Officiellement le Royaume d’Espagne (en espagnol : Reino de España), l’Espagne est située dans la péninsule ibérique au sud-ouest de l’Europe. Il est bordé au sud et à l’est par la mer Méditerranée, et du nord au nord-est par la France, l’Andorre et le Pays basque, à l’est enfin par le Portugal et l’océan Atlantique. Deux archipels, les Iles Baléares et les Iles Canaries, deux enclaves, Ceuta and Melilla, et un certain nombre d’îles font partie du territoire espagnol. A partir du XVIe siècle, l’Espagne est devenue le premier empire colonial, ce qui explique le fait qu’aujourd’hui, la langue espagnole soit la seconde langue la plus parlée dans le monde.

La marionnette en Espagne

Le terme générique utilisé en Espagne pour désigner le théâtre de figures est títere. Au fil du temps, furent introduits deux autres vocables issus du français que l’on emploie couramment comme synonymes bien qu’ils renvoient en fait à deux genres spécifiques : d’un côté, marioneta, de « marionnette », désigne en principe la marionnette à fils ; de l’autre guiñol, dérivé du Guignol lyonnais, désigne la marionnette à gaine. Dans ce dernier cas, la langue espagnole emploie parfois le terme de títere de cachiporra. D’autres mots ont été également utilisés et le sont encore (fantoches par exemple) et títere a été utilisé en fait pour nommer des phénomènes très divers.

Origines

La référence principale quant aux origines et au développement historique de l’art de la marionnette en Espagne reste le travail de l’historien du théâtre espagnol et hispaniste, le Britannique John Earl Varey, dans son Historia de los títeres en España, (Histoires des marionnettes en Espagne, 1957) et dans Los títeres y otras diversiones populares de Madrid, 1758-1840 (Les Marionnettes et autres divertissements populaires à Madrid, 1972). Par la suite, d’autres monographies intéressantes sur cet art au niveau local ou des études d’ordre thématique sur telle ou telle tradition furent certes publiées et nous avons désormais accès à divers annuaires et catalogues de compagnies qui reflètent assez bien l’état actuel de ce genre mais une histoire complète et exhaustive du théâtre de marionnettes espagnol fait encore défaut.

Selon Varey, les toutes premières marionnettes furent introduites en Espagne à partir de la France au cours du XIIe siècle par les jongleurs. Toutefois, les premières références écrites, datées des XIIe et XIVe siècles – par exemple dans un texte d’Alfonso X le Sage distinguant différentes catégories d’artistes ambulants ou dans De la contemplación de Dios (De la contemplation de Dieu) de Ramón Llull (env. 1309) – utilisent le terme de bavastel pour désigner un type de pantin dansant, tendu et manipulé par des cordes. Varey pensait qu’il s’agissait en réalité de marionnettes représentant des scènes guerrières, des tournois et des luttes entre chevaliers d’où dérivèrent par la suite des marionnettes de cachiporra. Dans la mesure où le petit théâtre dans lequel étaient présentés de tels spectacles fut d’abord appelé castillo, on peut supposer que nombre de ces scènes devaient illustrer une attaque et la défense d’une forteresse. D’un autre côté, il faut mentionner également divers types de sculptures animées telles que les figures religieuses articulées présentes sur les autels et utilisées dans certains rituels ou drames sacrés comme les mystères ou autos sacramentales. Ainsi, un autre écrit d’Alfonso X, Cantigas de Santa María (Chantefables de Sainte Marie) fait référence à ces figures, certaines d’entre elles ayant été conservées, comme la Virgen de Los Reyes (la Vierge des Rois) dans la chapelle royale de la cathédrale de Séville.

