La Slovaquie (en slovaque : Slovensko), officiellement dénommée République slovaque (en slovaque : Slovenská Republika) est un pays d’Europe centrale qui a Bratislava pour capitale. Elle est voisine de la République tchèque, de l’Austriche, de la Pologne, de l’Ukraine et de la Hongrie. Après la première guerre mondiale et la dissolution de l’empire austro-hongrois qui les intégrait, Slovaques et Tchèques ont formé la Tchécoslovaquie. La Slovaquie devint un État indépendant en 1993.
Si l’on met à part les anciennes formes populaires des jeux de la Nativité (en particulier la džafkuline), apparues dès le Moyen ge, c’est par l’intermédiaire de marionnettistes itinérants allemands, pour la plupart, que, à partir du XVIIe siècle, les marionnettes proprement dites apparurent en Slovaquie, région dominée alors par la Hongrie. Au XVIIIe siècle, des documents attestent le passage d’artistes itinérants jouant un répertoire baroque avec des marionnettes. Après 1750, des compagnies allemandes, autrichiennes et italiennes présentèrent des marionnettes à fils, des illusions d’optique et des spectacles de theatrum mundi. En 1775, le Pressburger Zeitung, journal de Bratislava, annonçait la visite du marionnettiste français Albert Bienfait, qui se produisit également dans la ville de Košice, à l’Est du pays, en 1785. Par la suite, de nombreux marionnettistes visitèrent le pays, la plupart originaires d’Europe centrale, comme le Hongrois Adolf Hincz en 1842, ou de nombreux Tchèques. En 1817, le théâtre d’ombres fut introduit par un Allemand.
Les débuts de la marionnette slovaque
Le premier marionnettiste slovaque connu est Ján Stražan (1856-1939 ; voir Stražan (Famille)). Il jouait avec des marionnettes à fils et marionnettes à tringles et présentait, en outre, des panoramas et des exercices de gymnastique. Il donna naissance à une famille d’artistes de théâtre dont les descendants exerçaient encore, au début du XXIe siècle, dans les théâtres et théâtres de marionnettes de Slovaquie. En plus d’adapter les grands classiques européens comme Faust (Docteur Faust), Don Šajn (Don Juan), Jenovéfa z Brabantu (Geneviève de Brabant), les Stražan adaptèrent les dramaturges slovaques (Mère, de Jozef Gregor Tajovský ; Ce qu’il arriva à la Fête des Moissons, de Ján Palárik ; Le Fils perdu, de Jozef Hollý notamment), mais aussi tchèques (Jozef Kajetán Tyl, les frères Alois et Vilém Mrštík, Jiri Mahen), autrichiens (Ludwig Anzengruber, Johann Nepomuk Nestroy) et allemands (Ernst Raupach).
À leur suite, de nouvelles familles slovaques se consacrèrent à la marionnette : notamment les Dubský, les Nosálek et les Kuník.
Après la Première Guerre mondiale, Eva Kouřilová et Michal Václav Anderle, furent à l’origine d’une nouvelle dynastie de marionnettistes itinérants : leurs fils Bohuslav et Jaroslav Anderle furent marionnettistes à leur tour, et leur petit-fils Anton Anderle (né en 1944) monte, encore aujourd’hui, des spectacles traditionnels de Gašparko, héros comique populaire inspiré du Kasperl autrichien (voir Troupes Itinérantes).
Des années cinquante aux années soixante-dix
Dans les années cinquante, après la prise du pouvoir par les communistes, les premiers théâtres professionnels de marionnettes furent fondés à partir de groupes de marionnettistes amateurs tandis que les compagnies itinérantes, parce qu’elles étaient des entreprises privées, furent supprimées par les commissions culturelles. Des théâtres d’État furent ainsi fondés à Žilina (1950), à Nitra (1951), à Bratislava (1957), à Košice (1959) et à Banská Bystrica (1960). Comme dans les autres démocraties populaires, le théâtre de marionnettes soviétique exerça une influence prépondérante (voir Russie). Néanmoins, les théâtres purent suivre leurs propres voies et expérimenter de nouvelles techniques.
