La Bulgarie, en forme longue la République de Bulgarie (en bulgare : Република България, Bǎlgarija et Republika Bǎlgarija), est un pays d’Europe du sud-est situé dans la péninsule balkanique. La Bulgarie couvre une partie du territoire de l’ancienne Thrace. Elle est bordée par la mer Noire à l’est, au sud par la Grèce et la Turquie, au nord par le Danube et la Roumanie, à l’ouest par la Serbie et la République de Macédoine. La capitale est Sophia.

Avant l’ère chrétienne, les masques et les marionnettes étaient étroitement liés et on pouvait les retrouver dans toutes les fêtes traditionnelles païennes. Selon les saisons, des marionnettes faites avec des calebasses, des feuilles, des chiffons, voire des figurines d’ombres, autant de gris-gris pour se préserver du mauvais sort, étaient couramment utilisées dans les familles. Aujourd’hui encore certains rituels subsistent : ainsi la coutume d’offrir des martenitzi, objets faits de glands rouges et blancs (symbolisant la femme et l’homme) pour souhaiter une bonne santé. Plusieurs types de figurines anciennes ont été répertoriés : les koukeri, représentant des jeunes hommes masqués, couverts de peaux d’animaux, le « papillon », jeune fille masquée et couronnée de feuilles, le Guerman, sculpture de 20 à 30 centimètres, d’un homme nu fait en argile et en boue, et Mara Lishanka, figurine fabriquée à partir de pantoufles de jeunes mariés. Ces premiers « héros » populaires faisaient partie intégrante de la vie quotidienne des paysans en leur assurant, au cours de cérémonies complexes, des protections contre la grêle (Guerman), une bonne récolte ou la fertilité pour les jeunes femmes (Mara Lishanka). Des théâtres ambulants firent aussi leur apparition : ainsi les tchengïï dont l’une des variantes était assez proche du théâtre de marionnettes à la planchette. Les marionnettes (au nombre de deux, manipulées simultanément) étaient reliées entre elles par un fil et animées en rythme, au son du rebec, par un marionnettiste musicien. Les marionnettes « à la baguette » (sorte de marottes) étaient manipulées au moyen de bâtonnets fichés dans leurs têtes tandis que, dans le cas des marionnettes dites « sur le coffre », le montreur utilisait une petite caisse dans laquelle étaient dissimulés des mécanismes permettant de les mettre en mouvement par groupe de cinq à sept. Ce dernier système marqua un véritable progrès technique.

De l’occupation ottomane au XXe siècle

Pendant près de cinq siècles d’occupation ottomane (1396-1878), le théâtre turc d’ombres, karagöz, ne parvint pas à s’implanter en Bulgarie, à la différence de ce qui se passa en Grèce. Les seules traces qui subsistent encore aujourd’hui sont des termes passés dans le langage courant, comme karagöztchia et karagöztchiïstvo employés parfois péjorativement.

Pendant cette longue période, le théâtre de marionnettes bulgare eut certes ses propres personnages emblématiques, mais ceux-ci ne franchirent jamais leurs frontières régionales. Ce n’est qu’après l’accession à l’indépendance partielle de la Bulgarie (1878) et vers la fin du XIXe siècle, qu’apparurent les prémisses d’un théâtre de marionnettes au niveau national. En 1880, une famille d’industriels tchèques, des brasseurs de bière Prochek, installa un petit théâtre de marionnettes à tringles. Ses spectacles remportèrent un tel succès que le théâtre déménagea dans le restaurant de la brasserie. De même, un théâtre de marionnettes appelé « Le Tchèque », issu de l’Union des réfugiés tchèques en Bulgarie, fut fondé en 1893 et présenta son répertoire d’auteurs tchèques et bulgares jusqu’en 1944. La même année, un certain Neno Kukladjiyata (Neno le marionnettiste, 1861-1916), forgeron, commença à se produire dans les rues, acquérant une notoriété nationale avec des marionnettes faites de divers métaux, qu’il manipulait en jouant du tamboura, un instrument à cordes traditionnel. Mais c’est sans doute le spectacle donné par le marionnettiste à fils anglais, Thomas Holden, à l’occasion de la première exposition agraire, industrielle et internationale organisée à Plovdiv en 1892, qui, par son ingéniosité et ses trucages, fit date dans l’histoire des marionnettes bulgares. Dès lors, un théâtre national mi-amateur, mi-professionnel s’implanta progressivement.

