La Chine d’aujourd’hui, officiellement la République populaire de Chine (中华人民共和国, Zhōnghuá Rénmín Gònghéguó), est gouvernée par le parti communiste et située en Asie de l’Est. Elle comprend vingt deux provinces, cinq régions autonomes, quatre municipalités autosuffisantes (Beijing, Tianjin, Shanghai, Chongqing) et deux districts administrativement indépendants (Hong Kong et Macau).

La marionnette en Chine

Associant la musique, le chant, la déclamation, le mime et le ballet, le théâtre de marionnettes en Chine, est, comme celui des acteurs, un événement total qui emprunte à tous les arts. Il puise aux arts du conte et à ceux des arts  martiaux, de la danse rituelle,  de l’art du portrait, de l’architecture et de la broderie. Si le théâtre de marionnettes apparaît comme un spectacle dont l’esthétisme est abouti, il représente principalement la matérialisation de valeurs morales, philosophiques et religieuses. Il s’adresse au Ciel sous la forme de personnages qui intercèdent auprès des divinités pour porter aide et assistance aux humains. En effet, ces spectacles qui interpellaient le Ciel, le faisaient sous la forme de personnages tels les Dieux du Taoisme et les héros du Baxian guohai (Les Huit Immortels Traversant l’Océan) et ceux du Fengshen Yanyi (L’Investiture des Dieux). On retrouve également dans les narrations bouddhistes, le fils fidèle et pieux, Mulian Jiumu (Mulian délivre sa mère); malgré ses péchés, il la ramène de l’enfer. Ce genre de fable est un exemple d’intercessions auprès du divin utilisées pour assister les humains.

Même si certains genres n’existent à peu près plus (par exemple, les marionnettes sur l’eau, les marionnettes à gaine, les marionnettes à tiges), les marionnettes à tiges de fer (manipulées à l’aide d’une tige de fer placée dans le dos de la marionnette), les marionnettes à fils et les figurines d’ombres ont survécu. Malgré ces changements apportés par la globalisation, qui ont altéré la culture rurale qui a contribué à maintenir le théâtre de marionnettes traditionnel, certaines formes de l’art de la marionnette existent encore. Depuis ses origines jusqu’au début de notre ère, l’art de la marionnette à fils, à gaine ou à tiges est resté subordonné à son aspect rituel et propitiatoire. De plus, à partir de la dynastie Qing (1644-1911), le théâtre de marionnettes développe une importante fonction de divertissement et devient étroitement associé aux formes locales de l’opéra (xiqu) opéra. Cette dimension s’est éteinte avec la Révolution culturelle et ne survit encore qu’à Taïwan ou de manière sporadique, dans certaines régions de Chine (voir Rites). Ce patrimoine menacé est toutefois l’objet d’une nouvelle et récente attention de la part des autorités chinoises.

Avec la naissance de la République populaire de Chine (PRC ; Zhonghua Rénmin Gonghéguo, 1949), le soutien du gouvernement aux arts du théâtre devient beaucoup plus consistant : à partir de certaines compagnies privées et reconnues, il forme des troupes gouvernementales et modernise le répertoire déjà approuvé par les politiques du gouvernement. L’art théâtral, en tant que profession à temps plein, devient une réalité pour un grand nombre d’artistes qui font partie des municipalités soutenues par le gouvernement. La Révolution Culturelle (1966-1976) a eu de profondes répercussions sur les artistes locaux des troupes privées qui poursuivaient les pratiques traditionnelles. Leurs marionnettes furent détruites et ils ont dû cesser de jouer. Seul le répertoire des quelques compagnies urbaines approuvées par le gouvernement a été présenté pendant quelques années jusqu’à ce que ces troupes soient aussi forcées de cesser leurs activités.

Ce n’est qu’après les années quatre-vingt, qu’un renouveau s’est manifesté. De nouvelles créations ont vu le jour, des technologies récentes ont été explorées et la préservation des arts traditionnels a été encouragée. Dans certaines régions rurales de la Chine et de Taïwan, on retrouve encore des pratiques rituelles (voir Rites).

Cet article inclut également des références aux formes du théâtre de marionnettes véhiculées par les membres de la diaspora où qu’ils soient dans le monde. Par exemple, nous retrouvons aujourd’hui des créations de théâtre d’ombres chinois et de gaine chinoise en Californie (États-Unis) et ceci à partir du moment où des ouvriers chinois sont engagés par la Transcontinentale Railway, au XIXe siècle. On peut aussi assister à des représentations de marionnettes à gaine du style du Fujian et du Quanzhou dans des temples bouddhistes chinois situés en Malaisie, en Indonésie, à Singapour et à Taïwan.

Le théâtre d’ombres de Taiwan s’inspire des modèles chinois. Aussi, en Thaïlande, parmi la population chinoise, on retrouve la marionnette à tiges et la marionnette à tiges de fer. La plus grande mouvance de la culture chinoise s’est probablement faite à Taïwan. Les membres de cette diaspora ont migré d’abord de la Chine au Japon (1895-1945), ont subi le contrôle nationaliste (1949), et, en combinaison avec les habitants indigènes de langue austronésienne, plusieurs orateurs chinois ainsi que des traditions dont certaines traditions chinoises concernant les spectacles dans les temples continuent présentement à Taïwan.

Origines des marionnettes

Les fouilles archéologiques révèlent que, depuis les âges les plus reculés de l’histoire chinoise, les coutumes funéraires incluaient un certain nombre d’objets du quotidien qui accompagnaient la dépouille des morts – cauris, jades, bronzes, instruments de musique, armes, chars, cuirasses, etc. – mais également des victimes, animales et humaines, constituant des compagnons » (renxun). L’âme continuait d’exister tel un fantôme lié à l’être humain. Il semble que vers le IIIe siècle avant J.- C., les êtres vivants enterrés avec le mort commencèrent à être progressivement remplacés dans les tombes, soit par des statues grandeur nature – comme l’illustre l’armée des guerriers de Qin Shihuangdi (259-210 av. J.C.) , soit par des figurines de paille (zhouling) de la dynastie Han (206 av. J.C. – 8 AD) ou encore par des statues de terre cuite ou de bois (yong) – comme celles – datant des Han antérieurs (IIIe siècle av. J.C. / 8 AD) – qui furent trouvées en 1979 dans le district de Laixi à Shandong. Celles-ci ont la particularité d’être de taille humaine (193 centimètres) et articulées en treize parties différentes. Cette découverte atteste l’usage de marionnettes très achevées, presque entièrement articulées, aptes à prendre toutes les positions et à reproduire tous les mouvements du corps. La présence de petits trous percés dans ces poupées et celle de fils d’argent près d’elles, semble par ailleurs montrer qu’il s’agissait de marionnettes manipulées par des fils. On peut donc dire que ce type de marionnettes date de cette époque. À la même époque, les découvertes faites dans la province du Hunan, à Mawangdui de Changsha, incluent des sculptures et des assemblages de bois représentant des figurines de musiciens et de danseurs dans diverses postures et avec de nombreuses expressions. Des chercheurs spécialisés dans le théâtre de marionnettes croient qu’il y aurait une relation entre celles-ci et les spectacles de marionnettes ultérieurs.

