La Pologne (en polonais : Polska), officiellement dénommée République de Pologne (en polonais : Rzeczpospolita Polska), est située en Europe centrale et jouxte l’Allemagne, à l’ouest, la République tchèque et la Slovaquie, au sud, l’Ukraine, la Biélorussie et la Lituanie, à l’est, la mer Baltique ainsi que l’enclave russe de Kaliningrad, au nord. Au XXe siècle, la Pologne reconquit son indépendance, en 1918, après 123 ans d’occupations par la Russie, la Prusse et l’Autriche. Entre 1945 et 1989, le pays fut allié de l’Union soviétique comme République populaire de Pologne.

L’art de la marionnette en Pologne   

Le théâtre de marionnettes est présent depuis cinq siècles au moins en Pologne. Les premières sources, du XVe siècle, mentionnent un comédien de Vilnius, nommé Waśko, qui suivait les marchands dans leurs déplacements en montrant ses poupées (lothky, łątki). Il pourrait donc être un de ces artistes du théâtre populaire (skomoroch) propre aux peuples slaves, qui exposaient ou montraient leurs marionnettes et peut-être, déjà, donnaient des représentations. Leur présence devait n’être pas négligeable, car chez certains des principaux auteurs polonais du XVIe siècle, notamment Mikołaj Rej et Jan Kochanowski, la marionnette et le théâtre de marionnettes entrent dans la composition des analogies poétiques ou des métaphores – notamment l’image récurrente de la marionnette qui suscite le rire pour autant que le « jongleur » lui-même désire s’amuser avec elle.

Marionnettistes itinérants

Les jonglages et les jeux d’adresse se théâtralisèrent au XVIe siècle sous l’influence des marionnettistes étrangers (voir Troupes itinérantes). En 1506, un Italien, le Magister de Omnibus Sanctis présenta ses tabernacula cum personis (littéralement, « cabanes avec figures ») au prince Sigismond à Cracovie. À la fin du siècle, des marionnettistes hollandais et allemands (Henrik Janson, Andreas Rothe, Friedrich Hune) donnaient des représentations de théâtre mécanique à Gdańsk. Il s’agissait, initialement, de mystères, mais de caractère profane, inspirés par l’exemple des acteurs et marionnettistes anglais. Les troupes exerçant en Pologne, particulièrement dans la première moitié du XVIIe siècle, bénéficièrent du soutien de la cour de Sigismond III Vasa puis de Ladislas IV. Les premières mentions d’acteurs italiens de la commedia dell’arte également montreurs de marionnettes apparaissent au milieu du XVIIe siècle (notamment en 1666 à la cour de Jan Kazimierz à Varsovie). Johann Peter Hilverding (père du célèbre marionnettiste Johann Baptist Hilverding), actif en Silésie dans la seconde moitié du XVIIe siècle, se serait fait une spécialité des spectacles de Pulcinella. Son choix fut imité entre autres par Daniel Ernest Carcerius. Les marionnettistes étrangers proposaient tout ce qui se pratiquait alors en Europe au XVIIe siècle : théâtres mécaniques et de marionnettes, mystères, sujets mythologiques, opéra.

À part quelques mentions (une « comédie de łątek » donnée à Gdańsk en 1672), on ne sait pas grand-chose des artistes proprement polonais de l’époque. Comme leurs confrères étrangers, surtout allemands et italiens, ils faisaient partie de l’internationale des montreurs ambulants, se déplaçant jusqu’à Moscou (comme les Jakubowski, dans la première moitié du XVIIIe siècle) ou en Espagne (comme Felix Kinsky, dans les années 1740).

Il semble que, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, l’art polonais de la marionnette se soit investi dans les jeux de la Nativité (szopka) joués à Noël par des compagnies spécialisées.