Des ouvrages similaires mais beaucoup plus étonnants sur le plan technique, furent les automates qui, selon Varey, seraient d’origine chinoise et auraient été introduits en Espagne grâce aux ingénieurs arabes au XIIe siècle avant de connaître le succès que l’on sait à partir du XVIe siècle. Ainsi les figures mécaniques mises au point par le mathématicien italien Giovanni Torriani pour distraire Charles Quint dans son monastère de Saint-Just en 1556, « ingénieuses inventions » dont parle Charles Magnin dans les pages qu’il consacre aux marionnettes en Espagne. Outre ces créatures artificielles servant à la distraction des nobles, il existait d’autres machines plus populaires comme la carassa, très courante en Catalogne. Celle-ci consistait en une tête grotesque avec des traits de Maure, placée dans les orgues des églises et qui gesticulait lorsque l’on jouait de l’instrument. Cet objet est sans doute à l’origine d’une autre mécanique, la « tête parlante », qui resta une attraction de foire jusqu’au milieu du XXe siècle. Il faut également mentionner l’utilisation de figures de grandes tailles comme ces bestiaires allégoriques, composés de bêtes et de dragons, que l’on appelait tarascas ou les danses des géants, qui perdurèrent dans les processions de la Fête-Dieu jusque dans les premières décennies du XVIIIe siècle avant que l’Église catholique ne décidât de les interdire lors de cette célébration.

Quant aux représentations dramatiques proprement dites, il semble qu’elles étaient déjà connues au XVIe siècle, comme en témoigne l’épisode de Maître Pierre et son spectacle chevaleresque de marionnettes, décrit dans la deuxième partie du Quichotte de Cervantès. Ce dernier fait aussi allusion aux montreurs de marionnettes au détour d’une phrase dans deux de ses Novelas Ejemplares (Nouvelles exemplaires, Le Colloque des chiens et Le Licencié de Verre), montrant bien dans ses allusions, la mauvaise réputation de ce métier. On peut trouver également une riche description à cette époque dans La pícara Justina de Francisco López de Úbeda. Selon Varey, l’apport du théâtre de marionnettes espagnol est « la représentation de drames et de comédies similaires à ceux des répertoires des compagnies d’acteurs ». Il arriva aussi au théâtre de marionnettes de se substituer au théâtre d’acteurs dans des situations de guerre, en cas d’épidémie, où lorsque les représentations théâtrales étaient interdites comme pendant la période du carême. Le terme de títere était alors utilisé et, comme le signale Varey, il apparut pour la première fois dans Historia verdadera de la conquista de la Nueva España (Histoire véritable de la Conquête de la Nouvelle Espagne, 1524) de Bernal Díaz del Castillo dans une des descriptions de la conquête par Hernán Cortés, dont les compagnons comprenaient entre autres « un acrobate et un montreur de títeres ».

D’autres chercheurs toutefois en ont retrouvé une trace encore plus ancienne comme l’illustre un procès-verbal de la municipalité de Jerez de la Frontera (province de Cádiz) de 1513, qui ordonnait l’expulsion de « tous ceux qui jouaient aux marionnettes ». Pour sa part, Sebastián de Covarrubias inclut ce mot dans son Tesoro de la lengua castellana de 1611 et en explique l’origine par le son ti ti émis par la voix déformée par le pito ou lengüeta, l’accessoire vocal utilisé par les marionnettistes (voir Pratique). Cette définition ne semble toutefois concerner que la marionnette à gaine.

Par ailleurs, pour désigner l’espace de la représentation, outre le castillo, apparaît également le terme de retablo que Varey décrit comme une « caisse divisée en compartiments dans lesquels apparaissaient des figures-automates représentant la vie de Jésus-Christ » et dont il date l’apparition de 1538. Les marionnettes y étaient mues « au moyen d’un fil de fer en spirale et d’une roue actionnée par le montreur qui chantait un air contant des événements historiques ». Indubitablement, on assista progressivement au passage du retable ecclésiastique – constitué de tableaux peints ou en relief, placés sur les autels des églises, représentant des scènes à l’effet plutôt dramatique – au petit théâtre mécanique, également appelé mondi novi, mundinuevo, totilimondi ou titirimundi, autrement dit « nouveaux mondes » et « mondes des marionnettes » (voir Theatrum Mundi), avec lequel était présentés à l’origine des œuvres sacrées, d’abord à l’intérieur des églises puis à l’extérieur de celles-ci.