À partir du milieu des années cinquante, Martin Bálik (né en 1929) et Eva Munková (née en 1933), fraichement diplômés du département des marionnettes, Katedra loutkářství, de l’Académie des Arts du Spectacle (DAMU, Divadelní akademie múzických umění) de Prague, furent, à Žilina, à l’origine d’une nouvelle tradition slovaque s’écartant des marionnettes à fils traditionnelles. Pour donner toute sa place au symbolisme, de nouvelles techniques concernant, à la fois l’espace et la lumière, furent explorées. Ainsi, dans Na počiatku bola nuda (Au début était l’Ennui, 1960) de Juraj Váh, inspiré de la bande dessinée de Jean Effel, La Création du Monde, Eva Munková utilisa, pour la première fois dans l’histoire du théâtre de marionnettes slovaque, les techniques du théâtre noir, combinant les effets de lumière avec la projection d’un film.
C’est aussi dans les années soixante que furent menées les premières expériences avec les masques, toujours au théâtre de Žilina, où s’illustrèrent d’autres metteurs en scène comme Ján Hižnay (1943-2004) ; plusieurs contes de fée, dont Popolvár Jacques le Cancre, 1966 et Trojruža Les trois Roses, 1969), Pavol Rímský (1925-1989 ; Statočný cínový vojačik Le petit Soldat de Plomb, 1961) ou encore Jiří Jaroš (né en 1931) avec la mise en scène de Túžba po troch pomarančoch (L’Amour des trois Oranges) de Carlo Gozzi.
Quant aux marionnettes à tiges, elles furent introduites dans les années soixante au Théâtre de Marionnettes de Nitra sous la direction artistique de Ján Romanovský, metteur en scène et auteur de nombreuses adaptations de contes slovaques. Exactement comme dans la majorité des théâtres de marionnettes de la Tchécoslovaquie d’alors et des pays d’Europe de l’est, Romanovský suivit le modèle esthétique de théâtre de marionnettes développé par Sergueï Obraztsov. Romanovský fut parmi les pionniers de Slovaquie qui ont adopté une méthode de manipulation des marionnettes par l’arrière au moyen d’une barre métallique et fut un adepte d’un art de la marionnette réaliste. Il est l’auteur de plusieurs spectacles de marionnettes qui sont, dans une grande mesure, des adaptations de contes populaires slovaques, et d’une comédie musicale de marionnettes pour enfants, Princezná Kukulienka (Cuckoo, la Princesse) ; celle-ci a été présentée hors de Slovaquie et traduite en plusieurs langues. Ján Romanovský et ses marionnettistes ont conçu un système unique de manipulation des marionnettes. Cette technique était largement connue, en Tchécoslovaquie sous le nom d’« École de marionnettes de Nitra ».
Les années soixante-dix et quatre-vingt
Les années soixante-dix furent marquées par un foisonnement d’innovations dans la dramaturgie, la mise en scène et la scénographie, qui toucha l’ensemble des théâtres de Slovaquie. Les compagnies abandonnèrent le réalisme des anciens spectacles pour des créations plus expressives et métaphoriques situées dans des espaces stylisés tandis qu’une place était faite à l’acteur vivant à côté d’autres éléments scéniques : pantomime, masques et numéros de clowns. Ces derniers devinrent en effet très populaires dans le théâtre de marionnettes slovaque comme en témoignent Fery a Tony (Ferri et Toni, 1972) à Žilina, Concertino unisono (1973) à Bratislava, La Pièce (1973), Najmenší circus na svete (Le plus petit Cirque du Monde, 1974), Malé klauniády (Petites Clowneries, 1980) à Banská Bystrica, Strach má veľké oči (La Peur a de grands Yeux, 1977) à Nitra.