Le XVIIIe siècle

Au milieu du XVIIIe siècle, des théâtres de marionnettes spécialisés dans l’opéra et les pièces lyriques apparurent dans les résidences de la noblesse polonaise – les plus célèbres étant établis à Biała Podlaska et à Słuck en 1753 par le prince Heronim Radziwiłł sous la direction d’un certain Helman jusqu’aux années 1760. À la différence des modestes compagnies itinérantes, ils comportaient un grand nombre de marionnettes artistement sculptées et bien habillées, des lumières éclatantes, et un ensemble de machines de scène permettant changements à vue et des effets spéciaux. Le prince Michał Radziwiłł avait également un théâtre de marionnettes dans sa résidence de Nieśwież, de même que le hetman Jan Klemens Branicki à Białystok.

Les spectacles de marionnettes se multiplièrent en Pologne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, très probablement avec le soutien de Stanislas Auguste Poniatowski, le dernier roi de la République polonaise, favorable aux arts en général et dédaignant si peu les marionnettistes qu’il leur faisait des dons généreux. Il assistait aux spectacles de marionnettes de plus en plus fréquents et donnés dans de grands espaces publics. Le germanophone Gerhard Bressler était le marionnettiste le plus célèbre en Pologne à la fin du XVIIIe siècle, jouant souvent dans les grandes villes des programmes qui, jusque tard dans le XIXe siècle, restèrent le modèle dominant : une pièce principale avec un personnage comique central (Pimprle pour Bressler, par exemple) qui apparaissait sous diverses apparences et dans différents rôles, occasion de déployer toutes sortes d’effets ingénieux, avec d’autres personnages ; métamorphoses après lesquelles venait une comédie en un acte conclue par un feu d’artifice ou une brève œuvre musicale exécutée par la famille de l’entrepreneur.

Une peinture de Jan Piotr Norblin, Les Marionnettes polonaises (fin du XVIIIe siècle) constitue le premier document iconographique connu sur le spectacle de marionnettes : les manipulateurs tiennent par leurs supports des figures de type marottes, leurs mains reposant sur le bord du castelet, devant un décor bidimensionnel représentant des bâtiments de la vieille ville de Varsovie. Un singulier personnage était alors actif parmi les marionnettistes polonais : Barani Kożuszek qui, apparemment inspiré par les cercles patriotiques de Varsovie (trois puissances occupantes, la Russie, la Prusse et l’Autriche, se partageaient alors la Pologne), présentait à l’aide d’une petite guillotine la décapitation de « particuliers mal vus du peuple ».

Le XIXe siècle

Dans la première moitié du XIXe siècle, des théâtres de papier (décors et figures imprimés en série) firent leur apparition à côté des théâtres qui parcouraient l’espace polonais. Cependant, dès la fin du XVIIIe siècle, la faveur du public allait au théâtre mécanique, qui présentait figures immobiles ou animées mécaniquement, déplacées devant un décor plat, ou devant un fond spécial, habituellement peint, au moyen d’une bande entraînée par des roulements ou par un disque pivotant (theatrum mundi). Parmi les représentants de cet art, tant polonais qu’étrangers, tels Antoni Wolski et Christian Tschuggmall, le plus célèbre était Jordaki Kuparenko, qui poursuivit sa carrière de mécanicien jusqu’à sa mort en 1844. La popularité de ces spectacles était due à leur technicité, mais leur séduction s’émoussait dès qu’étaient découverts les secrets et les limites du fonctionnement des automates.

On pourrait penser qu’à cette époque la marionnette était éclipsée par l’automate, mais cette impression est largement relativisée par le fait que de nombreux marionnettistes, pour attirer le spectateur, qualifiaient de « mécaniques » leurs spectacles. Au milieu des compagnies étrangères ambulantes, des marionnettistes polonais parvenaient à se distinguer, comme Józef Bogacki qui, après avoir servi dans l’armée, se vit concéder le droit, en 1812, de diriger un théâtre de marionnettes à Cracovie. Comme il est d’usage, ce genre d’autorisation était assorti de toutes sortes de restrictions : pas de musique, obligation de finir avant l’heure de l’office vespéral, parfois versement d’un impôt au profit des théâtres classiques, à qui les « basses marionnettes » faisaient sérieusement concurrence. Ce fut précisément le cas à Varsovie en 1819, quand les marionnettes des frères Dennebecq (des Français) menacèrent, par leur succès, les intérêts du Théâtre national polonais.