Développements

Reconstruction, par Francisco J. Cornejo, de la máquina real selon différents documents existants et des mesures de stade construit en 1772 dans le Corral del Príncipe, Madrid (Espagne), pour la máquina real de Cristóbal Franco : 24 x 10 pieds (env. 6,70 x 2,80 m). Face avant.

Reconstruction, par Francisco J. Cornejo, de la máquina real selon différents documents existants et des mesures de stade construit en 1772 dans le Corral del Príncipe, Madrid (Espagne), pour la máquina real de Cristóbal Franco : 24 x 10 pieds (env. 6,70 x 2,80 m). Face avant.

Bien que dans leur majorité, les marionnettistes des périodes anciennes fussent étrangers, en particulier d’origine française et italienne, l’un des artistes le plus remarquable fut l’Espagnol Francisco Londoño qui divertit ses compatriotes de Madrid et d’autres villes de la péninsule pendant près d’un demi-siècle entre 1689 et 1735, avec ses représentations de máquina real (machine royale). Il s’agissait d’un spectacle de marionnettes primitives mais à l’aspect fantastique, somptueusement vêtues, tenues par une sorte de tringle, un fil de fer fixé à leur tête, et aux membres mus par des fils. Du XVIIe au XIXe siècle, ces spectacles mêlaient les scènes inspirées des vies des saints (comedias de santos), les tours de « magie » avec vols et événements « surnaturels » qui pouvaient être effectués plus facilement avec ces « machines » qu’avec des êtres humains, sans oublier les spectacles liés à la tauromachie. En outre, ces artistes montraient leur maîtrise d’une grande diversité de styles théâtraux, de la saynète à la danse en passant par les tonadillas (chansonnettes ou parfois courtes pièces populaires) et par la comédie.

Par ailleurs, durant tout le XVIIIe siècle, les retables continuèrent à présenter les « Nativités avec figures en mouvement » dont subsiste la Crèche de Santa Maria de los Reyes de La Guardia Laguardia (province d’Álava) tandis qu’étaient introduites les ombres chinoises et que le personnage de Polichinelle, qui prit rapidement les traits de Don Cristóbal, faisait son apparition. Sa popularité suscita des réactions hostiles de la part des classes les plus éclairées de la société pour lesquelles le théâtre de marionnettes était une distraction rurale indigne du monde urbain, contraires à l’idéal du théâtre et retardant les progrès apportés par la comédie néoclassique. Ainsi cet extrait d’un Memoria para el arreglo de la policía de los espectáculos públicos y sobre su origen en España (Rapport pour la réglementation par la police des spectacles et divertissements publics) de 1790 : « Peut-être que les marionnettes, les matachines (de l’italien mataccino, bouffon, clown), les pallazos (payasos, clowns) et arlequins de ces danses de corde, les lanternes magiques, les totilimundis et autres inventions qui, bien qu’inoffensives en elles-mêmes, n’expriment que dépravation et corruption, devraient disparaître aussi. À quoi servirait-il d’entendre dans les théâtres des exemples et des témoignages de vertu et d’honnêteté si dans le même temps, un Don Cristóbal de Polichinela prêche sa doctrine lubrique devant un peuple, qui, la bouche ouverte, écoute ces indécentes grossièretés ? »

