste, permettent aux élèves d’acquérir une méthode et de se forger une démarche personnelle. Cet enseignement sous forme de stage ou de réalisation sous la direction de metteurs en scènes est une pratique largement partagée aujourd’hui dans les écoles européennes et ailleurs. Pour risquer une définition de la formation, telle qu’elle est envisagée à l’heure actuelle, on pourrait dire qu’elle a pour objectif de former de futurs professionnels du spectacle vivant, spécialisés dans l’interprétation et la mise en jeu des formes spécifiques des arts de la marionnette, ayant cette capacité d’invention qui permet de maîtriser les nouvelles écritures scéniques. La notion d’école dans le domaine artistique renvoie à une certaine conception de l’enseignement : l’apprentissage professionnel des élèves se déroule dans un lieu qui est tout à la fois lieu de vie, de travail et de rencontres. Un espace où le questionnement permanent sur le sens de la formation est essentiel. Questionnement auquel les intervenants répondent en privilégiant la démarche pédagogique par rapport à l’objectif final. Le moment est certainement venu aujourd’hui de faire le point sur ces approches pédagogiques. Dans le domaine des arts de la marionnette, peu d’enseignants ont eu le souci de témoigner de leurs réflexions et de leur pratique. Cette modestie ne doit pas occulter le bilan plutôt positif d’un système de formation qui s’est révélé très novateur. Mais il faut également s’interroger sur ses capacités d’évolution et d’adaptation aux nouvelles générations d’élèves ainsi qu’à une création contemporaine elle aussi en mouvement.

Préparer la sortie de l’école

L’engagement professionnel à la sortie de l’école n’est pas toujours simple. Le temps de la formation, où tâtonnements, recherches et erreurs sont permises, représente une sorte de cocon protecteur, dont il n’est pas toujours facile de sortir. Il faut y préparer les élèves. Une première sensibilisation leur est apportée par les cours d’administration, de communication et d’introduction aux réseaux de diffusion. Elle est constamment alimentée par les contacts des élèves avec les différents intervenants, souvent engagés eux-mêmes dans la vie professionnelle. Les établissements d’enseignement essayent de plus en plus de favoriser la pratique de stages professionnels au sein de compagnies, durant le cursus ou à l’issue de celui-ci. L’importance de cet apprentissage est un complément indispensable des études pour des élèves coupés de la réalité du terrain. Les échanges entre écoles supérieures de marionnette ou d’autres domaines artistiques comme le cinéma, la danse, les arts plastiques ou le théâtre sont fréquents et sont appelés à se développer. Ils permettent aux élèves de se confronter à d’autres démarches et se révèlent tout à fait essentiels. Rappelons que l’Institut international de la marionnette a été, sur l’initiative de Margareta Niculescu, à l’origine de la Convention internationale des écoles de marionnettes (CIEM), signée en juin 1990 à Charleville-Mézières, France, par dix écoles internationales, à l’occasion de la première Rencontre internationale des écoles de marionnettes. Six autres écoles de divers pays ont par la suite rejoint ce regroupement. La convention a pour buts de jeter les bases d’une réflexion sur les méthodes d’enseignement, de favoriser la coopération entre les écoles par les échanges entre étudiants et professeurs, de promouvoir et d’intégrer les jeunes marionnettistes, d’encourager les contacts avec d’autres écoles d’art et de valoriser l’enrichissement des connaissances par l’organisation de festivals, de débats, de colloques et de rencontres à l’échelle nationale et internationale. Soulignons ici l’importance croissante de la dimension européenne, qui permet déjà, par le jeu des équivalences, une meilleure circulation des élèves. Cette mobilité nécessitera sans nul doute, et de plus en plus, une collaboration vigilante entre les différents cursus, ainsi qu’un partage de réflexions et de pratiques entre les établissements.

La professionnalisation

Afin d’intensifier les échanges entre la marionnette et les autres arts, d’accroître le niveau artistique et l’exigence professionnelle, il est important d’offrir des possibilités de recherche et de création aux jeunes artistes. Les écoles les plus en pointe offrent des programmes d’accompagnement professionnel qui permettent aux jeunes diplômés de développer leurs recherches en « compagnonnage » avec la structure d’enseignement, ce qui équivaut à donner une suite cohérente à la formation initiale. À cet égard, les occasions de plus en plus nombreuses offertes par les festivals à des projets de jeunes professionnels sont très précieuses.

Formation professionnelle ou formation continue

Beaucoup de marionnettistes ne suivent pas de formation particulière. Ils acquièrent leur expérience en s’engageant directement dans la création, montant leur propre compagnie ou intégrant une production. Le manque de pratique et de travail systématique des disciplines fondamentales dédiées à la maîtrise professionnelle du jeu, de la manipulation ou du corps, peut alors parfois se faire sentir. En travaillant de façon isolée, le risque existe également de ne pas se ressourcer suffisamment au contact d’autres artistes. La formation sous forme de stages, qui permettent des rencontres artistiques et des pratiques renouvelées, est donc un enjeu important pour l’ensemble de la profession et pour le renouvellement de la création. Encore faut-il que ces stages soient conçus, dans la durée, comme des laboratoires de recherche et comme des espaces de transmission, ce qui est de moins en moins le cas aujourd’hui pour des raisons économiques. Ces stages sont le terrain privilégié de rencontres avec des maîtres, mais aussi entre artistes. Ils encouragent également des allers et retours fructueux entre les arts de la marionnette et les autres langages artistiques. Il est indispensable de proposer désormais des cycles longs de formation portant sur des problématiques et des enjeux rencontrés aujourd’hui dans le théâtre de marionnettes. On peut citer la mise en scène et la dramaturgie, qui sont souvent sous-estimées, mais d’autres points, notamment la rencontre avec les autres langages artistiques (image, danse) et d’autres savoir-faire sont aujourd’hui également essentiels pour le développement de la profession. Plus que jamais, formation et recherche doivent être au cœur des préoccupations. Dans un paysage théâtral extrêmement mouvant, le théâtre de marionnettes doit faire preuve d’exigence et de lucidité pour garder sa spécificité et continuer d’ensemencer la création contemporaine. Atteindre un niveau toujours plus élevé de connaissance et de technique au service du sens, permettre et encourager la recherche, favoriser les rencontres, constituent désormais les principaux axes de développement futur de la formation.

Bibliographie

  • Eruli, Brunella, ed. “Pro-vocation, l’École”. Puck. No. 7. Charleville-Mézières: Éditions de l’Institut international de la marionnette, 1994.
  • Gourdon, Anne-Mari, ed. Les Nouvelles Formations de l’interprète: théâtre, danse, cirque, marionnettes. Paris: CNRS éditions, 2005.
  • Lecucq, Evelyne, ed. Pédagogie et formation. “Carnets de la marionnette” series. Vol. II. Paris: Éditions théâtrales/THEMAA, 2004.