À la fin de 1843, un théâtre de marionnettes fixe s’installa à Varsovie, où il donna quotidiennement un répertoire comprenant Docteur Faust, Hans wesoły partacz (Hans le gai bon-à-rien), Miłość na próbie (Amour en justice), mais il ne resta pas ouvert plus d’un mois. La désaffection à l’égard du théâtre de marionnettes fut sensible à partir du milieu du XIXe siècle. Il réagit en quittant les grands centres urbains et leurs salles prestigieuses pour chercher son public dans les faubourgs où il jouait dans des baraques spécialement conçues. Cet état de fait était dû principalement aux marionnettistes eux-mêmes, à leurs goûts conservateurs et à leur allégeance aux anciennes techniques et au vieux répertoire.

Parmi les plus actifs entrepreneurs de cette époque, il faut mentionner Fryderyk Siegmann et un certain Żulicki, mais ce sont les marionnettistes étrangers, employant principalement des marionnettes à fils, qui dominaient l’espace polonais à la fin du XIXe siècle. À partir des années 1870 des montreurs employant des marionnettes à gaine, et se conformant au modèle viennois du Kasperltheater, firent leur apparition dans les théâtres de rue.

Le début du XXe siècle

Un renouveau s’amorça au début du XXe siècle, lorsque les cercles intellectuels prirent conscience des potentialités éducatives du théâtre de marionnettes auprès du jeune public. Auteurs, journalistes, pédagogues rejoignirent les rangs de ceux qui militaient en sa faveur. Un premier théâtre de marionnettes pour enfants, fondé à Varsovie en 1897 par Władysław Rybka, combinait les marionnettes à d’autres attractions : illusions d’optique, tours de prestidigitation et tableaux vivants. Quant au premier théâtre fixe pour enfants consacré aux seules marionnettes, il fut l’œuvre de Maria Weryho-Radziwiłłowicz en 1900-1904, exemple suivi en 1903 par Stefania Boima-Wachowska à Cracovie, par Adam Setkowicz et Józef Rączkowski en 1911 à Cracovie également et par le Krasnoludek (Lutin) en 1916 à Varsovie. Leur modèle commun était le théâtre de « Papa Schmid », à Munich (voir Josef Leonhard Schmid), mais c’est d’un autre exemple également munichois, l’avant-gardiste Marionettentheater Münchner Künstler (Théâtre de marionnettes à fils des artistes munichois) de Paul Brann, que s’inspirait le théâtre fondé en 1910 par Marian Dienstl-Dąbrowa.

De même que ces théâtres n’avaient plus rien de commun avec les troupes de montreurs ambulants, les spectacles de szopka « satirique » ne ressemblaient plus guère aux traditionnelles représentations du temps de Noël. La szopka « satirique » (dite aussi « littéraire », « artistique » ou « politique ») née au Zielony Balonik (Le Ballon vert, un cabaret de Cracovie) devint un genre proprement polonais, qui connut une vogue sans précédent entre les deux guerres mondiales. Elle évolua pour donner deux genres satiriques distincts, l’un qui reprenait le dispositif de la szopka de Noël (continuant ainsi la tradition du Zielony Balonik), l’autre qui abandonnait toute référence traditionnelle et se rapprochait du spectacle de marionnettes inauguré en 1909 par le cabaret Momus de Varsovie.

