Le royaume de Belgique (en néerlandais : Koninkrijk België ; en français : Royaume de Belgique ; en allemand : Königreich Belgien) est un pays fédéral situé au cœur de l’Europe de l’Ouest, au point de rencontre de plusieurs cultures ; il est composé de trois Communautés linguistiques : la Communauté flamande, la plus nombreuse, de langue néerlandaise, la Communauté française de Belgique, de langue française, et la petite Communauté germanophone, de langue allemande.
Grâce à leur position-carrefour dans la vieille Europe, les anciennes provinces belges ont connu le passage de nombreux marionnettistes ambulants. Mais leurs représentations relèvent encore de la préhistoire, car les plus anciennes représentations existantes d’un castelet sont constituées par deux miniatures du Romans du boin roi Alixandre, par le Flamand Jehan de Grise exécutées en 1338-1344. A partir de 1601, nous avons gardé trace de ces montreurs grâce à des procès ou des autorisations accordées localement, en revanche nous n’avons conservé que quelques rares mentions concernant leur matériel ; nous ne sommes nullement renseignés sur le parti qu’ils en tiraient pour leurs spectacles et nous ne savons absolument rien, de leur répertoire. Il faut attendre la révolution de 1830 aboutissant à l’éclatement des Pays-Bas et à l’indépendance du royaume de Belgique pour que commence véritablement l’histoire des marionnettes dans le pays. Parmi les multiples montreurs ambulants dont on note la présence à l’occasion de fêtes, foires ou ducasses, quelques-uns devaient laisser des traces de plus en plus nombreuses et précises. Leur activité allait aussi s’étendre sur une longue période.
Ainsi à Liège, de 1824 à 1864, Rémy-Victor Boudoux installa son castelet en plein vent avec ses marionnettes à gaine pour représenter les démêlés de Poûrichinèle (Faignant-Chinèle) avec sa femme Jacqueline. Ce spectacle, également montré par Rousseau puis par le boiteux Talbot jusqu’en 1880, se terminait avec l’apparition de Cacafougna déployé par un trou de la toile au grand effroi des spectateurs. Dans les Flandres et le Brabant, relayant les scènes d’acteurs vivants, c’est le Théâtre Van Weymeersch qui visita les bourgs de 1827 à 1870 avec ses grandes marionnettes à tringles et fils sculptées très réalistement et richement vêtues dans un répertoire très large présenté par un Arlequin. Dès le milieu du XIXe siècle, d’autres théâtres, nombreux, appelés Baraques Saint-Antoine du nom de leur pièce de résistance La Tentation de saint Antoine, présentèrent sur les foires de Wallonie leurs marionnettes à tringles et marionnettes à fils. Plusieurs jouaient aussi L’Enfer où les damnés étaient flambés au cri de « A la chaudière, Robert ! » Leur vogue perdura jusqu’à la guerre de 1940-1945.
La sédentarisation
Conséquence directe de l’urbanisation industrielle croissante du XIXe siècle, dans la plupart des villes, apparurent quantité de petits théâtres fixes dont l’activité supplanta les traditionnelles veillées campagnardes. Les caractéristiques, en harmonie avec l’esprit du temps et des lieux, étaient identiques partout. Dans chaque quartier, le montreur de marionnettes, simple primus inter pares, fournissait chaque soir à la population voisine, souvent illettrée, aventures, rêves, héros, mais aussi information critique et sociale. Pratique d’initiative populaire, expression de l’âme populaire, ce théâtre se révèle un véritable humanisme des humbles, des simples.
Le répertoire était vaste puisque destiné quotidiennement à un public fidèle. Il était en grande partie tiré d’ouvrages populaires de colportage, ce qui explique sa relative homogénéité. Il comprenait les mises en dialogues de romans de chevalerie, des pièces religieuses et historiques, des histoires de cape et d’épée, des adaptations de drames, opéras et mélos, des contes et légendes, enfin des actualités, farces souvent à caractère de revue et jouées au canevas. Les spectacles s’ordonnaient en cycles et feuilletons. Ils étaient d’abord destinés aux adultes.