Mais ce témoignage mentionne aussi la grande variété des divertissements populaires qui étaient associés au théâtre de marionnettes à cette époque et qui subsistèrent jusqu’à la fin du XIXe siècle. C’est ainsi que les compagnies de marionnettes se mélangeaient avec les spectacles de cirque, les exhibitions de foires, la pantomime et même la corrida de toros, comme l’illustre la troupe dirigée par Luis Chiarini. Pour ce dernier, marionnettiste devint synonyme d’acrobate ou d’équilibriste, de saltimbanque, de jongleur, tandis que les termes d’« automate » ou de « figure automatique » furent assimilés à celui de « marionnette » au sens strict. Ces représentations se combinaient avec des spectacles optiques visualisés par l’intermédiaire d’ingénieux mécanismes qui constituent la préhistoire du cinéma : « cosmoramas », lanternes magiques, scènes catoptriques et ombres chinoises. De même, étaient programmés des démonstrations ou des expériences d’ordre scientifique, diverses curiosités (des collections de naturalistes comme des fossiles, des animaux disséqués et des monstres de foire), des chants et des danses folkloriques.

Le XIXe siècle

Tirisiti et Tereseta. Betlem de Tirisiti à Alcoy.

Tirisiti et Tereseta. Betlem de Tirisiti à Alcoy.

Des « maisons-théâtres », sortes d’auberges et petits espaces scéniques stables où étaient représentés les spectacles de marionnettes, surgirent dès le début du XIXe siècle à mesure qu’augmentait la population urbaine. Elles proposaient tous les divertissements populaires mentionnés précédemment. Un bon exemple est offert par la « maison-théâtre » dirigée par la famille Montenegro à Cádiz entre 1815 et 1870, qui présentait toute une variété de spectacles en plus d’une Nativité avec figures animées et d’une saynète avec La Tía Norica. S’agissant de ce thème de la Nativité, un autre personnage de crèche mécanique devint à cette époque très populaire, Belén de Tirisiti,  que présenta à partir de 1870 la famille Esteve à Alcoy entre Alicante et Valence.

En Catalogne, outre le petit théâtre d’ombres de la famille Cuyàs, se distingua la marionnette à gaine connue sous le nom de Putxinel·li ou Titella, très populaire à partir du milieu du XIXe siècle. Parmi les marionnettistes qui la montrèrent, figurent Federicu de Figueres et surtout Juli Pi qui en perfectionna la technique de manipulation et qui, à partir de 1898, présenta ses spectacles dans le célèbre cabaret barcelonais Els Quatre Gats (Les Quatre Chats), lieu de rendez-vous des intellectuels, écrivains et artistes tels Pablo Picasso ou Adrià Gual. D’autres dynasties de marionnettistes comme les Anglès et les Vergés, perfectionnèrent ce titella, tandis qu’Antonio Faidella Colea le montra à travers toute la Catalogne dans son petit théâtre ambulant, Els Tres Tranquils, avant de s’installer aux Baléares.

Au côté des compagnies traditionnelles se produisaient également à Barcelone d’autres troupes plus importantes comme celle d’Alfredo Narbón, active dans la dernière décennie du XIXe et au début du XXe siècle. Comprenant vingt et un artistes, elle sillonna de nombreuses villes espagnoles en s’annonçant comme les « Fantoches espagnols ». Cette compagnie disposait de trois cents marionnettes caractérisées par une grande précision technique et des mouvements très naturels, dont certaines étaient de grande taille.

Le XXe siècle

Au début du XXe siècle, Barriga Verde, un autre personnage populaire, fit son apparition en Galice, un des territoires où, avec Madrid et Barcelone, Salamanque ainsi que d’autres localités, on put bénéficier des représentations de Vittorio Podrecca et de son Teatro dei Piccoli au cours des années vingt. Dans la décennie suivante, se distingua Salvador Bartolozzi au théâtre espagnol de Madrid avec, en particulier, sa recréation de Pinocchio de Collodi et ses personnages inventés avec sa compagne Magda Donato. Au même moment, à partir de 1930, Ezequiel Vigués i Mauri dit Didó, commença à renouveler la célèbre marionnette catalane Titella. Un autre artiste, ventriloque, à succès au cours des premières décennies du XXe siècle fut Francisco Sanz Baldoví dit Paco Sanz qui, avec sa compagnie « auto-mécanique » témoignant des progrès techniques dans le domaine des automates mais possédant aussi des qualités esthétiques et scénographiques hors du commun fit de nombreuses tournées en Espagne et en Amérique latine.