Remarquons que le terme de yong (statues représentant des humains sacrifiés trouvés dans les tombes) est une variante de celui de ou qui signifie « marionnette », leur fonction première étant similaire. Comme l’attestent les sources historiques, notamment certaines datant des Ming (1368-1644), l’art des marionnettes est intimement lié aux pouvoirs magiques que détiennent ceux qui les manipulent. Le titre de « maître » (xiansheng ; shifu ; shigong), donné au marionnettiste, révèle d’ailleurs le respect témoigné à son égard en raison de ses pouvoirs, tandis qu’aucun acteur, fût-il le plus connu, ne bénéficie  de cette appellation. Alors que le statut légal et social des acteurs est peu élevé, les marionnettistes jouissent au contraire d’une grande considération, surtout parce qu’ils sont détenteurs de connaissances et d’un rôle qui était autrefois dévolu au chaman, au guérisseur, au devin ou au prêtre (Daoist). Ainsi, si deux troupes, l’une de théâtre et l’autre de marionnettes, se retrouvent dans un même lieu de représentation, la priorité est toujours donnée au spectacle de marionnettes, par respect pour ce genre. D’après la tradition, c’est du théâtre de marionnettes qu’émaneraient le théâtre d’acteurs, la gestuelle, l’expression corporelle et les chorégraphies (particulièrement celles du Jingju (Beijing/Opéra de Pékin) étant inspirées des poupées ; à Taïwan, d’ailleurs, la marionnette principale, Xianggong (Marshall Tian), est également le saint patron des acteurs. Le Fujian (incluant Quanzhou) et Guangdong (incluant Chaozhou) sont des centres majeurs des arts de la marionnette en Chine. Le théâtre d’ombres s’est développé dans d’autres régions. Les textes anciens suggèrent que les marionnettes servaient d’accessoires lors des cérémonies funéraires. Les théoriciens occidentaux du XIXe siècle qui affirmaient que les arts dramatiques dérivaient de rites religieux, voyaient leurs arguments confortés par l’étude des artéfacts chinois, des textes et des rites populaires qui subsistent encore aujourd’hui.

Évolution historique

Comme pour d’autres traditions vivantes, orales, les sources écrites passées concernant les marionnettes, sont relativement rares et dispersées. Les documents les plus anciens sont ceux du Jia Yi xinshu (Nouveaux Écrits de Jia Yi, 201-169 av. J.C., Dynastie Han). Ceux-ci affirment que : « Lorsque les tambours battent la mesure, les marionnettes sont mises à danser. » Le Yanshi jiaxun (documents de la Famille Yan) de Yan Zhitui (531-591) rapportent que : « Guo Tu, est généralement reconnu comme étant une marionnette », ce qui démontre que le personnage de Guo La Tête Chauve était populaire à cette époque. Encore aujourd’hui, le théâtre de marionnettes de Heyang à Shaanxi, présente un personnage nommé Laibaozi (Tête Chauve), qui est probablement le même que celui de Guo. On peut conclure, en lisant certains textes historiques, que les marionnettes servaient  tout simplement à raconter des histoires à partir de la période Qi. Ji Hanshu (Annales des Hans), dans le commentaire rédigé par Liu Chao de Liang (VIe siècle), affirme que : « Sous les Han, les gens des villes créaient des poupées pour célébrer les mariages et les funérailles ». Le Tongdian (Comprehensive Institutions), un texte encyclopédique du Du You écrit entre 766 et 801, affirme que : « On faisait danser, jouer et chanter les marionnettes. À l’origine les marionnettes étaient utilisées lors des rites funéraires mais à la fin du IIIe siècle, les gens les utilisaient pour tout genre de célébrations. » Cet usage plus fréquent des marionnettes implique probablement un développement plus poussé des techniques de manipulation, la création de mouvements et de gestuelles plus sophistiqués ; ceci était influencé par les « centaines de spectacles » (baixi) produits pendant la période Han qui incluaient la jonglerie et l’acrobatie. Encore de nos jours, les marionnettes performent ce genre de défis circassiens.

Durant la période Tang (618-907), certaines cultures extérieures, dont celle de l’Inde, influencèrent les arts en Chine. Une multiplication de genres musicaux et de styles firent leur apparition. La danse et le théâtre de marionnettes ont également vécu cette influence. Chaoye qianzai (Rapport complet des affaires dans et en dehors de la Cour), un carnet de dessins composé par Zhang Zhuo, situe ces évènements entre les règnes de Wu Zetian (624-705) et de Xuanzong (685-762) ; on y trouve un bruyant moine de bois qui tient un bol d’aumône rempli de monnaie de cuivre. Ce moine a été créé par un maître artisan. L’invention de « marionnettes mécaniques » a, dès cette époque, atteint de hauts niveaux d’exécution.

Deux autres textes, Kuilei yin (Le Chant des Marionnettes) et Muren fu (Poème pour une Marionnette de bois), nous renseignent sur l’habileté des artisans à fabriquer des marionnettes à fils réalistes dont les performances peuvent s’adapter à la rue ainsi qu’aux maisons d’officiels. Les marionnettes à fils, à tiges et à « disques-ling » (probablement qu’elles sont des marionnettes automatisées qui dansent sur une plaque tournante), ont toutes été inventées sous la Dynastie Tang.

Sous la Dynastie des Song (960-1280), avec l’urbanisation et le développement de l’artisanat et d’industries locales, l’art des marionnettes connait une vaste expansion. Son public s’élargit aux classes populaires et des traces de représentations de théâtre d’ombres et de marionnettes de types divers furent retrouvées à Bianliang (Henan), capitale des Song du Nord (960-1127) et à Hangzhou (Zhejiang), capitale des Song du Sud (1127-1280). Cinq types de marionnettes existent à cette époque. Les marionnettes à fils développées par les artistes Zhang Jinxian et Lu Jinxian, célèbres pour la qualité réaliste des marionnettes et de leurs performances ; les marionnettes à tiges qui tenaient le public en haleine et jouées par Ren Xiaosan, Chen Zhongxi et Liu Xiaopushe ; les marionnettes « à poudre » (yaofa), un art proche de celui des artificiers, consistant à faire exploser des charges de poudre contenues dans des paquets. Elles étaient disposées sur un échafaudage et leur explosion faisait apparaître les multiples figures manipulées par Li Waining ; des marionnettes « de chair » (il s’agissait peut-être de marionnettes digitales, « d’enfants portés par des adultes » ou de spectacles plus proches du mime). Leurs performances étaient, entre autre, assurées par Zhang Fengxi et Zhang Fenggui ; les marionnettes sur eau, genre que l’on retrouve aujourd’hui au Viêt-nam, et probablement issu des automates hydrauliques en vogue sous la dynastie Tang. Celles-ci étaient présentées par Yao Yuxian, Sai Baoge, Wang Ji et Jin Shihao. Il y a aussi certaines références à des spectacles de théâtre d’ombres.

Les hommes de lettres de la Dynastie Song font allusion aux marionnettes dans leurs poèmes. Celles-ci apparaissent également dans les peintures et artéfacts de l’époque. Une peinture, « Un Spectacle de Marionnettes pour Enfants » de Liu Songnian (1174-1224), montre un enfant dans un castelet qui manipule une marionnette à fils. Un de ses amis joue du tambour tandis que deux autres regardent. La pièce pour marionnettes, « Le Squelette » de Li Song (1166-1243), montre un manipulateur squelette qui fait danser une minuscule marionnette squelette pendant que deux enfants et une femme qui allaite observent cette danse de la mort. Cette image réfère peut-être aux rouleaux de papier traditionnels bouddhistes sur l’enfer (où les moines bouddhistes montraient et performaient des sermons sur les douleurs de l’enfer). Ceci était probablement lié à l’usage, par les bouddhistes, de personnages de squelettes dans les danses masquées de la région de l’Himalaya. La pièce « Marionnette Jouant d’un Miroir de Bronze » présente une marionnette à tiges manipulée par un artiste derrière un tissu. Les oreillers de porcelaine du Comté de Jiyuan, de la Province du Henan et datant de la Dynastie Song, révèlent des enfants qui présentent un spectacle de marionnettes.

Même s’il ne subsiste que très peu de documents de la Dynastie Yuan (1271-1386), le Lintian xulu (Archives des Bois et des Champs), nous enseigne que les marionnettes étaient utilisées lors des prières et pour prévenir les désastres ; Zhu Ming youxixu (Préface de l’Opéra des Acteurs), parle du marionnettiste Zhu Ming et de ses merveilleuses performances ; le Spectacle des Marionnettes du Festival des Lanternes décrit des scènes de marionnettes et leurs performances.