Les marionnettes étaient de bois, avec têtes et membres articulés. Une tringle de fer commandait la tête plus ou moins finement sculptée, des fils commandaient les mains. Leur taille, de 60 centimètres à 1 mètre, était fonction de leur rang social.
Le théâtre au confort très rudimentaire, était installé au domicile du montreur ou dans un local loué à bon compte, souvent une cave. Le jeu se faisait pratiquement de plain-pied, soit latéralement derrière les coulisses, soit de face derrière le fond. Presque toujours, c’est le montreur principal qui faisait toutes les voix, les aides se bornant à la manipulation, à l’installation des décors et accessoires, à l’accompagnement musical. La manipulation était sans sophistication : c’était par essence un théâtre du verbe.
Le héros – c’est un trait commun à travers tout le répertoire – était un porte-parole au service de l’expression populaire. Il représentait l’esprit frondeur et son franc-parler, d’une vulgarité savoureuse, le rendait à la fois acteur du drame et repoussoir de tous les autres personnages. Il jouait des ressources du dialecte et son arme absolue était le rire.
Anvers
L’écrivain Hendrik Conscience décrivit en 1820 l’ambiance enfumée d’un Poesjenellenkelder (Cave des Polichinelles) où s’entassait la rude clientèle des matelots du port d’Anvers. Par la suite, l’esprit ne changea guère dans les nombreux Poesjes des quartiers populeux. Le spectacle était robuste, gaillard, à l’image des ouvriers, marins et poissardes qui le fréquentaient. Le langage local, trivial et coloré, était d’une magnifique indécence. Les voix étaient parfois assurées par plusieurs manipulateurs, joyeux complices qui improvisaient avec facilité, aimaient à railler le public et poussaient volontiers la grosse chanson. Les marionnettes, extrêmement lourdes, avaient une seconde tringle à la main droite. Leur tronc de bois massif était prolongé par un bassin et des cuisses de grosse toile à sac rembourrée, sans articulation. Leurs jambes de bois, restaient donc relativement raides. Elles interprétaient Ourson et Valentin, Alexis sous l’Escalier, Geneviève de Brabant, Les quatre Fils Aymon, Le Lion de Flandre, le Docteur Faust, Jean de Paris. Les représentants du peuple étaient les vodeballen (balles de chiffons, loqueteux). Plus petits et plus souples, ils pouvaient aussi s’assoir. Ils s’appellaient de Neus, de Kop, de Schele, de Bult, Belleke Janet, soit : le Pif, la Tête, le Bigle, le Bossu, Belle Petite Jeannette. Lors de fréquents combats, on leur passait, au poignet droit, un solide gourdin qui n’épargnait personne. Lorsqu’ils n’avaient plus d’adversaire commun, ils se cognaient entre eux.