Par ailleurs, au sein des grands courants rénovateurs du théâtre dans les années à cheval entre les XIXe et XXe siècles, le théâtre de marionnettes populaire eut aussi ses chantres et artistes d’avant-garde. De même que Edward Gordon Craig ou Alfred Jarry, en Espagne, des créateurs tels Federico García Lorca, Ramón María del Valle-Inclán, Rafael Alberti, Manuel de Falla ou Hermenegildo Lanz González cherchèrent dans la tradition et dans la rue de nouveaux moyens d’expression et de nouvelles sources d’inspiration. C’est ainsi que la marionnette à gaine s’introduisit dans les salons littéraires et dans les rencontres universitaires. De leur côté, les « Misiones Pedagógicas » (missions pédagogiques)  du ministère de l’Éducation de la IIe République, proclamée en 1931, essayèrent, dans leur ardeur pédagogique, de diffuser le théâtre de marionnettes jusque dans les lieux les plus reculés du pays. Ainsi naquit en 1933, le Retable des Fantoches ou Guignol, sous la direction de Rafael Dieste. Pendant la guerre civile (1936-1939) furent mis sur pied des théâtres de marionnettes dits d’ « urgence » selon le modèle des compagnies d’acteurs qui soutenaient la cause républicaine. Ainsi, par exemple, celui dirigé par le peintre Miguel Prieto, qui prit la tête, d’abord à Madrid puis à Barcelone, d’un théâtre appelé La Tarumba.

De son côté, le franquisme mit en place, par le décret du 29 avril 1944, des théâtres de marionnettes dépendant de ses organismes de jeunesse où un personnage baptisé le flecha Juanín (du nom du grade donné aux enfants au sein de la Phalange espagnole) dénonçait les ennemis du régime et en diffusait la doctrine. Pendant les années quarante, Didó, comme d’autres marionnettistes catalans, fut aussi obligé de traduire son répertoire en castillan bien qu’il fût autorisé par la suite à jouer en catalan jusqu’à sa mort en 1960.

De son côté, le marionnettiste Harry Vernon Tozer, d’origine anglaise et né au Paraguay, installé en Catalogne depuis 1925, fonda en 1944 l’Agrupación de Marionetistas Amateurs (Association des Marionnettistes Amateurs) – la compagnie, Marionetas de Barcelona (Marionnettes de Barcelone) à partir de 1956 – avec laquelle il joua jusqu’en 1957. Pendant ce temps, à Madrid, depuis 1940, se produisait Juan Antonio Díaz Gómez de la Serna, « Maese Villarejo » (Maître Villarejo), collaborateur de l’écrivain Eugenio D’Ors. Pionnier du spectacle de marionnettes à la télévision, il fut, à partir de 1952, le responsable du Teatro del Retiro (Théâtre du Retiro, le grand jardin public de Madrid) avec son épouse Josefa Quintero. C’est là que se retrouvèrent Natalio Rodríguez López dit « Talío », Tina Francis Delgado-Ureña et Francisco Porras qui se consacra non seulement à son art et à sa diffusion mais aussi à la recherche, en publiant divers ouvrages. À Madrid encore, Francisco Peralta (de Cadix), nourri des spectacles de La Tía Norica et formé à la sculpture, fonda en 1956, avec sa femme Matilde del Amo, une compagnie remarquable pour ses marionnettes originales au dessin très stylisé.

