Écrivain français. Lycéen à Rennes, Jarry découvrit, grâce à son condisciple Henri Morin, les pièces et chansons composées depuis plusieurs années par les élèves pour se moquer d’un professeur, Félix Hébert. L’une de ces pièces, Les Polonais, écrite par les frères Charles et Henri Morin, constitue le noyau originel d’où sortira Ubu roi (voir Ubu). Apportant ses propres contributions au cycle rennais, Jarry, après avoir créé décors et costumes pour des représentations avec acteurs dans le grenier des Morin, interpréta avec son Théâtre des Phynances des spectacles de marionnettes puis d’ombres donnés chez sa mère.

Placés sous le signe du symbolisme, les débuts littéraires de Jarry furent néanmoins fortement marqués par ses expériences rennaises : Guignol (1893), Les Minutes de sable mémorial (1894) puis César-Antechrist (1895) dévoilèrent peu à peu aux cercles parisiens le personnage inspiré d’Hébert, qui avait déjà pris le nom d’Ubu. Après lui avoir présenté Ubu intime ou les Polyèdres (1894, version primitive d’Ubu cocu), Jarry confia à Lugné-Poe Ubu roi ou les Polonais, que le metteur en scène créa avec le théâtre de l’Œuvre les 9 et 10 décembre 1896.

« Comédie guignolesque », comme l’indiquait le programme, Ubu roi concrétise sur le mode grotesque les principes exposés dans l’article De l’inutilité du théâtre au théâtre, associant acteurs, ombres portées, masques et mannequins ; on envisagea même sur la suggestion de Rachilde, d’attacher les interprètes à des fils suspendus aux frises, puisque selon Jarry « Ubu roi est une pièce qui n’a jamais été écrite pour marionnettes, mais pour les acteurs jouant en marionnettes, ce qui n’est pas la même chose ».

Le cycle d’Ubu se prolongea (Ubu cocu, publié en 1944 ; Ubu enchaîné 1900), jusqu’à ce que le personnage finisse par envahir la personnalité de l’inventeur.

Après les représentations de 1896, Jarry opéra un partage plus net entre théâtre d’acteurs et théâtre de marionnettes. S’associant avec le musicien Claude Terrasse et le peintre Pierre Bonnard, il créa le Théâtre des Pantins (fin 1897) où furent représentés, à l’aide de marionnettes à fils rudimentaires, Paphnutius d’après Hrotsvitha, Ubu roi et Vive la France ! de Franc-Nohain (censuré); puis il effectua, pour le guignol du cabaret des Quat’zarts, une réduction d’Ubu roi, Ubu sur la Butte (1901).

En 1902, Jarry se rendit à Bruxelles où il admira les marionnettes de Toone et prononça une conférence sur les Pantins. En 1903, il présenta des pièces de L’Abbé Prout de Paul Ranson. Le comique propre aux marionnettes mais surtout leur schématisme et leur jeu « abstrait » fondent ainsi l’esthétique théâtrale de Jarry : une esthétique que reprendront Pierre Albert-BirotEdward Gordon Craig et une large part du théâtre du XXe siècle.

(Voir France.)

Bibliographie

  • Arnaud, Noël. Alfred Jarry, d’Ubu roi au Docteur Faustroll. Paris: La Table Ronde, 1974, 457 pp.
  • Béhar, Henri. Jarry dramaturge. Paris: Publications de la Sorbonne, Librairie A.G. Nizet, 1980, 304 pp.
  • Jarry, Alfred. Œuvres complètes. 3 vols. “La Pléiade” series. Paris: Gallimard, 1972-1988.
  • Jarry, Alfred. Ubu intime. Romillé: Folle Avoine, 1985. 203 pp.
  • L’Étoile-Absinthe. Revue de la Société des Amis d’Alfred Jarry.