Bruxelles
À l’aube du XIXe siècle, à Bruxelles, les poechenellen (polichinelles) se produisaient en cave dans les impasses des Marolles, bas quartier de la ville. En 1830, Antoine Genty y ouvrit son théâtre. Le succès fut tel que les générations suivantes de spectateurs étiquetèrent du nom de Toone (diminutif d’Antoine) les montreurs qui lui succédèrent en une sorte de dynastie populaire, sans lien de parenté. Mais l’arbre généalogique des Toone cachait quelque peu la forêt : ainsi en 1897, on dénombrait une quinzaine d’établissements qui présentaient quasiment le même répertoire avec le même matériel. Les grandes marionnettes à tringle (un mètre) présentaient moins de différences de taille sociale. Elles restaient légères car le corps était bâti de grosse toile bourrée de paille avec articulations aux épaules, coudes et hauts de cuisses, mais non aux genoux. Les mains permettaient à la marionnette d’empoigner facilement de nombreux accessoires, chacune était commandée par un fil. L’articulation des jambes, uniquement à l’aine, donnait une démarche caractéristique « en compas ». Les têtes étaient généralement moulées en carton-pâte garnies de moustaches, barbes et cheveux collés; elles étaient souvent dotées d’yeux de verre. Leur faciès, poupin de prime abord, prit du caractère dans le jeu enlevé des manipulateurs placés, trois à gauche, trois à droite derrière les coulisses. Les marionnettes pouvaient donc traverser la scène en passant de mains en mains et se livrer de somptueux duels à l’épée. Le montreur principal ne manipulait pas, mais il parlait pour tous, usant d’une langue composite, mâtinée de flamand et de français approximatifs, mais à l’effet percutant. Le répertoire était aussi disparate que le langage. On y retrouve des épopées médiévales, appelées « pièces en armures » : Les quatre Fils Aymon, Ourson et Valentin, Vivier et Malgasse …, de l’opéra : La Muette de Portici (qui provoqua la révolution belge de 1830), Robert le Diable, Le Juif errant …, des feuilletons populaires : Le Bossu, Les trois Mousquetaires, La Tour de Nesle, Les Pardaillan …, mais aussi Geneviève de Brabant, Faust, Les deux Orphelines, Le Lion de Flandre, et enfin des farces destinées aux fins de soirées. Woltje était le présentateur.
Gand
Vers 1820, apparut à Gand le premier spelleke (« petit jeu », sous-entendu : de marionnettes). Jusqu’en 1914, une cinquantaine de théâtres se succédèrent. Leurs marionnettes, plus petites, plus légères et plus mobiles, étaient actionnées par une fine tringle à la tête et deux fils aux mains. Pierke (ou Pierrot), tout de blanc vêtu, si blanc qu’il devenait parfois de Bakker (le Boulanger), possédait deux fils supplémentaires au genou droit et au bas de son dos. Fort et rusé, il n’intervenait, à l’origine, que dans les farces, en seconde partie de programme. Il formait un trio avec le bègue Karelke den Bult (Petit Charles le Bossu) et Louis de Lapkesdief (Voleur de Chiffons). Autre type : Langenoarme (Long Bras) dont le bras droit, cinq fois plus long que le gauche, autorisait de fameuses tripotées. Le répertoire comprenait La Nativité, La Passion, La Création du Monde, Robert le Diable, Les quatre Fils Aymon, Ourson et Valentin, Godefroid de Bouillon, Napoléon, Michel Strogoff, Les deux Orphelines, Uilenspiegel, Barbe-bleue, Le Lion de Flandre et des farces et actualités très prisées du public.
Liège
Une liste de 1902 répertorie plus de cinquante théâtres en activité à Liège et dans sa banlieue. Et pourtant, la première mention d’un établissement ne date que de 1860. C’est celui que dirigeait Conti, un Toscan associé au Français Talbot. Un roman rédigé peu après donne une description des lieux, du jeu et du répertoire chez leur successeur qui vaut pour les nombreux émules et concurrents. Le public se retrouvait quotidiennement dans la plus grande pièce d’habitation du montreur. Paradoxalement les marionnettes paraissaient à la fois hiératiques et familières. Elles étaient entièrement de bois sculpté. Progressivement, les têtes, les membres, les armures gagnèrent en raffinement. Il n’y avait de fil à la main qu’en cas d’absolue nécessité. La taille des personnages était socialement très marquée et chez le petit peuple, normalement habillé, seule la tête était sculptée. C’est de ce petit personnel qu’allait se détacher la figure de Tchantchès, populaire factotum bientôt reconnu symbole de l’esprit wallon. Le répertoire faisait la part belle à Charlemagne, natif du lieu : Berthe au Grand Pied, La Mort de Roland, Les quatre Fils Aymon, Ourson et Valentin, Huon de Bordeaux, Roland furieux. Mais on joue aussi Li Nêssance (La Nativité), La Passion, Tristan et Iseut, La Table ronde, La Quête du Graal, La Jérusalem délivrée. Plus tard, Les trois Mousquetaires, Borgia, Les Pardaillan, ou encore : Maître Pathelin, Tåti l’Périquî, Le Lion de Flandre, Guillaume Tell, Les 600 Franchimontois, La Fleur de sainte Hélène, La Tentation de saint Antoine, Le Tour du Monde en 80 Jours, sans compter les nombreuses riyoterèyes (farces d’actualité). Les pièces étaint jouées au canevas, ou en suivant un manuscrit, ou encore interprétées d’après un ouvrage imprimé annoté par le joueur qui y reprenait les dialogues et transposait le reste en action ou en « parlé ». Deux manipulateurs assistaient le montreur qui parlait seul pour tous les personnages et selon leur rang : français grandiloquent, liégeois bâtard, enfin dialecte wallon pur quand il s’exprimait par la bouche de Tchantchès et de ses comparses.