Entre les deux guerres

L’idée d’un théâtre professionnel de marionnettes bulgares se précisa peu à peu à partir de 1924 : un spectacle, présenté cette année-là par la troupe des Brambazatzité et conçu par l’architecte Atanas Donkov, remporta tout d’abord un énorme succès. Puis, en 1924 et en 1925, au sein du « cercle l’art natal » de l’Union Slavyanska Besseda, le jeu des marionnettes commença à s’imposer comme un art à part entière grâce à Atanas Donkov et à l’artiste Elissaveta Konsuelova-Vazova qui fut invitée au congrès fondateur de l’UNIMA à Prague en 1929. La même année, le ministère de l’Éducation nationale reconnut officiellement le théâtre de marionnettes Slavyanska Besseda de Sofia et nomma à sa tête une directrice artistique d’origine russe, Ekaterina Nikolaevna Bazilevitch (1899-1940). De 1929 à 1940, ce théâtre, rebaptisé Théâtre artistique des marionnettes, fut particulièrement actif avec cinquante-quatre spectacles faisant appel à divers artistes (comédiens en provenance du Théâtre national, peintres, dramaturges) ainsi qu’avec sa publication, Le Théâtre des marionnettes, qui parut à partir de 1933. Ce théâtre se fit plus particulièrement remarquer avec un scénario original pour marionnettes, Glavcho i Tsarskata Dushterya (Glavtcho et la Fille du roi), créé par le dramaturge I. Kostov, Glavtcho étant l’esquisse d’un personnage national typique, à l’instar de Pulcinella, Petrouchka ou Kašpárek.

À la même époque, d’autres théâtres de marionnettes se développèrent en province, notamment à Plovdiv et à Rousse. Deux artistes, Stéphane Pentchev et Ivan Roussev, jouèrent un rôle important dans cette évolution semi-professionnelle. Le premier fonda en 1929, le Teatro dei Piccoli bulgare et présenta Madam Vlastya (Madame le Pouvoir), une satire politique qui remporta un énorme succès à Sofia mais pas en province et dut fermer en 1932. Le second reprit et créa plusieurs théâtres de marionnettes itinérants dans tout le pays. En 1942, Kiril Batemberski récupéra les marionnettes du Teatro dei Piccoli et du théâtre de Plovdiv, reprit le répertoire du Théâtre artistique des marionnettes, et fonda un nouveau théâtre. Faute de subventions, le théâtre de Batemberski dut toutefois fermer en 1952.

Le théâtre professionnel de 1946 à nos jours

Avec l’installation d’un régime communiste en Bulgarie (1944), les théâtres de marionnettes furent activement soutenus par l’État par l’intermédiaire du ministère de l’Éducation nationale, puis du ministère de la Culture. Trois grands théâtres étaient particulièrement concernés par cette politique au lendemain de la guerre.

Le Théâtre collectif de marionnettes, Kolektiven kuklen teatur, fut créé en 1946 à Sofia et dirigé par Mara Penkova (1894-1959), actrice au Théâtre national de Sofia (voir Stolichen kuklen teatur), après avoir été formée en 1942 en Allemagne et, plus tard, chez Sergueï Obraztsov, en U.R.S.S. En 1948, le théâtre changea de nom et devint le Théâtre populaire de marionnettes, Naroden kuklen teatur. Mara Penkova attira alors une vague de jeunes artistes comme Atanas Ilkov, Sergueï Visonov et Liliana Docheva (qui, avec sa mise en scène de Chasovnikaryat (L’Horloger), renouvela la conception des formes animées) ainsi que Milka Nacheva qui fut l’une des premières scénographes dans le théâtre de marionnettes bulgare. Se distinguèrent également d’excellents marionnettistes comme Eugen Fabiany, qui fut aussi pendant de nombreuses années secrétaire général du Centre bulgare de l’UNIMA, Lina Boyadzieva, Slava Racheva ainsi que Binka Miteva, connue par ailleurs pour son travail à la télévision. Le théâtre participa en 1958 au premier Festival international de marionnettes de Bucarest, qui inaugura une période de renouveau artistique en rupture complète avec le naturalisme des productions précédentes. Ce théâtre se nomme aujourd’hui Théâtre central de Marionnettes, Stolichen kuklen teatur, de la capitale, Sofia, et il est toujours situé au même endroit, dans le centre de Sofia.