Des répertoires variés firent aussi leur apparition tandis que s’épanouissait l’art des conteurs (voir Conteurs) avec des intermèdes dansés et comiques, interprétés par des bateleurs ou des marionnettes. Sous la dynastie mongole des Yuan (1271-1368), le théâtre chanté, d’acteurs, prit toute sa dimension à Hangzhou, alors que le théâtre d’ombres s’étendait à tout l’empire mongol. Les marionnettes connurent une période de repli avec les guerres de la fin de la Dynastie Yuan avant qu’une nouvelle période florissante ne s’ouvre pour elles. Ceci eut lieu à l’avènement des Ming (1368-1644) en particulier dans la région du Fujian dans le sud-est de la Chine.

Durant la Dynastie Ming, plusieurs styles de chants et divers genres vocaux dans les opéras locaux, firent leur apparition. Et avec la régionalisation, vinrent de nouvelles formes de spectacles de marionnettes. La représentation des marionnettes dans le Comté de Heyang de la Province du Shaanxi ainsi que les marionnettes de la Préfecture de Quanzhou du Fujian, en sont deux exemples typiques. Les deux utilisent des figures à fils mais leurs différences résident dans le style vocal, les instruments de musique et leurs tonalités, la langue ainsi que les coutumes locales. La Dynastie Qing (1644-1911), produit des centaines de types de drames locaux. Pour chacun des styles de jeu des acteurs, correspondent des thèmes, des pièces, des façons de chanter, des instruments de musique et des maquillages, des costumes et des accessoires de plateau. Ceci est une importante caractéristique des spectacles de théâtre de marionnettes chinois.

Selon le Ming Shi (Histoire du Ming), un spectacle de « marionnettes sur l’eau » comportait des manipulateurs enveloppés d’un tissu bleu plié qui servait à créer de l’eau imaginaire à cette époque où le théâtre de marionnettes sur l’eau n’existait plus. Des pièces telles Les Huit Immortels Traversant l’Océan et Le Roi Singe se Bat dans le Palais sous les Mers, comptaient parmi les favorites de la Dynastie.

C’est à Quanzhou, dans le sud du Fujian, que la technique de fabrication des marionnettes à fils atteignit la plus grande sophistication, une seule poupée pouvant être mue par un grand nombre de fils, de seize à trente d’entre eux, les manipulateurs développant pour ce faire une dextérité de prestidigitateurs. Ces marionnettes étaient souvent utilisées pour prédire l’avenir. Le genre musical dit pihuang, avec ses vers chantés décasyllabiques ou heptasyllabiques et son accompagnement de vièle à deux cordes huqin ou erhu, se développa dans le théâtre de marionnettes à gaine (budaixi) et influença nombre de théâtres chantés d’acteurs. Éventuellement, l’école de marionnettes à gaine du Fujian, fut divisée en deux branches principales : Zhangzhou était le centre de l’école du Nord, avec les marionnettes de Longxi, particulièrement réputées pour leur répertoire axé sur les scènes d’action ; Quanzhou représentait le Sud et exploitait plutôt les thèmes légendaires. Ainsi se différencièrent également deux genres musicaux, avec la musique dite de beiguan dans le Nord, et une prédominance des instruments chuigu, à tendance martiale (wuyue), et celle de nanguan, dans le Sud, reconstituant la musique de tendance lettrée (wenyue) avec son ensemble à cordes, vents et petites percussions, accompagnant la poésie chantée.

La Dynastie Ming a aussi produit ce nouveau genre de spectacle de marionnettes appelé le budaixi ou marionnettes à gaine. Parfois, une représentation de marionnettes à gaine pouvait être animée par un seul manipulateur. La manipulation « pôle d’épaule » (gaine) a aussi été créée à cette époque. Elle a été nommée ainsi à cause du type de manipulation qu’elle supposait : une seule personne manipulait les marionnettes, chantait et jouait des instruments de musique : le porteur de la pôle. La popularité de cette technique a été telle, qu’elle a reçu plusieurs appellations selon la région où les marionnettistes se rendaient. Dans la Province de Guangdong on l’appelait « one man show » ou spectacle de soliste ; dans la province du Hunan le spectacle du « milliers de pôles » ; à Anhui, c’était le « spectacle d’épaule » ; au Sichuan, le « spectacle de la pôle en courtepointe » ; à Jiangxi, le « spectacle de la courtepointe ». Pendant cette période, la technique de la marionnette à tiges de fer s’est également développée, différente des autres techniques, telles celles qui existaient déjà : la marionnette à tiges, la marionnette à fils, la marionnette à gaine, la marionnette à pôle d’épaule.

Sous la Dynastie Mandchoue des Qing (1644-1911), les compagnies de théâtres de marionnettes se multiplièrent, disposant chacune d’un castelet de bambou et d’une troupe de trois ou quatre personnes se déplaçant d’un village à l’autre. D’autres troupes, plus importantes, étaient plutôt sédentaires et résidaient dans les grandes agglomérations. Elles disposaient de marionnettes de grande taille, comme celles du « Théâtre Royal à Grand Castelet » (dagongxi) qui avait la faveur impériale. Cette époque vit le développement et l’amélioration de nombreuses techniques de fabrication comme la mobilité de la tête et, sous l’influence du théâtre d’acteurs, les « visages peints » (ou personnages jing). Après la révolution de 1911 et la vague de « modernité » qui s’ensuivit, les réformes imposées aux marionnettes furent principalement d’ordre technique, ajoutant au son et au décor, et élargissant l’espace scénique.

Les figurines d’ombres (Yingxi)

La tradition veut que l’empereur Wudi des Han (vers 141 à vers 87 avant J.C.), déjà connu dans les textes et chroniques pour son intérêt pour les pratiques magiques, attristé par la mort de sa concubine favorite Li, ait demandé à un magicien de l’invoquer et de la faire revivre. Celui-ci découpa une ombre qu’il fit apparaître à contre-jour derrière un rideau. L’empereur put alors contempler cette illusion qui lui restituait l’esprit de la défunte. On retint ce principe comme étant « le rappel de l’âme sous forme d’ombre », repris dans le théâtre de marionnettes à fils comme étant « le rappel des esprits ».

La théorie voulant que cet incident soit à l’origine du théâtre d’ombres a été suggérée beaucoup plus tard par Gao Cheng (vers 1080), pendant la Dynastie Song, dans un document qu’il a intitulé Shiwu jiyuan (L’Origine des Choses). Cette légende réfute, par son ancienneté, certaines sources qui veulent que cette forme théâtrale ait été importée de l’Inde vers le Xe siècle. Pendant la Dynastie Tang, des moines itinérants étalaient des rouleaux de papiers peints qui les aidaient à raconter des légendes bouddhistes ou séculaires connues comme des bianwen (textes de transformation). Sun Kaidi suggère que ces façons de conter étaient à l’origine du théâtre d’ombres chinois qui deviendra très populaire durant la Dynastie Song. D’autres hypothèses lient les ombres aux pratiques shamaniques des Mongols ou de tribus qui vivaient à la périphérie du Royaume Central. D’autres soutiennent, selon des sources plus tardives encore, que cette tradition émanerait du bassin inférieur du fleuve Jaune, transmise par des réfugiés de la fin des Song (XIIe-XIIIe siècles). Enfin, des documents anciens indiquent que l’origine des ombres se situerait dans la région de Guanzhong dans la Province de Shaanxi au début de la Dynastie nordique des Song (960-1127).

Pendant le règne de l’Empereur Renzong (1023-1063), les marionnettes d’ombres devinrent populaires à Kaifeng, dans la Province du Henan. Petit à petit, les spectacles de théâtre d’ombres avec les mains (créer des personnages en utilisant les mains ; voir Ombromanie), spectacles d’ « ombres de papier » (certains référent à l’utilisation d’écrans ; d’autres réfèrent à des figurines d’ombres en parchemin). Ces tendances contribuèrent à produire de grands artistes du théâtre d’ombres, performers et fabricants.

On retrouve, dans les archives de Baibao zongzhen (Le Compendium des Cents Trésors), des témoignages à l’effet qu’une compagnie de théâtre de marionnettes pouvait créer les pièces historiques des 17 dynasties précédentes. Ces troupes possédaient 240 artéfacts scéniques (chevaux, murs de villes, barques et bateaux, portes, tigres, tables et chaises, figures de tous genres), quarante armes et 1 200 têtes.