Mons
Mention est faite en 1782 de la présence de religieuses, une fois l’an, à une représentation du Bètième Nivlet. Au début du XIXe siècle, les bètièmes (contraction de Bethléem, désignant les établissements) représentaient La Nativité, La Passion, La Tentation de saint Antoine, Joseph vendu par ses frères, Geneviève de Brabant, La Légende de Gilles de Chin, mais aussi, par la suite, des drames, mélodrames, comédies et, pour le jeune public, des contes : Ali-Baba, Barbe-bleue, Les sept petits Poucets. Les bolomes (bonshommes) ne dépassaient guère 50 centimètres ; ils avaient deux fils aux mains et parfois aux jambes. Les aides du montreur parlaient pour leurs propres personnages.
Quaregnon et Jemappes
Ces deux localités du Borinage ont connu jusqu’en 1925 des théâtres dont le héros populaire était Lafleur, la jambe droite d’équerre volontiers en bataille, avec un répertoire limité : Le Diable dans l’Horloge, La Tentation de saint Antoine, Les Aventures de la Bande Ratatchou Molèt, Lafleur dans le Grenier.
Tournai
La famille savoyarde des Jorio, installée dans la ville depuis 1850, y développa la tradition des poriginelles (déformation de Polichinelle) ou poros jusqu’en 1893. Les poros avaient quatre fils reliés aux membres articulés. Le compère était Jacques, bon vivant, narquois, batailleur, inséparable de son gourdin appelé « tilogramme ». Il s’introduisait dans toutes les pièces comme La belle Maguilleonne de la Chine, Geneviève de Brabant, Les quatre Fils Aymon, Valentin et Ourson, Victor ou l’Enfant de la Forêt, Les Ruines du Château noir, La belle Isabelle, La Béquille vertueuse, Le Paysan mort pour ses Dettes. Des tentatives pour relancer les poriginelles en 1909 et 1928 restèrent sans lendemain.
Verviers
On ne peut passer sous silence le Bethléem, attesté depuis le début du XIXe siècle, mais dont les origines semblent bien antérieures. C’est un phénomène théâtral très particulier et peut-être unique. Vingt-et-une scènes de la Nativité, tirées des Évangiles canoniques et apocryphes, sont disposées sur des entablements recouverts de toile sous lesquels se dissimulent des enfants commis à la manœuvre de tout petits personnages qui se meuvent le long de rainures ou qui sont animés par des ficelles et des poulies. Le public se déplace de tableau en tableau, guidé par un récitant. C’est en général une vieille femme armée d’une longue baguette qui émaille son texte de vieux chants de Noël. Ce Bethléem fonctionne toujours en période de Noël, au Musée d’Archéologie et du Folklore, rue des Raines (voir Nativité.)