Durant les années cinquante, divers « maîtres » (maese) montèrent leurs tréteaux à travers le pays : Pepe Segura avec Abedul à Cadix, Julio Martínez Velasco et sa Pipirijaina del Titirimundi à Séville, les Allemands Ingeborg et Frank El Punto à Ibiza avec leur Teatro de Marionetas de la Isla Blanca (Théâtre de Marionnettes de l’île Blanche) ou encore Colorín y Sus Marionetas (Colorín et ses Marionnettes) au pays Basque, etc. En 1958, naquit le Teatro Popular Infantil (Théâtre Populaire pour Enfants) sur l’initiative de Lauro Olmo et de Pilar Enciso, qui mettait l’accent sur les masques et les grands animaux et se destinait à un public d’enfants et d’adultes, mais qui ne dura pas. Après la mort de Didó en 1960, sa compagne Teresa Riera devint la dépositaire de son art et transmit ses techniques et son style. Joan Baixas et Teresa Calafell suivirent son enseignement et fondèrent en 1968 le groupe Putxinel·lis Claca avec lequel ils entreprirent un travail rénovateur en révélant au public les secrets de leur art et les machineries de leurs théâtres et en enseignant la manipulation et la fabrication des marionnettes. Ils se produisirent dans toute l’Europe, participèrent à des festivals internationaux et renouvelèrent profondément l’art de la marionnette, collaborant aussi avec des artistes de renom comme Joan Miró.

De plus, tandis que la relève des générations s’opérait au sein des familles Vergés et Anglès, aux Baléares, Joaquina et Rosa Faidella reprenaient la tradition de leur père en la perpétuant jusqu’au XXIe siècle tandis que d’autres compagnies comme Titelles Garibaldis empruntaient de nouveaux chemins. Et c’est enfin à la même époque, que la télévision s’ouvrit au monde des marionnettes avec la Viennoise Herta Frankel.

Cependant, en Espagne, le public adulte considérait les marionnettes comme un spectacle mineur destiné essentiellement aux enfants. Pour changer cette situation, les dirigeants de l’Institut del Teatre de Barcelona (Institut du théâtre de Barcelone) créèrent en 1972 une section consacrée aux marionnettes et dirigée par Jordi Coca à partir de 1974. Avec l’organisation d’ateliers de formations et de festivals internationaux, d’expositions et de colloques, des professionnels espagnols et internationaux purent se rencontrer et le public montra un nouvel intérêt.

La disparition du dictateur Franco en 1975 accéléra le processus de renouvellement de la marionnette espagnole. A Barcelone, on assista à une explosion de marionnettes à fils, provenant de l’atelier d’Harry Vernon Tozer à l’Institut del Teatre (Institut du Théâtre). La scène barcelonaise de la marionnette a bientôt présenté les énergies créatives de Pepe Otal (1946-2007), un étudiant rebelle s’inscrivant dans le style du Bread and Puppet Theater, tout comme Jordi Bertrán. Un autre catalan venu à la marionnette par le Bread and Puppet Theater, Joan Font Pujol, créa le groupe Comediants (également connus comme Els Comediants) en 1971, à Barcelone. D’autres compagnies venues de la marionnette catalane traditionnelle mais ouvertes aux techniques et aux styles modernes apparurent, soutenues par le Putxinel·lis Claca de Joan Baixas et Teresa Calafell.

Au même moment, à Madrid, Francisco Porras et Gonzalo Cañas travaillaient à faire reconnaître la valeur et le niveau des marionnettistes de la ville. Porras lança la publication d’un magazine Títere en 1977. Les techniques élaborées de construction de Francisco Peralta déclenchèrent par ailleurs l’émergence de nouvelles compagnies, comme La Tartana (1977), le Teatro de la A (1978), et La Deliciosa Royala (1980).