Le Théâtre d’État de marionnettes de Plovdiv, Durzhaven kuklen teatur Plovdiv, fut fondé en 1946, sous la direction de Georgi Saravanov, acteur, metteur en scène, constructeur de marionnettes et décorateur. Ses premières productions s’inspiraient du cirque et de l’opéra. Les marionnettistes étaient amateurs jusqu’en 1953, date à laquelle des artistes professionnels y furent recrutés. Son directeur est Vassil Apostolov depuis 1984.

Enfin, le Théâtre d’État de Marionnettes de Varna, Durzhaven kuklen teatur Varna, fut fondé par Georgi Saravanov en 1952. Le dramaturge Yordan Todorov, directeur artistique du théâtre pendant vingt ans, y encouragea l’écriture de scénarios spécifiques destinés aux marionnettes avec la collaboration d’artistes comme Zlati Zlatev et Ivan Tzonev, créant ainsi des productions d’une haute qualité professionnelle.

Sous la tutelle de l’État, le théâtre de marionnettes professionnel fut avant tout destiné au jeune public. À travers les contes de fées, l’éducation et le loisir étaient conciliés, non sans une certaine forme de didactisme idéologique. La dramaturgie, les marionnettes, la scénographie étaient entièrement mises au service de la formation intellectuelle et esthétique du jeune spectateur. Les marionnettistes profitèrent de cette politique volontariste et entre 1946 à 1990 furent créés vingt nouveaux théâtres nationaux de marionnettes et deux théâtres municipaux, employant des équipes artistiques, techniques et administratives permanentes et assez étoffées. Dans cette effervescence, naquirent de nombreux spectacles artistiquement ambitieux. Parmi eux, Petya i vulkut (Pierre et le loup), créé en 1960, dans une mise en scène d’Atanas Ilkov et de Nikolina Georgieva, avec une scénographie de l’architecte Ivan Tzonev, marqua une étape essentielle. Cette représentation ouvrit en effet de nouvelles perspectives esthétiques et servit de modèle pour toute une jeune génération de créateurs en Europe centrale et au-delà. Le théâtre de marionnettes à destination d’un public adulte se développa également : en 1962, deux spectacles majeurs, Sukrovishteto na Silvestur (Le Trésor de Sylvestre), d’Angel Wagenstein, créé au Théâtre central de marionnettes de Sofia, mis en scène par Atanas Ilkov ainsi que Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns, mis en scène par Nikolina Georgieva, l’imposèrent avec succès. Avec Karnaval na Jivotnite (Le Carnaval des animaux), la lumière et l’ombre s’associaient en direct avec le jeu, ce qui représentait une innovation pour les arts visuels de l’époque. Avec Krali Marko (Le Roi Marc, 1967), le metteur en scène Ivan Teofilov et le scénographe Ivan Tzonev, inventèrent de leur côté une nouvelle forme spectaculaire, faite de tableaux géants en mouvement.

Pendant cette période faste, Atanas Ilkov et Nikolina Georgieva introduisirent, en 1962, l’enseignement des arts de la marionnette (manipulation, mise en scène et scénographie) au sein de l’Institut supérieur d’art dramatique (aujourd’hui, Académie nationale des Arts du Théâtre et du Film, Natsionalna akademia za teatralni i filmovi izkustva). De nombreux artistes s’y spécialisèrent. Dans les années 1970, une première génération d’artistes s’imposa parmi lesquels les metteurs en scène Vassil Apostolov, Zlati Zlatev, Yana Tzankova mais aussi des comédiens et des scénographes. Elle fut suivie, à partir de 1980, de personnalités comme Slavtcho Malenov et Petar Pachov, Maya Petrova, Silva Bachvarova ou encore Jenny Pachova. À la fin des années quatre-vingt, une nouvelle génération d’artistes très prometteurs fit son apparition, parmi lesquels les metteurs en scène Katia Petrova, Biserka Kolevska, Sunny Suninsky, qui s’orientèrent vers le théâtre visuel.