Déclin
À la fin du XIXe siècle, la bourgeoisie découvrit les petits théâtres et s’y hasarda. On joua pour « Messieurs les Étudiants ». Des lettrés, puis des amateurs éclairés du folklore s’y intéressèrent. Mais les montreurs de cette génération, manquant d’initiative, s’essoufflaient, ils se recopiaient ce qui provoqua une réelle sclérose. La grande fracture de 1914-1918 entraina un lent mais sûr déclin. Le cinéma et d’autres divertissements à la mode attiraient la nouvelle génération. On joua pour les enfants, puis on ne joua plus. On ferma la plupart des petites salles; ce fut une vraie nécrose. Les musées de traditions populaires entreprirent alors le sauvetage d’une partie du vieux matériel reconnu comme patrimoine. Souvent, ils engagèrent des montreurs « fonctionnaires » pour donner des représentations d’un répertoire limité dans une forme conservée.
Sursaut
On aurait pu croire les petits théâtres fixes « fixés pour la postérité ». Il y eut cependant des actes heureux de résistance et de nouvelles entreprises. Les Amis du Poesje d’Anvers ont ainsi sauvé le théâtre de la Repenstraat et la vieille cave, passée sous la tutelle de la ville a rouvert en 1962 avec la lignée des Van Cakenberghe. En 1935, s’ouvrait le Théâtre Van Campen (Poesjenellentheater « Poppenschouwburg Van Campen ») avec des marionnettes plus petites dans des décors en trompe-l’œil. À Bruxelles, les Amis de la Marionnette ont assisté les derniers montreurs et, devenus Amis de Toone en 1963, ils ont intronisé José Géal Toone VII, assurant ainsi la pérennité de la dynastie. À Gand, c’est le vicaire Joris Vandenbroucke (1896-1980) qui, dès 1927, redonna un nouvel élan au spelleke avec son Spelleke van de Muide, revivifiant l’esprit et la forme et exerçant une influence déterminante sur tous les montreurs flamands. À Liège, les Amis de la Marionnette soutinrent Denis Bisscheroux qui avait repris, en 1918, le Théâtre royal-ex-impérial et qui put jouer régulièrement jusqu’en 1961. Son théâtre, hébergé au musée Tchantchès, a été animé depuis 1967 par Henri Libert pendant près de trente ans. En 1929, Gaston Engels, descendant de montreurs et premier professionnel, avait monté une grande baraque foraine et promené son Théâtre Tchantchès sur les fêtes de Wallonie jusqu’en 1970. Un autre descendant de marionnettistes, François Pinet, avait rouvert un théâtre en 1953 à Bressoux (Liège). Son fils Jean prolonge la tradition familiale depuis 1977. À Mons, la dernière scène, le Bètième Sôdâr, rachetée en 1919, avait émigré au faubourg de Messines où les bolomes ont repris du service depuis 1948.
La tringle a donc été maintenue contre vents et marées. Mais parallèlement s’est amorcé un courant de recherches vers d’autres formes et d’autres répertoires. En 1929, Carlo Speder ouvrait à Bruxelles le Théâtre du Peruchet pour des marionnettes à fils destinées aux enfants avec un répertoire de contes, fables et légendes. En 1937, le théâtre se doublait d’un musée international de la marionnette. En 1940, le théâtre se dotait aussi d’une académie de la marionnette. En 1941, Jef Contryn montait à Malines son premier théâtre à gaines devenu Hopla, puis fondait le « Centrale voor Poppenspel » qui intégrait la « School voor Poppenspel » (École pour la Marionnette) et le Mechels Stadspoppentheater (Théâtre communal malinois de Marionnettes), rebaptisé DE MAAN en 1995.
Le nomadisme
Il faut d’abord saluer deux petites troupes professionnelles à gaines, championnes du voyage. Les Pupazzi, créés en 1933 par Jean et Roger Vermeire, cantonnés dans la caricature et l’humour (Le Vampire de Brusseldorf), se spécialisèrent, après guerre, dans le spectacle « publicitaire » en rue (grandes marques, prévention des accidents du travail … ) jusqu’en 1954. Karel Weyler fonda en 1947 le Pats Poppenspel qui vulgarisa et commercialisa, dans toute la Flandre, Suske en Wiske (Bob et Bobette), personnages de la bande dessinée de Willy Vandersteen. Il créa le petit présentateur Pats qui triompha en 1955 à la télévision flamande.