Dans la Pologne de nouveau indépendante après 1918, le théâtre de marionnettes retrouva des forces nouvelles. Les années vingt virent apparaître des artistes qui, impavides devant le risque d’échec, s’investirent entièrement dans le théâtre de marionnettes. Stefan Polonyj-Poloński fit jouer son théâtre, Miniatury, successivement à Cracovie, à Katowice et à Poznań de 1927 à 1939. En 1928, les marionnettistes du Baj, à Varsovie, engagèrent avec enthousiasme leur théâtre dans une action éducative sous la direction de Jan Wesołowski. Une contribution majeure fut apportée par le marionnettiste italien Vittorio Podrecca (voir Teatro dei Piccoli) qui tourna dans les principales villes de Pologne lors de ses tournées de 1928, 1930 et 1936. À l’instigation de Jan Sztaudynger, les marionnettistes commencèrent à se regrouper et, en 1938, la Wielkopolska Rodzina Marionetkarzy (Famille grand-polonaise de marionnettistes), composée d’artistes professionnels de la region poznanienne et de Poméranie fut fondée à Poznań. La même année, cette association de dota d’un théâtre fixe, le Błękitny Pajac (Clown bleu) et, par Jan Sztaudynger, d’un périodique : Bal u lal (Bal chez les marionnettes). C’est également à Sztaudynger qu’on doit la création d’un mouvement professionnel de marionnettistes, et au Baj de Jan Wesołowski la promotion de la marionnette auprès des éducateurs comme des enfants, ainsi que le lancement d’un large courant d’amateurs. Un de ces théâtres amateurs de marionnettes avait été établi par Alojzy Smolka en 1937 dans un communauté polonaise d’Opole (en Haute-Silésie, actuellement, au sud de la Pologne) Opolski Teatr Lalki i Aktora im. Alojzego Smolki (Théâtre de la marionnette et de l’acteur Alojzy Smolka à Opole). Cet effort, entravé au cours des années de guerre, allait porter ses fruits au lendemain de celle-ci.

La Seconde Guerre mondiale avait, une fois encore, rayé la Pologne de la carte d’Europe. Occupée à parts presque égales par l’Allemagne nazie et par l’Union soviétique, elle dut se doter de structures politiques, militaires et culturelles clandestines. Un semblant d’activité se maintint dans la zone d’occupation soviétique avec les théâtres de marionnettes de Władysław Jarema et Zofia Jaremowa à Grodno et avec le Teatr Młodego Widza (Théâtre Jeune Public) de Vilnius, actif jusqu’en 1941. Une activité coordonnée reprit au milieu des années quarante dans la zone d’occupation allemande. Sporadiquement, les autorités allemandes autorisaient l’ouverture d’un théâtre, notamment le Figlarny Kubuś (Ourson joueur) pour enfants en 1940 ou le Hulajnoga (Trottinette) présentant des revues pour adultes en 1943, tous deux à Varsovie, ou le théâtre de marionnettes du Gouvernement général de Marian Mikuta en 1944 à Cracovie. Cependant, l’écrasante majorité des spectacles étaient clandestins. Le théâtre de marionnettes se révélait un outil capable d’évoquer le passé (par les spectacles de szopka), d’inciter à des actions mineures de sabotage et, finalement, de remplacer le « vrai » théâtre. Ainsi, dans des appartements, on joua, parfois pendant des années, des dizaines de spectacles de marionnettes. Dans les prisons et les camps de concentration où des Polonais étaient incarcérés (Dachau, Ravensbrück, Auschwitz et Buchenwald), on organisa des programmes. Dans les camps de prisonniers pour officiers (oflags) ou simples soldats (stalags) sur tout le territoire européen, des spectacles étaient donnés ; les officiers de l’Oflag VII A de Murnau ou de l’Oflag II C de Woldenberg entretinrent des compagnies qui fonctionnèrent de 1941 à la libération en 1945. Partout où des soldats polonais prenaient part aux combats, du Moyen-Orient à la Grande-Bretagne, des programmes de marionnettes virent le jour.