Quoi qu’il en soit, deux courants distincts se constituèrent : au Nord, celui qu’on appelle souvent chuanghua (fleurs sur la fenêtre : des découpages de papier) et au Sud, celui qu’on nomme dengmei (le Cadre éclairé) car apparenté aux lampes à l’intérieur desquelles la chaleur fait tourner un cylindre décoré de figurines. À partir de la Dynastie Ming (1368-1644) et de la Dynastie Qing (1644-1911), les gens ont senti une telle  relation de proximité entre les ombres et le deng, que les spectacles d’ombres sont devenus les formes de représentation préférées du Festival des Lanternes (15ième journée du premier mois du calendrier lunaire), dans la Chine traditionnelle. On les appelait même deng.

Très tôt investies d’un usage religieux, et utilisées dans les temples lors de rituels funéraires comme supports de l’âme défunte, les ombres servirent dès le IXe siècle à des représentations diverses, mettant en scène des divinités ou des rôles types du théâtre de marionnettes. À l’époque Song, les prémices d’un théâtre plus profane se firent jour par le truchement de conteurs relatant en langue parlée, des récits épiques ou romanesques, s’accompagnant du luth yueqin ou du sanxian. Les montreurs d’ombres surent tirer profit de la grande popularité de ces conteurs en représentant les scènes évoquées et en transposant des épisodes historiques dans leurs spectacles, alors essentiellement religieux.

Les histoires qui demeurent encore populaires aujourd’hui sont des épisodes du Fengshen yanyi (Le Couronnement des Dieux), le Xiyou ji (Le Voyage en Occident ; voir Le Roi des singes), Sanguo zhi yanyi (Le Roman des Trois Royaumes) dans laquelle les états Wei, Shu et Wu combattent pour le pouvoir, et Shuihu zhuan (Le roman Au bord de l’eau, aussi appelé Bandits du marais), une légende qui ressemble à celle de Robin Hood.

Les thèmes récurrents chez les conteurs étaient des récits bouddhiques tirés des sûtras, des jâtakas (épisodes des vies antérieures du Bouddha Gautama) ou d’épopées inspirées de la geste de personnages célèbres. Un récit resté encore aujourd’hui populaire est celui des Le Roman des Trois Royaumes, très répandu sous les Song, grâce auquel le théâtre d’ombres évolua de telle sorte qu’il s’affranchit de son rôle proprement exorciste pour devenir partie des loisirs populaires. D’autre part, la fabrication des ombres devint un métier à part entière et indépendant. Dès les XIVe et XVe siècles, tout en gardant la faveur populaire, ce théâtre fut introduit au palais impérial.

Avant le XVIIe siècle, les ombres étaient encore manipulées par huit fils, comme des marionnettes. Puis les fils furent remplacés par des baguettes, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Par ailleurs, il faut mentionner qu’il existait, dans la province du Guangdong, dans la région de Chaozhou, des « marionnettes à baguettes » ou « théâtre d’ombres en relief », transition entre les ombres et les marionnettes : l’écran en papier fut remplacé par une plaque de verre et les silhouettes découpées, par de petites poupées délicatement vêtues et manipulées comme des ombres à l’aide de baguettes. Présente également dans la région de Fujian, cette technique de manipulation unique est pratiquée aussi à Hong Kong.

Les marionnettes, pendant la Dynastie Qing (1644-1911) atteignent leur apogée grâce à leur magnifique sculpture, les superbes voix des chanteurs et un répertoire très vaste. Les marionnettistes jouent les versions courtes des conteurs, dans un langage populaire et accompagnés par le luth (yueqin) et le banjo à trois cordes (sanxian).

Le livre Zhongguo yingxi (Le Théâtre d’ombres chinois) de Jiang Yuxiang, divise le théâtre d’ombres chinois en sept traditions basées sur le style des marionnettes, leur genre de manipulation, le ton des voix et des chants, la scénographie et le type d’instruments de musique. Les 7 traditions sont : 1. Shaanxi et Shanxi, 2. Luanzhou, 3. Shandong, 4. Hangzhou, 5. Sichuan et Hubei, 6. Hunan et Jiangxi, 7. Chaozhou.

D’autre part, des groupes réduits peuvent former une troupe itinérante à peu de frais et adaptable en toutes circonstances, le théâtre d’ombres fut adopté pour les loisirs des soldats en exercice, par exemple pour les soldats Manchu. Toutefois, sous la Dynastie mandchoue des Qing, le théâtre d’ombres fut suspecté de subversion, car souvent utilisé comme outil de propagande par des sectes rebelles, comme la société secrète du Lotus Blanc (Bailianjiao). Interdit à plusieurs reprises, il disparut alors presque totalement.

La Révolution culturelle (1966-1976), considérant cette pratique comme liée, surtout par ses aspects rituels, aux « anciennes superstitions », lui porta un coup fatal dont il se relève difficilement aujourd’hui. Il semble que les traditions se soient maintenues de façon plus authentique et continue dans les provinces – comme au Hebei, au Sichuan, au Gansu, au Shanxi et au Shaanxi –, moins touchées que les villes par la modernité, tandis qu’à Taïwan, où l’usage des ombres est resté courant lors de cérémonies rituelles. Coupé de ses fonctions religieuses, l’art des ombres devint un spectacle de divertissement dont les thèmes sont désormais calqués sur les autres formes théâtrales. Parmi les rares troupes encore en exercice, la Troupe artistique de marionnettes et d’ombres du Hunan, et à Taïwan, celle dite Fuxingke du maître Hsu Fu-Neng (Xu Funeng), perpétuent toujours cet art.

Ailleurs en Chine, le théâtre d’ombres était en voie de disparition. Les artistes individuels, âgés se trouvent encore dans le pays, mais les groupes permanents ont pratiquement disparus. Les compagnies d’artistes du Hunan (voir Troupe artistique de Marionnettes et d’Ombres du Hunan et Hunansheng Muou Piying Yishu Juyuan) et de Harbin (voir Troupe des Marionnettes d’Ombres du Théâtre pour Enfants de Harbin et Haerbin Ertong Yishu Juyuan Muou Piyingtuan) et de Shaanxi (voir Troupe des Arts Populaires de Shaanxi et Shaanxisheng Minjian Yishu Juyuan), en sont des exemples.

Il faut attendre la fin du XIXe et le XXe siècle pour assister à un nouvel essor du théâtre d’ombres, parallèlement à celui du théâtre d’acteurs et à l’opéra. Mais les décennies s’écoulèrent, les guerres, les changements politiques, la compétition amenée par les nouveaux médias (film, télévision), signèrent le déclin du théâtre d’ombres, un art qui a longtemps célébré les traditions et les coutumes des paysans chinois.

C’est en 1930, que le théâtre d’ombres fut développé aux États-Unis, par Pauline Benton. Celle-ci a mis sur pied la compagnie, Red Gate Players, et a également transmis ses connaissances à de nombreux étudiants, durant les années soixante-dix. Elle a ainsi créé un véritable héritage américain de la marionnette chinoise. Tout comme l’a fait Jacques Pimpaneau, qui a réalisé des recherches importantes sur cet art et a inspiré des marionnettistes français à explorer et expérimenter le théâtre d’ombres. (Voir Musée Kwok On).

Les marionnettes à fils (keileixi ; xian’ouxi ; tixian mu’ou)

La marionnette à fils, aussi appelée « marionnette suspendue » dans la littérature du passé, est l’un des genres les plus ancien du théâtre de marionnettes chinois. Elle fut populaire pendant la Dynastie Tang (618-907).