Le véritable nomadisme fut le fruit du changement, tant des modes chez les organisateurs de spectacles que des gouts d’un public de moins en moins homogène. À partir de 1960, la curiosité et la recherche s’amplifièrent. On regarda vers les pratiques des pays de l’Europe du Centre et de l’Est, généralement via le grand brassage que provoque le Festival mondial des Théâtres de Marionettes de Charleville-Mézières en France. Apparurent alors des théâtres utilisant le type de marionnettes approprié à l’esthétique de chaque spectacle, sans limitation : gaine, tige, marotte, ombre, animation d’objets, mais rarement la tringle ou le fil. Ces troupes allaient aussi assimiler progressivement tous les progrès techniques du théâtre général : son, lumière, image, etc. Elles allaient généralement faire œuvre collective, le spectacle était donc souvent de création, beaucoup plus rarement d’auteur. On intègra également comédiens et marionnettes. Ne disposant pas d’un lieu fixe, ces compagnies, qui menaient souvent de front spectacles et animations, jouaient, la plupart du temps, en tournée et en priorité pour un public d’enfants et de jeunes. Elles renouvelaient ainsi, sans le vouloir, la vieille vogue des ambulants avec l’avantage qu’un spectacle réussi pouvait être présenté pendant une, voire plusieurs saisons. L’autre bénéfice nouveau fut la reconnaissance de ces compagnies par les pouvoirs publics.
Des théâtres de marionnettes à gaine, plus ou moins classiques, comme De Spiegel à Anvers (1965, Félix Van Ransbeeck ; depuis 2003 dirigé par son fils Karel), le Théâtre des Zygomars à Namur (1965, Hubert Roman) et le Theater Taptoe à Gand (1968, Luk De Bruyker/Freek Neirynck) ont progressivement intégré de multiples techniques ainsi que les matériaux les plus divers. Ces pionniers ont mêlé comédiens, figures, danse, images et vidéo pour des créations de plus en plus élaborées. D’autres ont suivi, explorant de nouvelles facettes pour chaque production, tels le Théâtre des Gros Nez, établi à Perwez (Brabant Wallon) et fondé en 1974 par Marcel Orban ; Ultima Thule à Anvers (depuis quelques années à Gand) (1981, Joris Jozef ; depuis 2001 dirigé par Wim De Wulf), DE MAAN à Malines (fondé en 1948 par Jef Contryn comme Mechels Stadspoppentheater et depuis 1995 dirigé par Willem Verheyden), le Créa-Théâtre à Tournai (1982, Francis Houtteman), Figurentheater Vlinders & Co à Beveren (1983, Ronny Aelbrecht), le Théâtre des Quatre Mains à Beauvechain (fondé en 1984, Benoît de Leu) et Theater Froe Froe à Anvers (fondé en 1986, Marc Maillard). Le Théâtre du Tilleul de Linkebeek (1981, Carine Ermans) se voue aux ombres ; la Compagnie Gare centrale de Bruxelles (1984, Agnès Limbos) se consacre au théâtre d’objets et le Tof Théâtre de Bruxelles (1986, Alain Moreau) manipule de très petits personnages. Le théâtre de rue, déjà mis en œuvre par le Magic Land Théàtre de Bruxelles (1974, Patrick Chaboud), est pratiqué par la compagnie des Chemins de Terre à Verviers (1988, Geneviève Cabodi). Des musiciens, comme Chris Geris de Molenbeersel (également fabriquant d’instruments), font danser leurs marionnettes à la planchette.
Exceptions notoires
Deux scènes fixes et permanentes pour adultes conservent les tringles « traditionnelles ». À Bruxelles, José Géal, septième de la dynastie populaire et adoptive des Toone, s’établit définitivement en 1966 à deux enjambées de la Grand-Place. Son théâtre, devenu royal, maintient bien haut le folklore bruxellois. Son fils Nicolas est l’actuel Toone VIII. À Liège, le Théâtre Al Botroûle, inauguré pour la saison 1972-1973, se veut ouvert, dynamique et évolutif. Avec un répertoire élargi à l’universel, Jacques Ancion fait partager la vitalité retrouvée des marionnettes originelles.