La période soviétique

Après la guerre, la Pologne resta près de cinquante ans dans l’orbite de l’Union soviétique, et celle-ci dicta au monde de la culture ses principes et ses méthodes éprouvés. La renaissance du théâtre de marionnettes polonais fut d’abord l’œuvre des artistes confirmés d’avant-guerre ou des années de guerre : les Jarema, Henryk Ryl, Janina Kilian-Stanisławska, Irena Pikiel, Joanna Piekarska, Tadeusz Czapliński, Jerzy Zitzman, Marta Janic créèrent des théâtres privés, semi-professionnels, partiellement subventionnés. Dans ce mouvement, une part éminente fut prise par Władysław et Zofia Jarema, fondateurs du Groteska de Cracovie en 1945, et Henryk Ryl, fondateur de l’Arlekin de Łódź, Janina Kilian-Stanisławska (voir Lalka), fondatrice du Niebieskie Migdały (littéralement : Théâtres des Marionnettes des Amandes bleues ; métaphoriquement : Théâtres des Marionnettes des Châteaux en Espagne) à Samarkand en 1945, rapatrié en Pologne et relocalisé à Varsovie, en 1948, et Irena Sowicka qui créa le Guliwer en 1946 à Varsovie. Leurs premiers spectacles – Cyrk Tarabumba (Le Cirque Tarabumba) des Jarema, Kolorowe piosenki (Chansons bigarrées) de Ryl et Guliwer w krainie Liliputów (Gulliver chez les Lilliputiens) – définissaient bien les sujets et les pratiques artistiques des théâtres de marionnettes pour les années à venir. Avec le soutien d’un vaste réseau d’amateurs, ce noyau d’artistes commença à structurer la profession de marionnettiste, entra dans les organismes professionnels (Société des artistes polonais du théâtre et du cinéma), organisa l’enseignement (département marionnettes de La Haute École d’État de Théâtre « Ludwik Solski » à Cracovie, fondé en 1954), révisa les critères de qualification professionnelle et créa une revue, Teatr Lalek.

La mise en place des théâtres d’État

À la charnière des années quarante et cinquante, la Pologne fut contrainte d’adopter le modèle du théâtre d’État voué au jeune public, tel qu’il avait été établi à Moscou par Sergueï Obraztsov dans les années trente. Les théâtres nationalisés en 1950 – Groteska à Cracovie, Arlekin et Pinokio à Łódź, Guliwer et Lalka à Varsovie, Banialuka à Bielsko-Biała, Baj Pomorski à Toruń et Miniatura à Gdańsk – furent installés dans leurs locaux avec leurs ateliers et leurs équipes (artistiques, techniques et administratives) permanentes, soit des dizaines de personnes. D’une douzaine au milieu des années cinquante, le nombre de théâtres d’État était passé à vingt-sept à la fin des années soixante-dix. La tutelle de l’État, si elle promut la profession de marionnettiste, limita dans une certaine mesure l’indépendance des artistes et des compagnies. La nomination des directeurs, le recrutement des artistes et le répertoire devaient être approuvés par le Ministère de la Culture ou par ses services. Réciproquement, les comptes que devaient rendre les théâtres revêtaient une forme bureaucratique complexe qui finit par décourager plus d’un artiste.