Après la fondation du centre bulgare de l’UNIMA en 1963, les échanges internationaux se développèrent de façon significative et brisèrent l’isolement de la scène bulgare. Des festivals nationaux et internationaux virent le jour : le Dauphin d’or, fut fondé à Varna en 1972 par Yordan Todorov attirant de nombreuses compagnies venant de toute l’Europe orientale et occidentale. Un prix (le Dauphin d’or) fut dès lors décerné au meilleur spectacle de la sélection. Par la suite, furent créés le festival des Petits Yan Bibiyan à Silistra (1986),  Deux, c’est peu, trois, c’est trop à Plovdiv (1990), Pierrot à Stara Zagora (2000), outre la Foire des marionnettes à Sofia en 2002. Des chercheurs universitaires et des critiques, comme Vassil Stephanov, Dimitar Kanochev, Elena Vladova, Doïtchina Siniguerska, Echoua Bello, appuyèrent ce développement.

Les perspectives actuelles

En 1990, après la chute du régime communiste, la société bulgare s’enfonça dans une crise économique aiguë. Les budgets des théâtres nationaux furent considérablement réduits et beaucoup de créateurs se retrouvèrent au chômage. Quelques théâtres nationaux continuèrent à bénéficier d’un financement du ministère de la Culture (comme c’est encore le cas à Plovdiv, Varna, Vidin) et purent préserver une partie de leur personnel artistique et présenter les pièces de leur répertoire. D’autres théâtres durent faire appel aux municipalités pour compléter leur financement (c’est le cas à Stara Zagora, Rousse et Târgoviste) tandis que des compagnies comme celles de Sliven, Yambol, Gabrovo, Dobrich, devinrent des « scènes ouvertes » privées s’appuyant toutefois sur une équipe artistique permanente. D’autres troupes ne sont subventionnées que par les villes (Sofia, Blagoevgrad) et les autres théâtres de marionnettes se sont associés avec des théâtres d’acteurs ou ont été finalement intégrés au sein de ces derniers.

Ces difficultés incitèrent les marionnettistes à explorer de nouvelles voies. Ainsi Don Quichotte, spectacle musical, créé, en 1989, par le metteur en scène Petar Pachov, avec les scénographes Sylva Batchvarova et Vassil Rokomanov ainsi que le compositeur Petar Tzankov, au Théâtre d’État des Marionnettes de Plovdiv. Mais sur plus de cinq cents marionnettistes diplômés en Bulgarie, les deux tiers demeurent sans travail. Nombre d’entre eux fondent des théâtres de marionnettes privés, par exemple l’Atelier 313 qui s’est spécialisé dans les grands auteurs comme Oscar Wilde, Boulgakov, Valéry, Petrov. Ses spectacles (Kenturvilskiat Prizrak Le Fantôme de Canterville, Мaistor i Margarita Le Maître et Marguerite et Chestna Musketarska Parole de Mousquetaire) furent particulièrement remarqués. Outre ses propres créations, cette compagnie prête sa scène à des troupes privées ou réalise des spectacles en co-production avec des artistes individuels et de très petites compagnies. Le théâtre Sivina (Ivan Sivinov) met en scène des marionnettes miniatures et son spectacle Меtamorfozi (Métamorphose) fit le tour du monde. Le théâtre Perpetuum Mobile, composé de très jeunes acteurs, invente un nouveau langage visuel à travers l’image et le théâtre d’objets. Le Théâtre Ariel utilise des marionnettes et des décors dépouillés comme l’illustre Le Rêve de carton mis en scène par Ruben Garabedian qui n’avait pour tout décor que des boîtes en carton qui se transformaient en maisons, en ville, en métro. Le Théâtre Ako, le Théâtre Danny et Dessy ainsi que le Théâtre M+M s’orientent quant à eux vers un théâtre plus familial. Enfin, le Théâtre Albena crée des shows pour touristes qui font le tour du monde tandis que le Théâtre Credo présenta à Prague, à Charleville-Mézières et dans la plupart des festivals internationaux Shinel (Le Manteau) de Gogol qui remporta un très grand succès national et international. Depuis les années quatre-vingt-dix, plus de soixante théâtres existent en Bulgarie même s’ils vivent dans une certaine précarité ou n’obtiennent une subvention du ministère de la Culture que sur des projets précis.

(Voir aussi Galina Savova, Kiriakos Argyropoulos, Rada Moskova, Slavcho Malenov, Valeri Petrov, Verginia Pavlova.)

Bibliographie

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