Amateurs
Parmi le foisonnement des initiatives à durée souvent limitée, il faut signaler deux entreprises d’extrême longévité : le Théâtre Triboulet animé à Bruxelles depuis 1951 par Léo Dustin (décédé en 2011), pédagogue, auteur de Âmes de Chiffons (1971) ; à Gand en 1953, s’ouvrit le Poppentheater Magie de Henri Maeren puis de son fils Jean-Pierre avec un Pierke et en 1984 ‘t Spelleke van Drei Kluite émanant du Theater Taptoe avec Freek Neirynck et Luk De Bruyker produisant des spectacles satiriques.
Marionnettes et télévision
Les réalisateurs de télévision firent appel, de bonne heure, aux marionnettistes. Suzanne Gohy et Jean Gérardy animèrent des génériques dès 1946-1947. Puis les pionniers Karel Weyler, Louis Contryn, José Géal, Marcel Orban, les Galopins, écrivirent, créèrent des personnages, construisirent, jouèrent ou manipulèrent dans des séries destinées aux jeunes enfants. Après les Bonhommet et Tilapin, Pats et autres Plum-Plum, ce sont des personnages comme Malvira (Magic Land), Blabla (Benoît de Leu) qui tiennent la vedette. Raymond Goethals, entraineur de football, Salvatore Adamo, chanteur (Ronny Aelbrecht + Bruno Bosman – Figurentheater Vlinders & Co) étaient, au contraire, une satire du football, pour des adultes. Des enregistrements ont été réalisés chez Toone et Al Botroûle qui a également réalisé un téléfilm en studio : Tchantchès contre J.R. (1984). Jan Maillard a réalisé les séries Carlos et Co, Liegebeest et de Grote Boze Wolfshow. La BRT (Télévision belge néerlandophone) procédait à des captations et diffusions de productions des compagnies Mechels Stadspoppentheater, Poppentoneel Festival et Theater Taptoe.
Marionnettes et littérature
Les montreurs adaptèrent des romans-feuilletons (de cape et d’épée, par exemple) comme ils l’avaient fait, d’abord, avec la littérature « médiévale » transmise de bouche à oreilles. Deux romans historiques flamands de Hendrik Conscience (1812-1883), De Leeuw van Vlaanderen (Le Lion de Flandre, 1838) et De Boerenkrijg (La Guerre des Paysans, 1853) furent été montés sur toutes les scènes à tringles à partir de 1850. C’est grâce à La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak (1867), chef-d’œuvre de Charles De Coster (basé sur le personnage bas-allemand du XIVe siècle de Till Eulenspiegel), que le héros épique entra dans bien des théâtres. Maurice Maeterlinck dut attendre l’après-guerre 1940-1945 pour être interprété, parcimonieusement. Michel de Ghelderode est également peu joué, il semble être le monopole de Toone. Les montreurs contemporains « découvrent » l’oeuvre romanesque de Jean Ray (le nom de plume de Raymundus Joannes de Kremer). Le personnage de Tchantchès, entré en littérature dès 1887, est le héros éponyme d’un drame pour comédiens (1931). Il est surtout au centre de la pièce du Liégeois Marcel Fabry, Au Temps où Berthe filait …, créée à Paris par les marionnettes à gaine de Gaston Baty en 1948. L’écriture pour marionnettes reste, pour ces auteurs, un volet occasionnel de leur activité littéraire. Les quelques auteurs dramatiques qui, tels Louis Contryn, Freek Neirynck ou Jacques Ancion, se sont consacrés aux marionnettes, sont avant tout des praticiens de la scène.