Cependant, une certaine indépendance financière, quoiqu’encadrée par un budget strict, permettait aux théâtres de centrer leurs efforts sur les questions artistiques. Dès le milieu des années cinquante, la marionnette polonaise s’était dotée d’un style original, redevable en cela aux efforts du Groteska, d’Arlekin et du Lalka qui affirmèrent leur réputation internationale lors du premier festival international de Bucarest (Roumanie) en 1958 : médaille d’or pour le Lalka avec Guignol w tarapatach (Guignol dans le pétrin) de Jan Wilkowski, médailles d’argent de la mise en scène pour le Groteska avec Wieczór Gałczyńskiego (Soirée Gałczynski) et de la scénographie pour Kolorowe piosenki (Chansons bigarrées) de l’Arlekin. Deux jeunes artistes, particulièrement, bénéficièrent de l’audience internationale permise par ces résultats : Jan Wilkowski et Adam Kilian. Tous deux collaborèrent à l’œuvre devenue exemplaire du style polonais : O Zwyrtale muzykancie, czyli jak się góral dostał do nieba (Zwyrtała le musicien, ou comment un montagnard des Tatras alla au ciel, 1958). La marionnette polonaise adoptait un style qui privilégiait l’interprétation des œuvres littéraires par des moyens purement scéniques dans les scénographies imaginées par les principaux décorateurs – notamment Kazimierz Mikulski, Jerzy Skarżyński, Ali Bunsch, Adam Kilian, Zenobiusz Strzelecki, Leokadia Serafinowicz, Wacław Kondek –, qui voyaient dans le théâtre un espace de liberté où leurs conceptions artistiques prendraient corps. La démonstration en fut faite lors du 8e Congrès de l’UNIMA qui se tint en même temps que le Festival international de marionnettes à Varsovie en 1962.

Le renouvellement des générations

Dans les années soixante, les théâtres furent pris en main par les artistes, d’abord acteurs puis metteurs en scène (Leokadia Serafinowicz, Krzysztof Niesiołowski, Stanisław Ochmański, Monika Snarska, Zygmunt Smandzik, Jerzy Kolecki, Leszek Śmigielski) formés sous le contrôle des artistes de l’après-guerre. Ils avaient hérité un style ; ils apportèrent leur connaissance des techniques d’acteur et de manipulateur, ainsi que l’ambition de faire valoir leurs propres conceptions artistiques. C’est à cette époque que le Miniatura de Gdańsk et le Marcinek de Poznań (voir Teatr Animacji w Poznaniu, Théâtre d’animation de Poznań) se joignirent au groupe des principaux théâtres de marionnettes polonais. Jan Dorman, directeur du Teatr Dzieci Zagłębia (Théâtre des Enfants du Zagłębie) de Będzin, établit et confirma sa position d’expérimentateur et d’enfant terrible de la marionnette. Les villes polonaises accueillirent des festivals (Opole ; Bielsko-Biała avec le Banialuka) parfois régionaux ou spécialisés (rassemblement des théâtres de marionnettes de Pologne du Nord à Toruń ; festival des théâtres de marionnettes de Pologne orientale accueilli à tour de rôle par Lublin, Rzeszów et Kielce ; festival de solos à Varsovie).

Les théâtres amorcèrent une politique de coopération et d’échanges avec ceux d’autres pays, participèrent à des rencontres et à des festivals internationaux – et firent ainsi entrer les artistes polonais dans la famille de la marionnette mondiale. Les efforts de Henryk Jurkowski, directeur du service des théâtres de marionnettes au Ministère de la Culture et élément actif des structures internationales de l’UNIMA, furent déterminants dans ce sens.

Une nouvelle génération – Andrzej Dziedziul, Krzysztof Rau, Wiesław Hejno, Wojciech Wieczorkiewicz, Włodzimierz Dobromilski, Zofia Miklińska –, accédant à la profession de la même façon que ses prédécesseurs, domina la marionnette polonaise à la charnières des années soixante et soixante-dix, tandis que la Petite Scène de Wrocławski Teatr Lalek (Théâtre de marionnettes de Wrocław), vouée aux spectacles pour adultes et Studium Aktorskie Teatrów Lalkowych (SATL, Studio des acteurs de théâtre de marionnettes), également de Wrocław, devenaient des institutions de premier plan.

Le Théâtre de marionnettes de Wrocław et le Théâtre de marionnettes de Białystok, Białostocki Teatr Lalek, comptèrent parmi les principaux théâtres de marionnettes polonais des années soixante-dix et quatre-vingt, notamment après la création de formations de niveau universitaire au milieu des années soixante-dix et la rivalité sensible entre le Wydział Lalkarski we Wrocławiu (Faculté de Théâtre de Marionnettes, Département de Wrocław) et l’Akademia Teatralna w Białymstoku (Academie théâtrale de Białystok). La génération de metteurs en scène formée en Union soviétique et en Tchécoslovaquie –Włodzimierz Fełenczak, Wojciech Kobrzyński, Tomasz Jaworski, Irena Dragan, Konrad Szachnowski –, se fit par ailleurs remarquer à la fin des années soixante-dix.

