Artiste de théâtre et d’art plastique polonais. Le « théâtre de la mort » de Kantor repose sur un singulier renversement des valeurs traditionnelles : dans ce travail, qui a indirectement trait à l’univers de la marionnette, la mort est considérée comme un élément positif à opposer aux valeurs de la société de consommation. Dans cette perspective, l’acteur devait apparaître aux yeux du spectateur avec la même étrangeté et la même distance que ceux entourant un cadavre.

Influencé par les expériences plastiques du constructivisme et du Bauhaus, par les mouvements dada et surréaliste, Kantor ôta à l’objet toute fonction utilitaire, et réhabilita même le déchet. Avec son théâtre Cricot 2, il signa quelques grands succès internationaux : Umarła klasa (La Classe morte, 1976), Wielopole Wielopole (1980), Niech sczezną artyści (Qu’ils crèvent les artistes, 1985), Dzisiaj są moje urodziny (Aujourd’hui c’est mon anniversaire, 1990), dans lesquels l’acteur vivant et le matériau inanimé étaient placés sur le même plan, et où étaient mêlés notamment acteurs et mannequins. Kantor théorisa le « bio-objet » c’est-à-dire la symbiose d’éléments vivants et artificiels afin de créer une forme plastique qui annulât les distinctions et les hiérarchies de sens habituelles. À cette idée se rattachent, dans plusieurs de ses happenings, les emballages rebaptisés « cricotages » : l’acteur y était souvent enveloppé dans du papier, ce qui annulait les contours de son corps et le transformait en une sculpture vivante, cachant mais en même temps accentuant la forme naturelle.

Reprenant les suggestions de Bruno Schulz dans Sklepy cynamonowe (Les Boutiques de cannelles, 1934), Kantor utilisa toujours des mannequins comme doubles des acteurs vivants. En 1987, dans Macchina dell’amore e della morte (La machine de l’amour et de la mort), des marionnettes manipulées par des acteurs figuraient les personnages, et les sorcières étaient jouées par de grandes sculptures mécaniques marquant la violence de l’histoire exercée sur les individus. En 1988, pour l’Institut international de la marionnette de Charleville-Mézières (France), il créa également avec de jeunes acteurs et marionnettistes, le « cricotage », Une très courte leçon. Dans sa pratique théâtrale, Kantor apporta ainsi aux arts de la marionnette une vision très innovatrice qui doit être rattachée à celle d’Edward Gordon Craig dont il se réclamait.

(Voir Pologne.)