Le théâtre de marionnettes du comté à Banská Bystrica, Krajské bábkové divadlo (ou KBD) devint, alors, l’une des compagnies les plus innovantes de la scène tchécoslovaque sous la direction artistique du poète et dramaturge Jozef Mokoš. De son côté, le Štátne bábkové divadlo (Théâtre d’État de Marionnettes) de Bratislava, fondé en 1957, se spécialisa plutôt dans un répertoire relativement classique avec des mises en scène d’œuvres lyriques comme Peter a vlk (Pierre et le Loup), de Sergueï Prokofiev (1977, 1979), Cisárove nové šaty (Les Habits neufs de l’Empereur) de Juraj Beneš (1977), Petruška (Petrouchka), et Vták Ohnivák (L’Oiseau de Feu, 1979) d’Igor Stravinski. Le répertoire traditionnel et folklorique inspira d’avantage le théâtre de marionnettes de Košice, créé en 1959, qui devint une des institutions culturelles les plus importantes de Slovaquie orientale.
Avec la venue d’une nouvelle génération d’artistes, dans les années quatre-vingt, le théâtre de marionnettes slovaque continua d’évoluer. Le théâtre de Bratislava s’intéressa davantage au public adulte, se distinguant notamment avec la mise en scène du Plášť (Manteau, 1988) de Nikolai Gogol qui mêlait des masques et des marionnettes conçues par Hana Cigánová, et de Epos o Gilgamešovi (L’Épopée de Gilgamesh) par le marionnettiste tchèque Karel Brožek. Ce dernier travailla également à Žilina, avec Jozef Mokoš et Hana Cigánová sur une grande épopée historique intitulée Obrazy z dejov ríše Veľkomoravskej (Images de l’Histoire du grand Empire morave, 1985).
En revanche, le théâtre de marionnettes de Košice s’adressa essentiellement aux enfants avec Ján Uličiansky (né en 1955) célèbre écrivain slovaque qui y travailla entre 1979 et 1986. Parmi ses adaptations de contes de fée slovaques traditionnels, il présenta notamment Janko Pipora (1983) et Radúz a Ľudmila (Raduz et Ludmila, 1984) avec une scénographie et des marionnettes d’Eva Farkašová. Ján Uličiansky est également l’auteur des spectacles de marionnettes modernes Tik-Tak (1976) et Golego (1984). Il a adapté plusieurs contes de fées enfantins dont Peter Pan (1984) de J. M. Barrie et « La petite Sirène » de Hans Christian Andersen, sous le nom de Malá morská víla (1991), pour le théâtre de marionettes de Košice. Il est l’auteur de douze livres pour enfants et d’oeuvres dramatiques dont Alergia (Allergie, publié en 1995) ainsi que de nombreux spectacles radiophoniques pour jeunes et de contes de fées pour enfants. Il reçut les awards de l’IBBY (Bureau international des Livres pour Jeunes) en 1981, 1990, 1992, 1993, 1998 and 2004 et fut nominé par la branche slovaque de l’IBBY, comme candidat au prix Hans Christian Andersen.
Il faut aussi mentionner les spectacles qu’il créa avec le remarquable concepteur de marionnettes et décorateur Peter Čisárik. Succédant à Ján Uličiansky en 1986, Karol Fisher (né en 1956), toujours en collaboration avec Peter Čisárik, poursuivit ce travail à destination des plus jeunes.