La transition vers la démocratie permit la reprise des spectacles traditionnels, comme La Tía Norica de Cádiz et le Belén de Tirisiti, ce dernier étant une Nativité traditionnellement joué à Noël dans la ville d’Alcoy. On assista à un nouvel intérêt pour les techniques anciennes qui furent nombreuses à être reprises, comme on put le voir au Teatro de Autómatas (Théâtre des Automates) de Gonzalo Cañas. Pendant ce temps, le Teatro de Marionetas del Retiro (Théâtre de Marionnettes du Retiro) débutait ses activités permanentes sous les auspices d’Asociación Española de Teatro para la Infancia y la Juventud (AETEJ, Association espagnole de Théâtre pour l’Enfance et la Jeunesse). D’autres associations et initiatives ont également vu le jour, comme l’ADAM (Asociación Española de Amigos de las Marionetas y los Títeres), l’Association espagnole des Amis de la Marionnette.

De plus, certaines mesures politiques favorisèrent l’apparition de companies avec des professionnels de France et d’Amérique latine. La compagnie Libélula de Julio Michel et Lola Atance en était un exemple, l’influence de l’Argentine apparaissant particulièrement dans le travail de compagnies et de professionnels comme Los Horacio à Madrid, Alcides Moreno à Séville, et Alberto Cebreiro avec Los Duendes, à Valence.

L’annuaire publié en 2001 par Concha De la Casa a repéré quelques deux cents companies réparties dans toute l’Espagne, beaucoup d’entre elles affichant des activités depuis plus de trente ans. Parmi celles qui n’ont pas encore été citées le Teatro Corsario en Castille-Léon, Etcétera Teatro et El Espejo Negro en Andalousie, Titiriteros de Binéfar en Aragon, et Bambalina dans la province de Valence, et d’autres encore comme Periferia de Murcia et Tanxarina en Galice, Tàbola Rassa, La Cónica Lacónica (aujourd’hui disparue), et El Teatre de L’Home Dibuixat.

De nombreuses initiatives récentes encouragent le théâtre de marionnettes à se développer. En particulier, l’existence de festivals nationaux et internationaux comme celui de Bilbao, Tolosa, Segovie, Barcelone, Séville, Alicante et Lleida. Par ailleurs, le Centro de Documentación de Títeres de Bilbao (CDTB, Centre de Documentation pour la Marionnette de Bilbao) et le Centre de Titelles de Lleida (Centre de Marionnettes de Lleida) encouragent la promotion des recherches et des études.

On a vu également se créer des lieux et des scènes dédiées à la marionnette: le Teatre Malic de Toni Rumbau, Mariona Masgrau et Eugenio Navarro à Barcelone (voir La Fanfarra), le Quiquilimón at Gijón, les théâtres Escalante et Estrella à Valence, Los Gigantillos à Burgos, et le Teatro Arbolé à Saragosse. Ateliers et expositions développent la formation à la marionette, au sein d’école et de lieux de formation spécialisé : l’Institut del Teatre de Barcelona et le Museu Internacional de Titelles d’Albaida (MITA, Musée international de Marionnettes d’Albaida), en sont des exemples importants. Le TOPIC (Centro Internacional del Títere de Tolosa Centre international de la Marionnette), créé en 2009 à Tolosa, à l’instigation de Miguel Arreche et d’Idoya Otegui, est l’une des principales institutions pour la marionnette dans le pays. Il accueille l’enseignement de maîtres qui peuvent encourager les jeunes marionnettistes à « casser le moule » de cet art ancestral et de la profession.

Une mention spéciale doit être décernée à l’UNIMA Federación España (UNIMA Fédération Espagne). Créée en 1985, elle a rassemblé les professionnels et soutient actuellement la formation des marionnettistes par des stages et des cours. UNIMA fait également la promotion de l’art de la marionnette à travers ses publications, comme la revue Fantoche, et par des conventions internationales – à Ségovie (1990), Séville (1995), Cuenca (1997), Bilbao (2003) et Almagro (2004). Elle organise des rencontres internationales et rend hommage de façon officielle à des artistes et personnalités artistique comme Ángeles Gasset (1997), Federico García Lorca (1998) and Francisco Peralta (2003).

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