Plasticienne et auteur de films d’animation d’origine allemande. Lotte Reiniger entra en 1916 à l’école de théâtre de Max Reinhardt. Elle y rencontra l’acteur et cinéaste Paul Wegener qui, admirant les vives silhouettes qu’elle découpait aux ciseaux, lui commanda des illustrations pour les cartons de son film Der Rattenfänger von Hameln (Le Joueur de flûte de Hamelin). Le travail de Lotte Reiniger appartient à la tradition des ombres dont la vogue s’était répandue en Europe durant le XVIIIe siècle (« ombres chinoises »). Elle transposa cette tradition au cinéma et mit au point de nouvelles techniques pour animer ses délicates figures devant des décors de lavis sur papier calque. Elle était soutenue par son mari, Carl Koch, lui-même doué pour l’animation. Ensemble, ils inventèrent un nouveau langage cinématographique. Les figurines étaient en carton, papier et feuille de plomb, posées à plat sur une table lumineuse ; chaque vue était animée à la main et, pour une seconde de film, il en fallait vingt-quatre.

À vingt ans, Lotte Reiniger avait tourné son premier film, un court métrage intitulé Das Ornament des verliebten Herzens (L’Ornement du cœur épris), une commande de l’Institut für Kulturforschung. Suivirent Der Stern von Bethlehem (L’Étoile de Bethléem, 1921), Aschenputtel (Cendrillon, 1922), Dornröschen (La Belle au bois dormant, 1922), Der fliegende Koffer (Le Coffre volant, 1922) et le long métrage Die Abenteuer des Prinzen Achmed (Les Aventures du prince Achmed, 1926) qui est un jalon de l’histoire du cinéma.

Les films de la fin des années vingt et ceux des années trente devinrent plus raffinés techniquement, notamment par la synchronisation du mouvement et de la musique. En témoignent Dr. Dolittle und seine Tiere (Docteur Dolittle et ses bêtes, 1928) d’après Hugh Lofting, Harlekin (Arlequin, 1931), Carmen (1933) d’après Georges Bizet, Papageno (1935), d’après Mozart et Galathea : Das lebende Marmorbild (Galatée, 1935).

Après l’avènement du nazisme, Lotte Reiniger et Carl Koch quittèrent l’Allemagne pour la Grande-Bretagne où ils travaillèrent pour le General Post Office (GPO). Ils y collaborèrent avec Benjamin Britten pour The Tocher (La Dot, 1937, film du GPO) et avec Peter Gellhorn, maître de chœur du festival de Glyndebourne. Eric Walter White écrivit un livre sur Lotte Reiniger et les débuts des effets spéciaux. En 1938, Lotte Reiniger réalisa les séquences d’ombres pour La Marseillaise de Jean Renoir.

Après la guerre et la partition de l’Allemagne, Koch et Reiniger retournèrent en Grande-Bretagne. Ils se lièrent avec Jan Bussell et Ann Hogarth (des Hogarth Puppets) ainsi qu’avec Louis Hagen, fils de l’homme qui avait financé les Prince Achmed (Aventures du prince Achmed). La BBC leur commanda des films à partir de contes de fées et des spectacles d’ombres en direct.

Louis Hagen créa les Primrose Productions, compagnie anglo-américaine de télévision et fit tourner à nouveau, en vue par vue, Cinderella (Cendrillon), Good King Wenceslas, Caliph Stork (Le Calife Cigogne), The Frog Prince (Le Prince Grenouille), Papageno, Sleeping Beauty (La Belle au bois dormant), Jorinda and Jorindel, puis des nouveautés : Snow White and Rose Red (Blanche-Neige et Rouge-Rose), The Magic Horse (Le Cheval magique), The Three Wishes (Les Trois Souhaits), The Grasshopper and the Ant (La Sauterelle et la fourmi), The Little Chimney Sweep (Le Petit Ramoneur), Hansel and Gretel, Thumbelina (Poucette) and Jack and the Beanstalk (Jack et le haricot magique).

En 1955, Lotte Reiniger reçut le Dauphin d’argent de la Biennale de Venise pour The Gallant Little Tailor (Le Vaillant Petit Tailleur, 1954).

L’introduction de la couleur à la télévision fit évoluer les techniques de Lotte Reiniger selon deux styles distincts. L’un employait des transparents de couleur dans du carton noir ; l’autre, des papiers de couleurs éclairés sur leurs deux faces, et dont les joints étaient soigneusement dissimulés. C’est de la seconde façon qu’elle réalisa deux courts-métrages, The Seraglio (Le Sérail) et La Belle Hélène de Jacques Offenbach, qui furent saisis ainsi que tout le matériel car la société qui les finançait se mit en cessation de paiement.

Après la mort de Koch en 1963, Lotte Reiniger, cessa de réaliser des films. Elle illustra des livres, donna des spectacles d’ombres dans les écoles, fit des conférences, réalisa encore de nombreuses figures pour la télévision et écrivit un livre, Shadow Theatres and Shadow Films.

En 1972, elle reçut une Bobine d’or  en Allemagne. Suivirent une exposition à Paris et des tournées en Amérique du Nord. En 1974, le National Film Board du Canada l’invita à travailler. Elle donna alors deux œuvres, les premières depuis une douzaine d’années, qui employaient des silhouettes et des transparents de couleur : Aucassin and Nicolette (1975) et The Rose and the Ring (La Rose et l’Anneau, 1979). En 1980, elle retourna en Allemagne où elle mourut.

Lotte Reiniger est l’auteur de plus de cinquante films. La majeure partie de son œuvre est au British Film Institute, au Victoria and Albert Museum et chez les amis qu’elle s’était faits dans le monde entier.

(Voir Allemagne, Grande-Bretagne.)

Bibliographie

  • Bendazzi, Giannalberto. Cartoons. Le cinéma d’animation, 1892-1992. Paris: Liana Levi, 1991, pp. 66-69.
  • Bendazzi, Giannalberto. Le Film d’animation. Grenoble: La Pensée sauvage/JICA, 1985, 58-62.
  • Reiniger, Lotte. Shadow Theatres and Shadow Films. London: B.T. Batsford Ltd., 1970; rpt. Plays, Inc. 1975; rpt. Kalmback Publishing Company, Books Division, 1975.
  • White, Eric Walter. Walking Shadows: An Essay on Lotte Reiniger’s Silhouette Films. Leonard and Virginia Woolf at the Hogarth Press, 1931.