La période contemporaine
Après la révolution de velours (1989) et la séparation d’avec la République tchèque (1993), ces théâtres institutionnels reprirent leur activité, parfois sous un autre nom, comme le Théâtre du Comté à Banská Bystrica, Krajské bábkové divadlo, qui devint le Théâtre du Carrefour, Bábkové divadlo na Rázcestí, en 1990 avec Marián Pecko et Iveta kripková. Surtout, des compagnies de marionnettes indépendantes virent le jour, et il existe aujourd’hui une quinzaine de troupes et de montreurs qui se produisent en solo, principalement pour les enfants. En 1990, Katarína Aulitisová et Ľubomír Piktor fondèrent, notamment, le théâtre indépendant Piki qui reprit la veine clownesque du théâtre slovaque dans ses œuvres théâtrales ainsi que dans des programmes de télévision. Parmi les artistes les plus remarquables des années récentes, on peut mentionner le metteur en scène Ondrej Spišák, diplômé de l’Académie des Arts du Spectacle de Prague, qui commença sa carrière au début des années quatre-vingt-dix, ainsi que le jeune marionnettiste, acteur et décorateur Ivan Martinka, un des premiers diplômé du Département des Arts de la Marionnette, récemment créé par l’Académie des Arts du Spectacle à Bratislava. Récompensée dans de nombreux festivals, sa pièce Šalom Alejchem – pokoj s vami (Shalom aleichem – Que la Paix soit avec vous, 2000) fut l’une des productions « postmodernes » pour adultes les plus remarquables par son inventivité scénique et par sa façon d’exposer un thème traditionnel de la culture juive par le biais de la marionnette. Il fut récompensé par plusieurs prix dans différents festivals.
En 1989, Vladimír Predmerský fonda le Département des Arts de la Marionnette, au sein de l’Académie des Arts du Spectacle de Bratislava. Les étudiants y sont formés au jeu, à la mise en scène, au décor et à la dramaturgie, une grande place étant accordée à la manipulation de marionnettes et d’objets animés. Des personnalités importantes du monde de la marionnette slovaque y enseignent, parmi lesquelles Ján Uličiansky, Hana Cigánova, Eva Farkaššová, Peter Čisárik, Miroslav Duša, Ida Hledíková, Marica Mikulová, Andrej Pachinger, Katarína Aulitisová, Ľubomír Piktor, Ivan Martinka ou encore Jozef Mokoš. Le professeur Ján Uličiansky enseigne la réalisation et la dramaturgie au Département de l’Art de la Marionnette depuis 2011.
Cinq festivals internationaux de marionnettes ont lieu en Slovaquie, à Banská Bystrica (depuis 1977), Nitra, Žilina, et deux à Bratislava. De plus, chaque théâtre de marionnettes professionnel présente ses réalisations artistiques dans un propre festival interne.
Le musée culturel de la Marionnette et du Jouet réunit depuis 1995 ses collections
(3 000 marionnettes en exposition permanente) dans un château baroque de la petite ville de Modrý Kameň. Son fondateur et conservateur est Vladimír Siváček (membre d’honneur de l’UNIMA depuis 2004). Le musée dépend du Musée national slovaque et reçoit le soutien du Centre slovaque de l’UNIMA (Slovenské centrum UNIMA) fondé en 1969.
Le Centre slovaque de l’UNIMA organise, avec l’Association « Théâtre au Croisement des Chemins » de Banská Bystrica et l’Institut de Théâtre de Bratislava une compétition bisannuelle destinée à récompenser la meilleure production de théâtre de marionnettes.
(Voir aussi Bohdan Slavík.)
Bibliographie
- Cesnaková-Michalcová, Milena. Premeny divadla [Métamorphoses du Théâtre]. Bratislava: VEDA, Slovenská akadémia vied, 1981, pp. 14, 127, 135, 166, 167.
- Dubská, Alice. “Vývojové proměny českého loutkového divadla 18. a 19. století” [Les Métamorphoses du Théâtre tchèque de Marionnettes aux XVIIIe et XIXe siècles]. Loutkář. No. 1. Prague, 1999.
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- Hledíková-Polívková, Ida. Comediens, Itinerants, Puppeteers. Bratislava: VŠMU, Divadelný ústav, 2006. ISBN 80-88987-77-6.
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