Les marionnettes à fils sont devenues très rares. Leurs fonctions rituelles traditionnelles n’ont été conservées, pour l’essentiel, qu’à Taïwan. Pourtant, la province du Fujian abrite de grandes marionnettes à fils mesurant entre 1 mètre et 1,20 mètre. Certaines ont parfois 3.6 mètres de hauteur. Richement vêtues de costumes brodés, elles sont manipulées par un nombre variable de fils, généralement de 16 à 32 fils. Elles peuvent exécuter presque tous les mouvements d’un acteur ou peut en accomplir jusqu’à vingt-huit si elle doit monter à cheval. En Chine continentale, les marionnettes à fils sont encore présentées par des troupes comme la Troupe de Marionnettes de Quanzhou, Quanzhoushi Muou Jutuan (Fujian), avec son maître Huang Yique. Le répertoire des marionnettes du Fujian est très vaste. Par exemple, le Luolong che (Liste du Luolong, une collection de pièces), comporte plus de 400 titres. La compagnie a également créé de nouveaux textes ou fait des adaptations à partir du huaju (drames oraux). Huoyanshan (La Montagne de la flamme, 1978), est fréquemment jouée par la troupe et a été présentée à la Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Beijing. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les rituels ont joué un rôle important dans l’art de la marionnette à fils du Fujian, mais aujourd’hui, la troupe s’est tournée vers des formes et un répertoire résolument artistique. Seules les compagnies rurales du Fujian (à Guangdong et au sud de Zhejiang au nord du Fujian), ont conservé les fonctions rituelles.

À Taïwan, subsistent deux types de marionnettes à fils qui sont intimement liées aux cérémonies d’exorcisme. On distingue le « style du Nord » (issu de la région ouest du Fujian au milieu du XIXe siècle) et le « style du Sud » (apparenté à celui qui se diffusa au XVIIe siècle à partir de Quanzhou, en provenance de la région de Minnan) qui diffèrent surtout par le répertoire, la musique d’accompagnement, la technique de manipulation et la taille des marionnettes qui sont plus petites au Sud. Ces deux genres de marionnettes à fils ont gardé leur vocation rituelle, leur rôle de divertissement restant toujours secondaire. Il s’agit, lors de toute représentation, d’éloigner les démons et de protéger un temple, une maison ou un village. C’est la raison pour laquelle nombre de montreurs de marionnettes sont des prêtres taoïstes. La fonction essentiellement rituelle du théâtre de marionnettes à fils, nécessitant de la part du marionnettiste un long apprentissage et aussi une initiation et une dévotion à la communauté, a limité notablement le nombre de troupes existantes – une dizaine dont la troupe du théâtre Xinfuxuan dirigée par Lin Tsan-Cheng (Lin Zancheng) – contre six cent troupes de marionnettes à gaine. (Pour une étude plus complète du théâtre de marionnettes du Fujian, il est possible de consulter Ye Mingsheng, Fujian keileixi shilun, disponible en chinois).

Les techniques de la marionnette à fils de la Birmanie (Myanmar) et de d’autres régions de l’Asie du Sud-Est, ressemblent à celles du Fujian. Ceci peut démontrer l’influence profonde qu’a eu la marionnette à fils chinoise dans cette partie de l’Asie.

Les marionnettes à tiges (Zhangtou mu’ou)

Les marionnettes à tiges sont munies d’une tige centrale pour soutenir la tête et deux baguettes pour les mains. Ces baguettes sont situées à l’extérieur (manipulation extérieure) ou en dessous (manipulation intérieure) du costume de la marionnette. La taille des poupées varie ; elles peuvent être de taille humaine ou très petites.

L’origine des marionnettes à tiges remonterait à la dynastie Ming (XIVe au XVIIe siècles) même si certains affirment qu’elles seraient apparues dès le VIe siècle. Ces « marionnettes à tête sur un bâton » ou « marionnettes à bout de bras » sont principalement présentes dans le Guangdong (une région du sud-ouest de la Chine), mais le genre s’est répandu également au Shanxi, au Shaanxi, ainsi qu’au Sichuan, puis s’est étendu à l’ensemble de la Chine – hormis le Fujian, domaine privilégié des marionnettes à fils et à gaine – en particulier à Suzhou (Jiangsu) et à Shanghai. La technique de la tige « intérieure » se trouve au hun krabok de la Thaïlande et semble être issue des influences de la diaspora chinoise. On pense que la technique « extérieure » aurait influencé le wayang golek de l’Indonésie, un art qui s’est développé là où la population vient en grande partie, de la diaspora chinoise.

On sait qu’il y eut à Pékin (Beijing) jusqu’à soixante-dix troupes de marionnettes à tiges qui étaient itinérantes, se déplaçant même jusqu’en Corée et au Japon, et appelées « Théâtre du Palais impérial » car en Chine, elles se produisaient à la cour. Mais dans les années 1910, il n’en restait plus qu’une, dite Troupe du Théâtre Impérial de la Licorne d’or. Dans la province du Guangdong, on distingue quatre écoles : la principale est celle dite de Huizhou, qui comprenait huit ou neuf troupes avant la guerre, en comptant celles de Zhongshan. L’école de Dongwon comprend sept ou huit troupes, et les marionnettes sont plus frustes et réalistes. Celle de Xiasifu, avec huit ou neuf troupes, utilise un principe de tige différent, la marionnette étant plus lourde et difficile à manier, avec une tige descendant jusqu’au sol devant le marionnettiste. Quant à l’école dite de Xinhui, sa différence réside dans le dialecte utilisé par le marionnettiste. Pour ce qui est de l’orchestre, il comprend d’ordinaire huit instruments : le tambour – parfois remplacé par un bloc de bois fendu – des cliquettes diverses, les grand et petit gongs, les cymbales, la vièle à deux cordes, le hautbois et la flûte droite ou traversière. L’accompagnement du chant par la flûte se retrouve dans le Kunqu dont s’inspirent de nombreux airs de ce théâtre de marionnettes cantonais. Ce théâtre chanté, en vogue aux XVIIe et XVIIIe siècles dans toute la Chine, utilise des vers irréguliers et une structure musicale particulière, dont les mélodies, très anciennes, remontent sans doute aux Song et même aux Tang.

Les marionnettistes du Guangdong se réclament d’ailleurs de l’empereur Minghuang (env. 712-756) des Tang, protecteur des arts, et dont les spectacles de ballets donnés à la cour auraient été transposés pour les marionnettes. Certaines mélodies font intervenir les deux styles différents de chant que sont le erwang et le bangzi, suivant plusieurs rythmes distincts pour une même mélodie, et qui se retrouvent dans les différents opéras régionaux. Originaires de la moyenne vallée du Yangzi, ces deux styles musicaux, adoptés par les marionnettistes, sont également à l’origine de la fondation de plusieurs nouvelles troupes dans le Guangdong. Le répertoire des pièces de théâtre de marionnettes à tiges du Guangdong partageait avec le théâtre local d’acteurs ce qu’on appelle « les dix-huit pièces des artistes itinérants » jusqu’à ce que la défaite de la révolte des Taiping (1851-1864) n’entraîne la ruine de l’opéra comme du théâtre de marionnettes.

Après la chute de la dynastie mandchoue, en 1911, on s’efforça de recréer les dix-huit livrets chantés en un dialecte proche du mandarin, et non plus en cantonais, pour la troupe dite des Marionnettes à tige d’opéra de Pékin. La plupart des représentations, qui autrefois se prolongeaient trois ou quatre jours de suite, ne durent aujourd’hui que le temps d’une soirée, jusqu’à minuit environ. Tout comme le théâtre d’acteurs de l’opéra du Sichuan, le théâtre des marionnettes à tiges a développé une technique, « le changement rapide des visages », par laquelle les faces se transforment à travers le changement des visages peints et la technique du crachement de feu.