Les années quatre-vingt furent celles du bouleversement, surtout pour les acteurs-manipulateurs. Les vieux maîtres – Juliusz Wolski, Tadeusz Wojan, Zdzisław Owsik, Teresa Sawicka, Krystyna Cysewska, Krystyna Matuszewska, Jan Plewako, Anna Proszkowska, Tomasz Brzeziński notamment – furent remplacés par de jeunes diplômés des écoles de marionnettes où ils avaient reçu une formation complète. D’un point de vue matériel, le rideau de scène, omniprésent jusque-là, céda la place à une combinaison de techniques d’expression où l’acteur-manipulateur était au premier plan. Quelques nouveaux et talentueux artistes, comme Jadwiga Mydlarska-Kowal, Rajmund Strzelecki et Mikołaj Malesza rejoignirent les théâtres des marionnettes comme scénographes.

La nouvelle génération des leaders des théâtres (qui remplaça la génération précédente des scénographes et directeurs) fut assurée par des diplômés des écoles de marionnettes et, très souvent, par des acteurs, notamment Małgorzata Kamińska, Grzegorz Kwieciński, Bogdan Nauka, Zbigniew Niecikowski, Zdzisław Rej, Czesław Sieńko, Wojciech Szelachowski, Maciej K. Tondera, Waldemar Wolański, Aleksander Antończak, Piotr Tomaszuk. Leur emploi ludique ou distancié des conventions, leur recours à une ample gamme de moyens d’expression ne les excluait pas, toutefois, du théâtre de marionnettes littéraire légué par leurs prédécesseurs.

La période contemporaine

Vinrent les bouleversements des années quatre-vingt-dix. Le système soviétique, qui depuis la fin des années soixante-dix n’était pourtant qu’un jeu d’apparences en ce qui concerne le théâtre de marionnettes, survécut dans le secteur étatisé des arts. On vit s’affirmer des théâtres et des compagnies privés nés dans les années quatre-vingt : Teatr Wierzbak à Poznań, Théâtre de Feu et de Papier de Grzegorz Kwieciński. Dans cette catégorie, le Théâtre de la société Wierszalin, le Teatr 3/4 Zusno de Krzysztof Rau et le Théâtre du petit « i » (puis Laboratoire des Apparitions) de Tadeusz Wierzbicki parvinrent à imposer un style de jeu nouveau et original (relation entre le jeu d’acteur et la marionnette, manipulation à main nue, expérimentations avec ombres et champ électrostatique). Plus tard d’autres compagnies, qui toujours se développent, formèrent : le Walny-Théâtre (Walny-Teatr), l’Union de Théâtres impossibles (Unia Teatr Niemożliwy), le Théâtre K3 (Teatr K3), la Compagnie Doomsday (Kompania Doomsday), qui se divisa en Théâtre Malabar Hotel (Teatr Malabar Hotel) et Groupe Coincidence (Grupa Coincidentia). Pour differentes raisons, notamment le manque de salles prévues pour les accueillir, les compagnies indépendantes ont généralement une existence très brève. Ainsi, au début du XXIe siecle, l’activité du théâtre de marionnettes polonais se concentrait autour des théâtre institutionnels (municipaux ou parfois régionaux) fixes.

Institutions

La section polonaise de l’UNIMA, POLUNIMA, a été fondée en 1961  par Henryk Ryl. En 2005, elle était dirigée par Henryk Jurkowski, en 2015 par Waldemar Wolański. Il existe par ailleurs, depuis 1950, une section marionnettes de l’Association des artistes polonais du théâtre (ZASP).