Enseignement
Il n’y a pas d’enseignement institutionnel de la marionnette en Belgique. Le « Centrale voor Poppenspel » intégrait la « School voor Poppenspel » (École pour la Marionnette), fondée à Malines en 1970 par Jef Contryn et son fils Louis. L’école a fortement influencé le développement de l’art de la marionnette en Flandre. Depuis 2002, le nom a changé en « Het Firmament » (Le Firmament), maison de la marionnette en Flandre. Het Firmament continue à organiser des ateliers mais élargit ses activités à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de la marionnette en Flandre.
Un espace permanent d’échanges entre les compagnies de théâtres de marionnettes néerlandophones, entre artistes, public, objets, masques et le monde international des marionnettes a été établi à Gand. C’est l’Europees Figurentheatercentrum (EFTC)[/lier], (Centre européen de Théâtre de Marionnettes). Il héberge une bibliothèque, une vidéothèque, une collection d’affiches et d’archives. Il organise régulièrement des expositions sur site ou itinérantes, des spectacles et autres manifestations. Son journal Figeuro, a été publié de 1993 à 2003.
Du côté francophone, il convient de citer le Centre de la Marionnette de la Communauté française de Belgique, à Tournai, qui a pour objectif la promotion de l’art de la marionnette ainsi l’espace Hubert Roman (une bibliothèque), le centre de documentation et la collection de marionnettes créés à Tubize (Brabant Wallon) par la Section francophone du Centre belge de l’UNIMA en collaboration avec la ville de Tubize, le Centre culturel de Tubize et l’Association « On tire les Fils ».
Soutien des pouvoir publics
La Communauté flamande, Vlaamse Gemeenschap, agrée depuis 1993 les compagnies : DE MAAN, Theater De Spiegel, Theater Froe Froe et Ultima Thule, Theater Taptoe (jusqu’à 2012) et Alibi Collectief. Les deux derniers ne reçoivent plus de subventions de la Communauté flamande.
Le soutien de la Communauté française de Belgique vis-à-vis du théâtre jeune public est plus ancien et diversifié. Le ministère aide à la diffusion des arts de la scène (musique, danse, théâtre) pour les spectacles « grand public » (catalogue « Art et Vie ») ou pour une programmation distincte en milieu scolaire pour enfants ou adolescents (catalogue « Spectacles à l’école »). Deux rubriques des catalogues « Art et Vie » et « Spectacles à l’école » sont dédiées spécifiquement au théâtre de marionnettes. Par ailleurs, la Communauté française de Belgique subsidie la Section francophone du Centre belge de l’UNIMA.
La Communauté germanophone, Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens, soutient les très rares compagnies germanophones et FIGUMA, un festival de marionnettes trilingue organisé annuellement à Eupen dans le cadre de l’Euregio Meuse-Rhin.
Bibliographie
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- Van de Casteele, Guy. De Poesje – Traditioneel Volkspoppentheater [De Poesje – Théâtre populaire traditionnel de Marionnettes]. Anvers: Éditions Artus, 2010.
- Al Botroûle. Bulletin mensuel publié de 1975 à 1995 par le théâtre du même nom.
- Figeuro. Revue publiée jusqu’à 2003, cinq fois l’an, par l’Europees Figurentheatrecentrum de Gand.
- Het Poppenspel. (édité à Malines entre 1949 et 1997 par Jef et Louis Contryn) et à Gand, Van speelkruis tot speelplank (par Freek Neirynck) et Figurentheaterkrant (par Michel Van Mullem). Revues de la Section flamande du Centre belge de l’UNIMA.
- Le petit Toone illustré. Trimestriel édité à Bruxelles depuis 1994 par le Théâtre de Toone.
- Marionnettes en Castelets. Revue éditée par la Section francophone du Centre belge de l’UNIMA.
- Op&Doek. Depuis 2001, magazine de l’organisme ministériel flamand Opendoek qui accueille la Section flamande du Centre belge de l’UNIMA et diffuse des articles consacrés aux théâtres de marionnettes.