Quant au théâtre du Sichuan – dont l’expression des visages, très élaborée, nécessitait de remarquables sculpteurs de têtes –, il se divise en quatre écoles : celle des « Grandes boîtes crâniennes en bois » est répandue dans le nord de la province ; celle des « Deuxièmes boîtes crâniennes en bois » qui sont plus petites, mais qui, comme les grandes, ont des yeux mobiles (et parfois le nez et la bouche et même les paupières, la langue et les oreilles) et est active à Nanyun ; celle « des têtes de Jingju » ou l’école des « Boîtes crâniennes de l’Opéra de Pékin », qui émane sans doute du Guangdong, domine entre Chengdu et Chongqing ; celles des « Grandes Marionnettes », du nord du Sichuan. Ces marionnettes, qui mesurent 1,4 mètres et pèsent 5 kilos, se trouvent seulement à Ma’anchang, dans le comté de Yilong au Sichuan. La troupe Dasheng était la plus réputée à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, Li Siyuan, un marionnettiste de la quatrième génération de la Troupe Fuxiang, est le seul héritier de cette technique des grandes marionnettes à tiges. (Voir Troupe des Marionnettes Géantes du Sichuan, Sichuan Damuou Juyuan).

Une autre variante est celle où les poupées ne sont pas plus grandes que des marionnettes à gaine. Elles sont jouées par un seul marionnettiste qui porte tout le théâtre sur son dos et qui présente surtout des pièces humoristiques. Les marionnettes à tiges de grandeur médium mesurent à peu près 1 mètre de hauteur et sont celles que l’on retrouve partout en Chine. Les compagnies telles la Troupe des Marionnettes de la région autonome de Guangxi Zhuang (Guangxi Zhuangzu Zizhiqu Muoutuan), fondée en 1956, et Troupe des Marionnettes de Yangzhou (Yangzhou Muou Jutuan), fondée en 1957, utilisent ce genre de marionnettes. Les plus petites marionnettes mesurent de 0,20 à 0,26 mètres et ne sont utilisées que dans les spectacles de « pôle d’épaules » par des artistes solistes qui transportent la scène sur leur dos. Leur répertoire est comique. Les spectacles de « pôle d’épaules » mettent surtout en scène des marionnettes à gaine.

Au XXe siècle, deux troupes de Shanghai, la troupe de l’Étoile rouge et celle de l’Étoile d’or, se sont rendues célèbres par leurs innovations, notamment en mêlant parfois les ombres aux marionnettes pour créer certains effets, en s’inspirant des conventions de l’opéra de Pékin ou en remplaçant le chant par la parole. Des légendes tirées des contes de pays de l’ouest ou les histoires de la Longue Marche sont jouées fréquemment avec les marionnettes à tiges. Celles-ci sont les plus fréquemment présentées par les troupes subventionnées par le gouvernement chinois.

Les marionnettes à gaine (Budaixi)

Les marionnettes à gaine budaixi (litt. « en sac de toile ») – ou à gant shoutao kuilei,  (shoutou aussi shoutao, encore appelées zhangzhongxi « théâtre dans la paume de la main » ou xiaolong « en petit panier » – ou encore danzixi, « théâtre à la palanche », étaient à l’origine de petits théâtres portatifs qui auraient trouvé leur origine dans la province du Fujian au XVIIe siècle. On dit qu’un lettré, répondant au nom de Liang Binglin, n’ayant pas été reçu aux examens impériaux, avait fait un rêve dans lequel une divinité lui aurait révélé que « sa renommée était dans le creux de sa main ». Se méprenant sur l’oracle, il se présenta de nouveau aux examens, sans plus de succès. Un jour qu’il assistait à une représentation de marionnettes à fils, il conçut l’idée d’animer ces figurines avec ses doigts. Par la suite, il exécuta ce projet et, grâce à ses connaissances littéraires, composa des pièces qui eurent un grand succès : c’est ainsi que se réalisa la prédiction.

C’est essentiellement dans la province du Fujian et dans l’île de Taïwan que le théâtre des marionnettes à gaine est prépondérant. Le répertoire des marionnettes à gaine du Fujian inclut les pièces anciennes – comme Le Serpent blanc ou Baishe zhuan, Le Dit de l’épingle à cheveux ou Yuzanji, Mulian sauve sa mère ou Mulian jiumu – qui composent « les livrets qui sont dans le panier », remontant pour certains au XIVe siècle, à la dynastie mongole : leur répertoire comporte des légendes bouddhistes et des enseignements divers. Tandis que les « livrets qui ne sont pas dans le panier » sont des adaptations ultérieures de romans célèbres.

Selon des légendes chinoises, la marionnette à gaine serait issue de la Dynastie Ming et se serait grandement popularisée pendant la Dynastie Qing. Elle est appréciée dans les régions du Fujian de Quanzhou, Zhangzhou et Xiamen ainsi que parmi les membres de la diaspora de Taïwan et de l’Asie du Sud-Est. On la retrouve également en Indonésie où son appellation de budaixi s’est transformée en wayang potehi. L’utilisation de la marionnette à gaine s’est divisée en deux traditions, celle du nord et celle du sud. La tradition du nord, celle de la région de Quanzhou, se distingue dans sa musique et la qualité des voix : elle suit en ce sens le style de l’Opéra de Liyuan. Elle emploie également la note de Kuilei (la musique du théâtre des marionnettes à fils) que l’on trouve aussi dans les performances des marionnettes du Quanzhou. La tradition du sud est populaire surtout à Zhangzhou. Sa musique et ses voix sont une combinaison du Jingju (Opéra) et d’une façon moindre, une extension de l’Opéra du Xiang du Hunan. (Voir Troupe de Marionnettes à gaine de Jinjiang (Jinjiangshi Zhangzhong Muoutuan)).

À Taïwan, le budaixi est très populaire. Le style des musiques incorpore ceux de l’Opéra Wu et de l’opéra de Jingju. De nombreux changements sont survenus dans son répertoire et dans les costumes. Les périodes marquantes du budaixi à Taïwan incluent : l’ère du longdi budaixi (aussi connu sous le nom de nanguan budaixi), à cette époque où les opéras pour marionnettes étaient « littéraires » ; l’ère du beiguan budaixi dans laquelle se sont développés les opéras « martiaux » ; l’ère du guce budaixi, dans laquelle les histoires se basaient sur des romans historiques ou des crimes célèbres ; l’ère du jianxia budaixi, utilisant des romans mettant en valeur les arts martiaux et dans lesquels les mélanges de musiques du nanguan, beiguan et chaodiao étaient privilégiées ; l’ère du Kominka budaixi dans laquelle les dirigeants colonialistes japonais ont imposé la culture japonaise en intégrant au budaixi, les légendes des samouraïs, les costumes et les coiffures japonais ; l’ère du budaixi nationaliste dans laquelle les marionnettes portaient des costumes de militaire de la République de Chine ; l’ère du jinguang (ou jingang) budaixi dont le nom s’inspire de guerriers invincibles, gardiens de la tradition bouddhiste.

On distingue un théâtre traditionnel et un théâtre moderne apparu dans les années soixante au sud de l’île, dans la région de Huwei, qui privilégie le style des conteurs publics, souvent centré sur des épisodes du Fengshen yanyi ou Roman de l’investiture des dieux. Au plan musical, cette forme nouvelle de budaixi, loin de se cantonner à un genre précis émanant de la tradition chinoise, puise à toutes sortes de musiques enregistrées et se produit, pour une diffusion élargie, à la télévision comme fait le Wu Jou Yuen (Wuzhouyuan ; Jardin des cinq continents), le théâtre fondé par le maître Huang Hai-Dai (Huang Haidai) – ce qui peut aussi porter préjudice aux troupes traditionnelles. Connue sous le nom de Pili budaixi (marionnette à gaine des Pelures du Tonnerre), cette forme nouvelle du théâtre de marionnettes connaît une popularité grandissante à la télévision (Pili TV) et dans des films tels La Légende de la Pierre Sacrée (2002).

La marionnette à gaine du style du Fujian a été beaucoup présentée dans la communauté chinoise de la Malaisie, particulièrement à Penang, pendant les années soixante-dix et quatre-vingt, lorsqu’elle faisait partie des festivals dédiés aux temples. C’est plus rare aujourd’hui. On a constaté le même phénomène à Singapour. De même, on retrouve en Indonésie, plusieurs compagnies qui jouaient la marionnette à gaine et ce jusqu’à la fin du XXe siècle. La marionnette à gaine du style du Fujian a été importée aux États-Unis par le talentueux maître Yang Fei qui après s’être installé à Seattle, Washington, dans les années quatre-vingt, a contribué à la formation du marionnettiste Dimitri Carter du Northwest Puppetry Center.