Musées

Outre le département de marionnettes du Musée archéologique et ethnographique de Łódź, Muzeum Archeologiczne i Etnograficzne w Łodzi, Dział Widowisk Lalkowych, on peut citer le Musée d’ethnographie Seweryn-Udziela de Cracovie. Il possède en effet 23 szopka, dont la plus ancienne jamais conservée, fabriquée par Michał Ezenekier dans la seconde moitié du XIXe siècle, et près de 650 marionnettes de szopka remontant jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Le Musée national d’ethnographie de Varsovie, créé en 1888, rassemble des objets des aires culturelles polonaises, européennes et extra-européennes. On y trouve 9 szopka et leurs marionnettes, datant du tout début du XXe siècle aux années quatre-vingt.

(Voir aussi Tadeusz Kantor.)

Bibliographie

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  • Waszkiel, Marek. “Szopka oder die keine Sabotage. Das polnische Puppen-Theater im zweiten Weltkrieg” [La Szopka, ou le Petit Sabotage. Les théâtre de marionnettes polonais durant la Seconde Guerre mondiale]. Frontpuppentheater, Puppenspieler im Kriegsgeschehen. Ed. D. Kolland. Berlin: Elefanten Press, 1997.
  • Wiśniewska, Jolanta Ewa. W poszukiwaniu “złotego klucza”. Polska twórczość dramatyczna dla teatru lalek (1945-1970) [Dans la recherche de la « clé d’or ». Œuvres dramatiques polonaises pour le théâtre de marionnettes (1945-1970)]. Łódź: POLUNIMA, 1999.
  • 100 przedstawień teatru lalek. Antologia recenzji 1945-1996 [100 représentations de théâtre de marionnettes. Anthologie critique, 1945-1996]. Eds. L. Kozień and M. Waszkiel. Łódź: POLUNIMA, 1998.
  • Bal u lal [Bal chez les marionnettes]. Première revue polonaise consacrée aux marionnettes, fondée et dirigée par Jan Sztaudynger, publiée mensuellement entre 1938 et 1939 à Poznań. Des sept parutions, trois furent des numéros spéciaux sur les thèmes de l’enfance, du théâtre de marionnettes à l’école et à l’armée. La Seconde Guerre mondiale mis fin à la publication.
  • Le théâtre en Pologne. Revue mensuelle du Centre Polonais de l’Institut International du Théâtre et de l’Agence des Auteurs / The Theatre in Poland. The Monthly Magazine of the Polish Centre of the International Theatre Institute and the Authors’ Agency, Warszawa. No. 5, 1962; No. 5, 1967; Nos. 1-2, 1969; No. 7, 1973; No. 12, 1974; No. 2, 1975; Nos. 8 and 21, 1979; Nos. 1-2, 1984. (anglais et polonais)
  • Pamiętnik Teatralny [Revue théâtrale]. Nos. 1-2. Warszawa: ISPAN, 1987. (Sur le théâtre de marionnettes polonais avant 1945.)
  • Teatr Lalek [Théâtre de marionnettes]. Revue polonaise fondée en 1950, et qui parut de 1950 à 1953 en tant qu’organe de la Direction générale du théâtre de marionnettes (CDTL), l’institution d’État créée pour assurer la politique de nationalisation des théâtres. Elle parut à nouveau de 1957 à 1967 (sous la direction de Henryl Ryl), puis de 1968 à 1970 (sous la direction de Jerzy Koenig puis de Henryk Jurkowski) et enfin, depuis 1982, comme bulletin trimestriel du centre UNIMA polonais. Teatr Lalek est bilingue (anglais et polonais) depuis 1995 sous la direction de Joanna Rogacka puis de Lucyna Kozień. Voir plus particulièrement les Nos. 1-4, 1969 (sur le théâtre de marionnettes polonais de 1944 à 1969), le No. 1, 1994 (sur le théâtre de marionnettes polonais contemporain) et les Nos. 1-2, 1995 (sur la scénographie, avec un dictionnaire des scénographes).