Les marionnettes à tiges de fer (Tiezhi mu’ou)

Ce genre de marionnettes est aussi appelé « marionnette de fil de fer ». Populaire à l’est de Guangdong et au Fujian de l’ouest, elle semble être issue du théâtre d’ombres. On croit que sa manipulation est similaire à celle des figurines d’ombres car une tige horizontale placée au centre du dos de la marionnette sert à supporter le poids du personnage. Même si dans la réalité, la plupart des tiges centrales des figurines d’ombres sont situées dans la région du cou de la marionnette. Dans les régions de Chaozhou et de Shantou on nomme ce type de spectacles « les ombres de papier ». Une marionnette à tiges de fer mesure habituellement de 0,33 à 0,48 mètres. Elle est composée d’une tête d’argile peinte, d’un torse sculpté dans le bois, de mains de papier mâché, de pieds sculptés dans le bois et d’une tige (de bambou entouré de fil de métal) qui sert à l’animation de la poupée. D’autres tiges sont reliées aux bras de la marionnette. La musique et le répertoire de l’Opéra de Chao constituent les bases des créations. Pendant la performance, l’acteur est assis sur le sol et manipule la marionnette par l’arrière de celle-ci. Aujourd’hui, à Chaozhou, on trouve quelques troupes qui présentent encore ces spectacles. L’une d’entre elles, la Troupe des Marionnettes de Jinshi Longge, a joué fréquemment en Europe depuis 1993.

Personnages et répertoire

Les types de personnages des diverses formes théâtrales que sont le théâtre d’acteurs, les ombres et les marionnettes, sont calqués les uns sur les autres : on retrouve en particulier le rôle masculin sheng et le rôle féminin dan, le visage peint viril et brutal jing et le comique au nez blanc chou ; ainsi que les autres rôles types de visages peints, investis d’une personnalité précise, reconnaissable à leur couleur dominante, leur maquillage et leur coiffe. Le « visage rouge » représente la probité et la loyauté, le « visage noir » la justice implacable, le « visage vert » la bravoure et la force, le « visage blanc » la déloyauté et la traîtrise, le « visage jaune », la férocité et la cruauté ainsi que les personnages mythiques. Chacun a son propre maquillage et des motifs colorés qui les caractérisent.

Le répertoire des ombres, des marionnettes et des acteurs de théâtre, puise au même fond de la tradition, alimenté par l’histoire et ses événements, et par toutes les histoires particulières et les exemples frappants qui peuvent en être tirés. Ce répertoire est très vaste ; plus d’un millier de pièces traditionnelles pour marionnettes existent dans la province du Fujian seulement. Tout comme les souverains antiques sont devenus légendaires et porteurs de hauts faits civilisateurs, les ancêtres claniques ont été investis de pouvoirs et de vertus exemplaires. Les rois et héros, dont la geste est rapportée par les livres dynastiques, furent élevés au rang de modèles et leur mémoire fut entretenue par les conteurs et bardes qui parcouraient le territoire et s’aventuraient de plus en plus loin, rapportant encore d’autres histoires édifiantes.

Une littérature populaire est née de ces récits en langue parlée, accompagnés de musique, de gestuelle et de mimique, qui redonnaient vie à ces personnages, devenus stéréotypés : non pas inventés, mais devenus réels, dont la vie et les aventures étaient une trame sur laquelle chacun pouvait broder selon son inspiration. De ce fait, certains rôles se sont affirmés et sont devenus incontournables. Leur apparence, leur gestuelle, leur destin même, se sont figés et se retrouvent inlassablement au fil de nombre d’histoires, comme le Roi des singes (Meihouwang Sun Wukong), le Roi-Dragon ou le Serpent blanc. Événements fastes et néfastes, histoires malheureuses qui tendent vers une fin heureuse, la concrétisation du bonheur, la réunion de ceux qui ont été séparés, la réussite aux examens, la libération, la fidélité, la loyauté, tous ces thèmes sont joués et rejoués sous des formes diverses, puisque chacun s’identifie aux personnages et que ceux-ci expriment la vie telle qu’on la rêve. Il en ressort que ces pièces et leurs thèmes récurrents, rejoignent étonnamment les saynètes d’exorcisme dans leur éternelle quête du bien et la recherche d’un pouvoir sur les maux du monde. De ce spectacle, créé par les hommes pour les dieux, les hommes ne peuvent se lasser.

Un théâtre encadré par le rite

Les « représentations » de marionnettes ont été pendant longtemps étroitement liées à leur fonction rituelle première, puisque le fait même de jouer des rôles était considéré (et l’est encore en partie) comme participant plus ou moins d’un phénomène de possession et ayant une incidence concrète sur les événements et sur le public.

Ainsi, cette tradition se maintient, comme c’est le cas à Taïwan, avant toute représentation de théâtre, d’acteurs comme de poupées, les acteurs ou les marionnettes jouent quelques saynètes qui doivent être distinguées du spectacle proprement dit et qui constituent un répertoire à part, dit « répertoire faste » jinqing xiwen, parallèle à la représentation elle-même. Ce sont des tableaux stéréotypés dont le rôle est proprement liturgique, visant à attirer l’action bienfaisante des divinités : ce peut être une saynète de L’Avancement en grade (Jiaguan) exécutée par un personnage masqué qui présente ses vœux à l’assistance, ou encore L’officier céleste confère le bonheur (Tianguan cifu) ou encore Promotion et augmentation (Jiaguan jinjue) ; Fulushou (Rassemblement des Dieux de la Chance, de la Prospérité et de la Longévité) ; Tiannü sanhua (Les Fées éparpillent des fleurs), servent souvent aux invocations. Les pièces religieuses incluent : Guanyin hua (La Culture Guanyin) qui vante le Bouddhisme ; Dianhua Xiangzi (L’Illumination de Xiangzi) qui cherche à initier les gens au Daoïsme ; Baishou (pour célébrer les anniversaires) qui encourage la bonté et la culture ; Mulian jiumu (Muliann sauve sa mère), une pièce qui apporte soulagement et salut. Il existe un tableau des personnages qui exercent des fonctions liturgiques. Par exemple, des scénettes sont jouées avant le spectacle principal ; Jiaguan (avancer d’un pas) dans laquelle les personnages masqués représentent un dieu qui assistera quelqu’un dans l’avancement de sa carrière ; Tianguan cifu (Le Dieu Céleste accorde le Bonheur) ; Jianguan jinjue (Promotion et Avancement) dans laquelle la marionnette prend le rôle du dieu qui réalisera des désirs. Le roman Le Rêve dans le pavillon rouge (Hongloumeng) contient de nombreuses références traitant du jeu de ces saynètes : on y trouve le détail de représentations théâtrales précédées de ce « jeu des dieux » (shenxi) destiné à les convoquer et à leur dédier le spectacle. Un tableau de clôture, faisant pendant à celui qui l’introduit, prend place en fin de représentation. Là encore, il s’agit de mettre en scène des situations éminemment positives, posant un point d’orgue au dénouement des intrigues, quelles qu’elles soient, présentées dans le spectacle proprement dit. Parmi ces tableaux de clôture, on peut assister à la réunion heureuse de deux personnes séparées par le destin (La Réunion ou Tuanyuan) ou à la réussite du jeune premier aux examens impériaux (Le Tableau d’honneur ou Jinbang). Certaines pièces supplémentaires au programme sont à caractère proprement exorciste. Placés à certains moments clés de la pièce principale, elles servent à purifier la scène ou l’aire sacrée du théâtre au moment de l’inauguration ou lors de fêtes calendaires, comme le passage à l’An nouveau : ce sont entre autres La Danse de l’officier céleste Lingguan (Tiao Lingguan) ou La Danse de Zhongkui (Tiao Zhong Kui).

Perspectives

Réalisant que ce précieux héritage était en péril, des chercheurs et des artistes ont travaillé récemment à le préserver et à le développer. Le Musée des Marionnettes et des Ombres Chinoises de Chengdu (Chengdu Zhongguo Piying Bowuguan) est l’une des organisations principales derrière cet effort. Un autre musée de Marionnettes et de figurines d’ombres est situé à Xiaoyi à Shanxi. En 2006, le théâtre d’ombres est reconnu comme une partie de l’Héritage Culturel Immatériel National et certains départements du gouvernement chinois prennent actuellement des mesures pour préserver cet art qui a traversé les siècles. (Pour une histoire plus complète du théâtre d’ombres chinois, il est possible de consulter le livre de Fan Pen Chen intitulé, Chinese Shadow Theatre : History, Popular Religion, and Women Warriors.)

La tradition des marionnettes et des ombres en Chine continentale s’est largement perdue puisque les rituels attachés de tout temps à ces manipulations n’ont plus cours, rangés au nombre des « superstitions » (mixing) du passé. C’est pourquoi le répertoire, qui a perdu sa raison d’être originelle, a tendance à s’aligner sur celui du monde occidental, pour se réduire à un simple divertissement. Pour ce qui est des personnages, si le Roi des singes de Xiyou ji (Le Voyage en Occident) est mis en scène de façon constante, assurant à lui seul la partie comique et acrobatique du spectacle attendue par le public, il est utilisé au même titre que d’autres personnages mondialement connus, tel que Pinocchio ou la Petite Sirène. Il est de moins en moins question de divinités, d’ancêtres ou encore de Zhong Kui, le pourfendeur de démons, toutes entités impliquant un pouvoir transcendant. C’est sous l’influence de l’Occident que l’on commença en Chine à utiliser les marionnettes pour la distraction des enfants. Rien ne s’opposait plus en fait à ce que l’on fasse jouer des marionnettes, en tant que spectacle de poupées, et le gouvernement de la Chine continentale a même compris qu’il pouvait en tirer quelque parti, en promouvant les marionnettes à titre de curiosité asiatique pour le public étranger et pour ses propres ressortissants.

Aujourd’hui, cependant, les arts de la marionnette retrouvent une nouvelle vitalité autour des grandes troupes régionales comme celles du Théâtre de Marionnettes et d’Ombres de Chengdu (Chengdu Muou Piying Jutuan) dans la province du Sichuan, créé en 1957, de la Compagnie nationale de Marionnettes de Chine (Zhongguo Muou Yishutuan), fondée à Pékin en 1955, des Compagnie de Théâtre de Marionnettes de Guangdong (Guangdongsheng Muou Jutuan), créées en 1956 ou de la Troupe de Marionnettes de Quanzhou (Quanzhoushi Muou Jutuan), fondée en 1952 et animée notamment par le maître Huang Yique.

Pendant les années cinquante, le gouvernement chinois s’est appliqué à cultiver le théâtre de marionnettes et le théâtre d’ombres traditionnels en accord avec les diktats du président Mao. En tant qu’art populaire, la marionnette était considérée comme appropriée pour les gens du peuple et apte à rehausser les qualités de la nation et à contribuer à sa modernisation.  De nouvelles compagnies voient le jour dans les années 1950 et au début des années 1960. On y trouve, entre autres, en 1957, la Troupe des Marionnettes de Yangzhou (Yangzhou Muou Jutuan) (anciennement, Troupe des Marionnettes du Comté de Taixing) qui fait partie des groupes inscrits au registre du  Patrimoine National de l’Héritage Immatériel. Il en est de même pour la Compagnie de Théâtre de Marionnettes à gaine fondée dans les années cinquante : Théâtre de Marionnettes de Zhangzhou (Zhangzhoushi Muou Jutuan).

En 1955, la première manifestation de l’Assemblée nationale des Spectacles de Théâtre d’ombres se tient à Beijing. Trente et une compagnies réputées, spécialisées en théâtre d’ombres participent, en incluant plus de 180 membres des treize provinces et villes. L’événement fait sensation dans tout le pays. Trois autres rencontres de d’ombristes sont tenues ensuite, ce qui a grandement encouragé les marionnettistes à développer leur art, à transformer leurs styles de manipulation et à les adapter en des genres plus modernes. C’est ainsi qu’ils créent des spectacles pour les enfants ainsi que des comédies musicales. Ces tendances et modes de création artistiques se développent depuis le début des années quatre-vingt. C’est dans cette même année que l’Association des Arts de la Marionnette et des ombres est créée à Beijing par le Compagnie nationale de Marionnettes de Chine (Zhongguo Muou Yishutuan, fondé en 1955), Troupe des Marionnettes de Shanghai (Shanghai Muoutuan, fondé en 1960), Compagnie de Théâtre de Marionnettes de Guangdong (Guangdongsheng Muou Jutuan, fondé en 1956), Troupe de Marionnettes de Quanzhou (Quanzhoushi Muou Jutuan, créé en 1952), Théâtre de Marionnettes et d’Ombres de Chengdu (Chengdu Muou Piying Jutuan, fondé en 1957) et le Troupe de Théâtre d’Ombres de Tangshan (Tangshan Piyingtuan, fondé en 1959). C’est en 2002 que ces companies s’unissent pour établir l’UNIMA Chine.

L’Association et l’UNIMA Chine reçoivent trois fois le prix du Lion’s Award pour la Compétition nationale du Théâtre d’Ombres et encore trois fois le même prix, pour la Compétition nationale d’Excellence en Théâtre d’Ombres pour la Jeunesse et l’Adolescence. C’est en 2008 que l’on considère que le développement d’une formation en théâtre d’ombres est nécessaire, pour ainsi procurer une éducation de haut niveau à des jeunes talentueux. Pour cela, l’Association des Arts de la Marionnette collabore avec l’Académie Chinoise de Théâtre de Shanghai. À partir de 1980, des companies de théâtre de marionnettes de diverses régions font des tournées à l’étranger et contribuent ainsi à l’innovation et à au développement de la marionnette en Chine. Deux expositions de la région Asie-Pacifique se tiennent à Taïwan.

Des chercheurs, des artistes et des passionnés du théâtre d’ombres et du théâtre de marionnettes chinois, créent de multiples événements et structures pour ainsi permettre la diffusion de cet art millénaire. Un Festival International de Théâtre d’Ombres à lieu à Tangshan. Une conférence (« A Dialogue Between East-West Shadow Puppetry’s Essence ») est mise sur pied par l’Université de Pékin et deux Festivals internationaux de la Marionnette sont tenus à Shanghai. Jacques Pimpaneau, un réputé chercheur français, crée le Musée Kwok On (Musée et collection Kwok On initialement installé à Paris et maintenant relocalisé à Lisbonne au Portugal Oriente Fundçãco Museum do Oriente). Jean-Luc Penso et sa compagnie Théâtre du Petit Miroir, contribue à la présentation de cet heritage millénaire en France (à Issy-les-Moulineaux) tout comme l’a fait l’institut américain, Gold Mountain Institute for Traditional Shadow Theater. Cet Institut est d’abord dirigé par Jo Humphrey (1980-1990) et à partir des années 1990 par Kuang-Fu Fong et Stephen Kaplin du Chinese Theater Works, à New York. D’importantes collections de marionnettes chinoises se trouvent au Field Museum à Chicago et au American Museum of Natural History à New York. Ces deux ensembles de marionnettes et de figurines d’ombres ont été acquis par Berthold Laufer au début du XXe siècle. D’autres collections se situent en Allemagne, en Suède et dans plusieurs musées du monde.

Le ministre chinois de la Culture a initié, en 2002, un projet de compilation et d’archivage des arts populaires de Chine. En 2012, la Ville de Chengdu a reçu le 21ième Congrès de l’UNIMA et le Festival International de la Marionnette. Des centaines de spectacles ont été offerts au public, des marionnettistes du monde entier, des chercheurs et travailleurs culturels se sont réunis pour l’événement.

Bibliographie

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